En 2009, avec Christelle Amoussou et Chris Thomas vous fondez le label de soul music Q-sounds recording. Peux-tu nous parler de cette aventure ?
Ludovic BORS: Je fais de la musique depuis le début des années 90, d'abord dans le Hip Hop en tant que beatmaker. J'ai eu mon premier label à cette époque, puis j'ai signé chez Big Cheese Records et Kiff Records avant de rencontrer Chris Thomas en 1999. On est très vite devenus amis, on partageait le même parcours de jeune de banlieue, on aimait la même musique : le Hip Hop ,la Soul, la House... Chris venait de créer son label de Deep House : Qalomota Records. J'ai rapidement sorti plusieurs maxis sur qalomota sous le nom de Joyful Noise tout en m'investissant dans le label. A la fin des années 2000, je pratiquais essentiellement la musique en studio, les concerts me manquaient, j'ai commencé à monter un groupe afin d'écrire et de jouer de la Soul. Pour donner une existence concrète à tout ça, j'ai proposé à Chris Thomas de monter une subdivision Soul chez Qalomota.Il n'y avait jamais eu en France de label de Soul, on avait envie d'apporter notre pierre à l'édifice. C'est ainsi qu'avec ChrisThomas et Christelle Amoussou, qui avait la rarissime qualité d'être une songwritter de talent, on s'est lancé et qu'on a créé Q-Sounds Recording, premier label de Soul de l'histoire de la musique française. C'est ce premier crew de musicien qui a assuré le backing band des premiers artistes du label sous le nom de Radek Azul Band. Notre premier 45t (Chyna Blue & Radek Azul Band ) est sorti fin 2009. L'aventure était lancée.
En 2017 c'est le début de l'aventure "PRINCIPLES OF JOY" raconte nous comment est né le groupe.
Ludovic BORS: En 2015, avec Christelle Amoussou on a commencé à écrire un répertoire original pour une des nouvelles voix du label. Malheureusement on a dû mettre fin à cette collaboration naissante. Un certain nombre de morceaux que l'on aimait beaucoup se sont retrouvés sans groupe pour les interpréter. On a donc décidé de remonter un groupe autour de ce répertoire. A ce moment, c'est la chanteuse Sarah Ibrahim qui a pris le lead. On a progressivement recruté de nouveaux musiciens pour constituer le groupe dans lequel on voulait deux guitares. Début 2018, le premier line up était en place pour commencer à travailler.
Peux-tu te présenter et présenter le groupe ?
Ludovic BORS: Je suis clavier et flûtiste, fondateur du label et également compositeur et arrangeur du répertoire de Principles Of Joy. C'est Christelle Amoussou qui écrit paroles et mélodies. Le groupe est composé de : Jérôme Makles (bassiste) qui vient de la scène Brit Pop/Mod des années 90s, Harysson Jean-Baptiste (guitariste) digne hérité de Wah Wah Ragin, Loïc "Butcher" Betems (guitariste) au background métal, Schaël Michanol (batteur) à la culture Hip Hop et Rachel Yarabou (chanteuse) notre Soul sister représentante des grandes voix du genre.
Avant "PRINCIPLES OF JOY" quel a été votre parcours ?
Ludovic BORS: Je fais de la musique depuis toujours. J'ai eu mes premiers groupes à la fin des années 80, à l'époque c'était un mélange de rap et de funk. J'ai sorti mon premier disque en 1993 et depuis je n'ai jamais arrêté de produire du Hip Hop, de la House, du Jazz Funk ....J'ai sorti pas mal de disques sur des labels comme Big Cheese, Plug it, Qalomota, F.Com, Vega Rec. J'ai également collaboré avec de nombreux musiciens comme Les Sages Poètes de la Rue, Birdy Nam Nam, Guts, Jihad Muhammad, Rufuss....Depuis la création de Q-Sounds en 2009, on a sorti plus de 50 disques. Le live de Principles Of Joy est le 25ème album qui sort sur le label. Depuis maintenant plus de 15 ans avec Christelle et Chris on met notre énergie à faire vivre ce collectif de musiciens (un peu plus d'un douzaine) qui permet au différents projets de voir le jour. Le back catalogue de Q-Sounds est vraiment ce dont je suis le plus fier depuis que j'ai commencé à faire de la musique, Principles Of Joy en est l'émanation.
Quels sont les groupes qui vous ont donné envie de faire de la musique ?
Ludovic BORS: Mon premier souvenir marquant remonte à mes 7 ans. Des amis de mes parents les ont traîné à un concert à la Mairie de Montreuil. C'était un concert de Dizzy Gillespie, alors dans sa période Jazz Funk. Je me suis pris une claque !... Je ne savais pas ce que je voyais mais ça m'a marqué. J'ai mis beaucoup de temps à trouver ensuite une musique qui me parle. C'est le Rap dans les années 80 qui m'a marqué, le punk aussi. Entre 1986 et 1989, ceux qui m'ont donné envie de faire de la musique, de monter mes premiers groupes on été des groupes comme Erik B & Rakim, NTM, Fishbone, Just Ice, Bérurier Noir, Public Enemy.... Mais je peux dire que c'est vraiment le Hip Hop qui m'a fait naître à la musique, c'est à travers le Hip Hop et ses samples que j'ai découvert au début des années 90s la Soul, le Funk, le Jazz Funk etc....
