jeudi 17 novembre 2022

DEMAGO // Interview // Demago ou le pouvoir de l’intellect anarchiste ! Octobre 2022.


Le parcours de Demago le groupe Rock Français et parisien est totalement atypique fait de rêves et de désespoirs. Une histoire qui débute en 2008 avec la sortie d’un premier méfait Hôpital sur le label (Wagram/Universal) qui se révèle être une petite merveille qui va se voir diffusé en masse sur les ondes de nombreuses radios nationale grâce à des morceaux comme "Hey doc", "Respirez ". S'en suivra une série de concerts événements accompagnés par l’orchestre philharmonique de Radio France à la salle Pleyel ou nos amis s’offre le luxe de réinterpréter l’œuvre de Moussorgski en version rock qui sera diffusé sur France 2 à l'occasion d'un reportage sur les différentes prestations du combo. Pourtant malgré cet engouement des médias et après une série de dates à travers l'hexagone la formation disparait corps et âmes pendant 12 ans pour réapparaitre en 2019 avec un Ep Au cœur de l'atome. En 2020 ils reviennent enfin sur le devant de la scène avec BatTement leur véritable second opus résolument moins Rock lorgnant vers l'électro Pop dans un esprit nettement plus expérimental. Une escapade qui ne convainc pas totalement les fans malgré un bon accueil de la presse spécialisé. Leur troisième album Camarade X marque leur grand retour au Rock puissant, énergique et mélodique et remet les pendules à l’heure le tout accompagné de textes de haut vol. Doté d'un son brutal et corrosif qui vient puiser son influence dans les années 90 (Nirvana, System of a Down) cette pépite surprend par sa qualité et son efficacité, du bon Rock gorgé de guitares. Demago c’est aussi la rage de Maün le chanteur/Guitariste qui analyse d'une manière froide et lucide les tourments de notre monde à travers une écriture brillante et inspirée. Pour faire le point sur cette nouvelle offrande nous nous sommes entretenus avec Maün qui nous donne sa vision de la conception de Camarade X et de ses doutes qui l'assaille en permanence. Un entretien avec un chanteur hypersensible et écorché vif qui va droit au but sans aucune concession avec comme étendard un drapeau noir. Une interview vérité placé sous le signe de l'humilité et de la psychanalyse. Vous avez dit anarchiste ! Magnéto Maün c'est à toi.
Votre dernier opus est sorti en 2020, avez-vous pu le défendre sur scène ?
Maün. Non, on a pas eu beaucoup de chance on a sorti BatTement la veille du confinement. On a du faire deux dates, ensuite tout a été annulé pour l’ensemble des artistes. Tu ne rattrape pas un an et demi de saison culturelle. Tout a été purement et simplement supprimé.. Le dernier a eu lieu à la coopérative de Clermont Ferrand.



Comment décrirais-tu le groupe sur scène ?
Maün. On fait beaucoup de bruit ! Rires. On a un batteur qui tape fort et il y a beaucoup de guitares saturés, un chanteur qui envoie. Rires. Ça dépend des soirs, parfois on est très bon et d’autres moins mais on est toujours présent au rendez-vous. Il y a toujours une appréhension sur scène surtout quand on est front man. C’est ce que je dis aux musiciens, je suis devant , il faut aucune erreur au niveau des textes ce qui n’arrive jamais. C’est beaucoup de sueur sachant que Camarade X est un opus ou il y a encore plus de paroles.

Vous avez cette fois ci été très vite est à dire qu’au niveau inspiration c’était plus facile pour toi sur ce troisième album ?
Maün. On était confiné, on a tous bossé dans notre coin et on s’envoyait les morceaux par le net. Après 10 ans pour le second celui-là on l’a fait en un an.

Tu as composé de nombreux titres puis fait une sélection pour ne garder que les meilleurs ?
Maün.Non, on écrit à la commande. On avait des titres qui étaient terminé et on devait rentrer en studio en mars/avril mais on n’avait pas le droit de sortir, ce que je trouve fou. On a donc continué à construire l’opus et au fil du temps il a beaucoup changé. On est reparti pour quatre ou cinq mois, on a continué à bosser, on a composé de nouveaux morceaux, c’est un mal pour un bien.

Tu veux dire que vous avez modifier les chansons au cours de ces mois supplémentaires d’écriture ?
Maün. Pour certains morceaux le changement à vraiment été radical. Le plus terrible c’est que moi et Mitch on adore défaire ce que l’on a fait. Ce qu’on a posé en studio après un mois de vacances je veux tout défaire, je garde que la prise batterie. Mais après il faut revenir en studio et réenregistrer les guitares.

Cela veut dire que vous êtes retournés plusieurs fois en studio !
Maün. Oui par exemple pour Qui vivra verra on a tout refait on a juste conservé l’intro. Parfois le batteur lorsqu’il recevait les titres, il se demandait ce qu’on avait fait, il ne reconnaissait pas les morceaux. Ce n’était plus du tout les mêmes grilles, les mêmes paroles. Je me souviens que la veille d’envoyer les pistes à H.K Krauss pour le mixage, à minuit et demi j’étais encore en train de travailler sur les chansons, j’ai terminé je n’avais dormi que deux heures lorsque je les ai envoyés. Je chantais encore à minuit et demi.

L’enregistrement a dû être un travail intensif !
Maün. Oui, on a travaillé 365 jours, c’était quotidien.

H.K Krauss s’est chargé du mixage qu’est qui vous à motivé à travailler avec lui ?
Maün. On voulait déjà une grosse empreinte Rock. Pour le coup H.K il maitrise les codes. Le son qu’il a donné sur cet opus est particulièrement éloquent, on voulait quelqu’un qui mette sa touche, il a eu une liberté totale. Il y avait aucune injonction de notre part, on lui a envoyé les pistes et il a fait ce qu’il voyait. Ça a apporté énormément de plu valu au projet. Ça nous a permis de lâcher prise, si on l’a choisi c’est parce que on lui faisait confiance, c’est très important.

Tu ne lui as donné aucune directive ?
Maün. Rien du tout, il a reçu l’ensemble de l’album, il a chargé les pistes dans sa console et il a mixé ça en une semaine pendant les périodes de grèves. Il nous a renvoyé un premier jet, on l’a écouté on n’était même pas dans la cabine avec lui. On a fait deux révisions sans s’être jamais parlé et c’était parfait. C’était d’une simplicité presque déconcertante.

Vous avez sorti trois single "Camarade X", "Il est 8h"et "Jim" c’était un défi de choisir les bons morceaux ?
Maün. Franchement il n’y a pas de liste idéale, c’est difficile moi j’aime tous les titres savoir quoi sortir, comment…. Ce ne sont que des tempos très élevé, chaque fois on a une possibilité de titres hormis la dernière plage qu’on ne peut pas sortir en single. Après on a fais des choix collégiaux, on en a parlé aussi avec Elodie qui est notre attaché de presse. Elle nous a soumis ce qu’elle sortirait et on a choisi "Jim" qui évoque cette enfance volée qui ne revient jamais c’est autobiographique. A la base c’est une lettre que je me suis écrite Pour moi écrire c’est sublimé une forme de souffrance, de douleur. Ca pourrait être ça "Jim" , il y a une part autobiographique, une aussi inconsciente et une que je veux romanesque.(Ndr : le nouvel extrait sorti est "Au Suivant"

Cette enfance volée dont tu parles te ramène à la tienne je suppose !
Maün. Dans tous les cas vieillir, ce n’est pas qu’on abandonne ses rêves mais c’est une contrainte. Ce n’est pas facile de vieillir, de devenir un homme., on a des choses qui ne sont pas fondamentalement incarné, on peut parler, il y a tout un phénomène de résilience très présent dans ce disque. On peut apprendre à se pardonner, se lever et fleurir de nouveau. Il y a beaucoup de thème dans cet opus. Le fait de ne pas abandonner, de ne pas lâcher. On voulait un album qui soit un éloge du combat, de la résilience. C’est pour cela aussi qu’on l’a appelé camarade. C’est le prochain dont on ne prend pas forcément soin. Parce que c’est tout le monde, le x car le camarade n’a pas de nom, c’est un frère d’arme. C’est politique aussi. J’écris les textes donc on va rapidement me positionner sur un échiquier politique. Quand on écoute Démago c’est clairement anarchiste. Il y en a de droite, de gauche que je serai. Je pense que les gens ont compris.

A propos de "8h" c’est le soir ou le matin ! Rires .
Maün. Rires. On l’a mis parce que c’est un titre qui est un peu plus léger par rapport au reste de l’album. Il n’y a pas que des chansons sur la douleur. Dans ce titre il y a de l’humour, c’est important. On ne veut pas être que dans le sérieux ou la névrose.

Il y a ce côté de dépasser ses peurs et ses traumatismes.
Maün. Oui, c’est quelque chose de personnel. Je répète à longueur d’interview que je peux comprendre parfaitement qu’on ait pas envie d’écouter Demago. C’est un truc qui ne me blesse pas du tout.