D'où vient l'idée du nom du groupe "PRINCIPLES OF JOY"?
Ludovic BORS: C'est Christelle Amoussou qui a trouvé le nom de groupe. Elle a, en plus de son talent de songwritter, une grande capacité à ressentir les choses. Je crois qu'au vu du répertoire qui se dessinait, le nom s'est imposé à elle comme un résumé de ce que devait représenter le groupe. Ce principe de joie nourrit notre musique et les prestations scéniques du groupe. D'une certaine façon ce nom, issu d'un répertoire naissant, continue en retour à nourrir notre musique et nous inspire.
Comment procédez-vous pour la création des titres ? Ensemble, séparément ?
Ludovic BORS: En général ça part soit d'une composition au piano que je propose à Christelle, soit d'une mélodie avec paroles que me soumet Christelle et sur laquelle je compose. J'amène le morceau en répétition, et on commence à le jouer, chacun apportant sa sensibilité à l'élaboration du son final du morceau. Cette phase de création est toujours assez magique car même si le morceau est largement balisé harmoniquement, il n'acquiert sa saveur finale qu'après ce processus d'élaboration collective.
Parlez nous de votre façon de travailler avec le groupe ?
Ludovic BORS: Comme je disais, les compositions arrivent sous forme de grille avec parfois quelques indications rythmiques, ensuite c'est un processus collectif. On joue, on modèle le son, on échange. On laisse mûrir, on revient dessus. On joue souvent ensemble, au moins une fois par semaine, et c'est à mon avis une force car on se connait très bien. En plus chacun d'entre nous a un background musical très différent qu'on laisse s'exprimer. Notre sauce est composée de nombreux ingrédients que chacun amène. Lorsque les morceaux sont prêts on les enregistre dans notre studio. On maîtrise toute notre chaine de production, de l'enregistrement au mixage en passant par le mastering. Jérôme Makles et moi avons une certaine expérience dans ce domaine et on se complète bien dans ce processus. Tout ça est très artisanal et organique. C'est ce qui donne le son de POJ et au-delà de tout le label.
Parle-nous du design de la pochette ?
Ludovic BORS: Beaucoup de nos pochettes sont très simples : une photo et une typo. Pour cet album, c'est une photo tirée du live. Ce n'est pas une photo posée, on y voit une goutte de sueur couler le long du visage de Rachel. Tout est résumé en une image : De la Sueur et du Son. La soul est une musique spirituelle et incarnée dont la scène est le lieu de cette transcendance. C'est ce qu'exprime cette image
Comment décrirais-tu votre musique ?
Ludovic BORS: C'est de la Soul. cette très courte description me suffit. Si on veut rentrer dans les détails, je dirais qu'on fait une soul contemporaine consciente de son héritage qui s'inscrit dans sa réalité, celle de la France et du monde d'aujourd'hui. C'est une Soul post Hip Hop qui intègre l'idée du sample dans ses compositions et des influences psyché. Mais surtout c'est une Soul enracinée dans son terroir : La Seine Saint Denis. On veut enraciner cette musique en France, lui donnant un goût spécifique, comme le Rap avant elle. On utilise souvent l'appellation "Heavy Soul", j'aime bien cet intitulé.
Après 3 albums, vous enregistrez ce 1er live "Live at CXVIII », peux-tu nous raconter la genèse de ce disque ?
Ludovic BORS: Faire un live devenait une évidence. On a vécu tellement de moments incroyables sur scène qu'il fallait qu'on en garde une trace autrement qu'à travers une story insta. On s'est donc lancé. En plus, le live est devenu un exercice très peu pratiqué par les groupes aujourd'hui. Peut être que le risque de se montrer à nu sans l'artifice de la post production est trop effrayant dans une industrie musicale obsédée par la perfection et le contrôle.
On a donc fait venir une cinquantaine de fans, amis etc... dans notre studio transformé en club pour l'occasion. On a lancé la bande sur notre magnétophone 16 pistes et on a joué !
C'était un super moment, très intense.
Quels sont vos projets à venir ?
Ludovic BORS: On prépare notre quatrième album studio pour le printemps 2026. En attendant on va jouer en France cet été et à l'automne grâce à notre booker On The Road Again. Jouer pour nous est essentiel et on est content de jouer en France. C'est l'Allemagne qui jusqu'à maintenant nous a le plus accueilli, on y retournera pour une tournée d'un quinzaine de dates au printemps 2026
Question bonus : Voulez-vous faire passer un message ?
Ludovic BORS: Faites de la musique, sans calculer, on a besoin en France d'une vraie scène alternative et underground quelque soit le genre, loin des considérations de réussite ou de rentabilité. Et bien sûr, montez des groupes de Soul, y'en n'a pas assez !