J’ai l’impression que dans les textes il y a aussi un coté nostalgique !
Maün. Je ne pense pas si ce côté existe alors c’est inconscient. Tu dois faire référence à « La Chute D’Icare » ou on parle de l’enfance. J’ai la chance d’être papa, il y a quand même quelque chose…. Il y en a forcément une, vieillir il y a une forme de renoncement par rapport à notre jeunesse qu’on ne reverra plus. Quand j’ai écrit ce texte, ce constat sur la vie pour le coup c’est très autobiographique, ce sont des images. En psychanalyse ce sont des souvenirs écrans. Lorsque je dis : « Je me revois j'avais 5 ans », j’ai des images de moi, je cours dans les herbes hautes. C’est un texte qui est très évocateur de ce qui est là et qui ne reviens plus.

C’est un des textes dont tu te sens le plus proche ?
Maün.Je me sens proche de tous les textes. Je les aime tous sinon je ne les aurais pas sortis d’ailleurs. On est très exigeant au niveau des paroles. Je ne peux sortir qu’un texte que je trouve bon. J’insiste encore une fois c’est très subjectif, c’est ça qui est beau dans l’art. Duke Ellington disait : « Si la musique vous parle c’est qu’elle est bonne ». C’est ce que j’explique souvent aux gens. Faut vraiment se foutre du jugement de l’autre, moi je m’en fous complètement. Si j’aime ce que les gens considèrent comme de la merde, je le défends et je dis-moi j’aime bien. Oui pour moi les textes sont la pierre angulaire mais après on est très chiant sur la musique aussi. Il faut que tout soit bon. C’est un opus qui est très riche harmoniquement, on a évité les boucles, on a fait beaucoup de changements d’ailleurs. Ça change très souvent de grille, ce ne sont jamais les mêmes et c’est quelque chose qui est désopilant pour l’auditeur.

C’est un peu une réaction à BatTement qui était plus Electro avec des boucles et moins de guitares !
Maün. En fait on a cherché le côté négatif de BatTement avec énormément de tempos enlevés. Quand on l’a joué sur scène on l’a rendu plus Rock. On a intégré un batteur, cela a vachement modifié la sonorité de cet opus c’a donnait un album beaucoup plus fougueux que ce que c’était. A l’époque on avait plus de batteur et on s’est dit que lorsque l’on était sur scène que pour le troisième disque on allait faire un truc plus Rock. On avait un cahier des charges à 160, toutes les titres sont au-dessus de 160.

Il y a des textes écrit très long pour ces morceaux je suppose que ce n’est pas évident à chanter sur scène !
Maün. Ça dépend des intentions. Dans un titre comme « Le Démon » que j’adore, sur l’addiction, le coté phrasé est très important et je n’ai pas envie de modéliser Alor qur sur « La Chute D’Icare » j’ai envie de le chanter alors que le débit est tout aussi rapide Tout dépend de l’intention et du caractère grave de la chanson J’ai pas envie de mélodiser si je considère que ce que j’ai à dire est important et plutôt critique Après à la voix je mélodise énormément sur « Jim » parce que je ne chante pas à la double croche mais plutôt à la noir forcément ça me laisse plus d’espace pour placer des notes, c'est de la technique d'écriture.

Ça te demande beaucoup de temps l’écriture des textes ?

Maün. Il n’y a pas de règles cela peut prendre 2 heures ou 1 mois. Je peux lutter sur une phrase et ça me rend fou. Parfois ça va être d’une fluidité, je ne comprends pas. Ça ne s’explique pas c’est clinique. Un texte comme « L’Hymne à la Joie », cette espèce de diatribe anti libérale… étant donné que tu t’appelle démago tu as intérêt à ce que ton texte soit bien solide.

Justement est ce que tu considères que ton rôle en tant qu’artiste c’est d’amener le public qui te suis à réfléchir, à se poser des questions ?

Maün. Pour moi ce n’est pas mon rôle de faire prendre conscience aux gens certaines choses. Je me fais plaisirs moi avant tout comme un éditorialiste en fait. Vu la qualité de ces éditorialistes, je préfère décider de moi-même de l’édito. Rires. Je le dis souvent, le rôle d’un artiste c’est d’observer, de se mettre au milieu de la société et de retranscrire par son filtre. Autant quand je parle de transhumanisme, j’ai envie de donner mon avis. Lorsque j’écris « Les cinq dernières minutes » avant de mourir c’est une espèce de film qui défile sous nos yeux et que je transmets comme ça, idem sur l’Europe je donne ma version de l’Europe libérale. Après c’est vrai qu’en ce moment je trouve que l’on a peu de chanson politique, ce n’est pas très à la mode et ça tombe bien je m’en fou.

Depuis plusieurs années il y a une forme d’autocensure des artistes pour ne pas subir les foudres des réseaux sociaux, te sens tu un peu à part avec Demago en prônant des textes à la fois poétiques et politiques ?
Maün. Ce qui est certain c’est que oui Demago est un groupe très politique, très engagé qui fait peur. Je peux comprendre aussi, on ne rigole pas beaucoup dans nos albums. Tu n’écoutes pas notre musique pour faire la fête ou alors tu la foire complètement. On récolte aussi ce que l’on sème mais one se prend pas au sérieux. On va donner notre critique d’art du réel et on s’expose forcément à la critique quand on s’engage. On n’attend pas de neutralité bienveillante à notre égard, je suis un grand débatteur, j’attends n’importe quoi que ce soit un éloge ou autre. On adore être couvert de compliments et après se prendre des critiques négatives mais qui sont construites, j’aime bien aussi. Ça rentre dans ma tête et inconsciemment j’essaye d’analyser ce que la personne n’a pas aimé. Par exemple il y a beaucoup de gens qui trouvait que le premier opus était du bon Rock mais trop à gauche. Avec Camarade X, on leur a montré qu’on était encore plus à gauche. Rires. Je n’ai pas fondamentalement envie de plaire. Ce que je veux c’est que ça me plaise. C’est pour ça que je te dis que je suis un éditorialiste, j’engage ma parole en tant que chanteur, c’et tout. Ça plait c’est bien sinon je m’en fou tant que moi je suis dans les clous des cases à cocher de mon plaisir. Je suis quelqu’un avec beaucoup de désir de sortir ça. Je me sers de l’art et de ma plume pour sublimer ce que j’ai en moi, ce que j’observe. Je romance, je ne m’empêche de rien.

Vous avez un parcours hors du commun, vous avez débuté avec Hôpital votre premier opus, vous étiez signé chez la major Wagram/Universal, vous avez eu énormément de passage sur des radios importantes avec des morceaux comme « Hey doc », « Respirez » comment as-tu vécu cet engouement autour de Demago ?
Maün.. On était content, il y avait pas mal de label qui nous voulait, on n’a pas fait le bon choix on ne va pas se mentir puisqu’après ils nous ont foutu dehors. On était heureux que notre parole soit diffusée et plaise. On a fait une belle tournée mais c’était un succès d’estime on n’a pas vendu beaucoup de disques. Ça ne s’est pas bien passé avec la maison de disque. On est aussi responsable. Ça se fait à deux c’est comme dans un couple. On ne s’est pas compris. Le directeur artistique qui nous a signé à changer, ce n’est jamais un bon point, c’est comme un prof avec ses chouchous. Il y a eu un changement de direction et on n’était pas en honneur de sainteté avec celle qui est arrivé. Le label ne nous a pas beaucoup défendu, ils nous ont mis au frigo.

Vous avez attendu 12 ans pour sortir votre deuxième album BatTement en février 2020 !
Maün. On avait envie de faire quelque chose de différent. On avait aussi besoin de digérer cette tournée, de se ressourcer Après on a fait trois albums qui ne sont jamais sorti. On n’était jamais content donc on ne les sortait pas. On aime sortir que ce qui nous satisfait. On a bossé tous les jours pendant toutes ces années, c’était fou, c’est difficile à comprendre de l’extérieur. Si c’était à refaire on ne refera pas la même chose c’est certain. Mais on n’a pas fondamentalement de regret, c’est notre histoire, on ne peut pas la changer faut apprendre à faire avec. On a chanté en anglais, on a défait, on a refait. A un moment on s’est dit on ne s’entête pas sinon on va déprimer. La preuve on a eu beaucoup de chance à la sortie BatTement dix jours après on nous a enfermer ! Rires Comme un symptôme. Au moment où on voulait le sortir, le monde extérieur à dit non vous ne sortez pas les gars on va vous enfermer. Rires On en a refait un autre dans la foulée : Camarade X.



Vous avez eu aussi cette opportunité de donner une série de concerts avec l’orchestre philharmonique de Radio France à la salle Pleyel pour réinterpréter l’œuvre de Moussorgski en version rock diffusés sur France Musique et qui a fait l’objet d’un documentaire retraçant la rencontre choc du rock et du classique sera diffusé sur France 2 !
Maün. C’était une superbe expérience. C’est le directeur de l’orchestre qui cherchait un groupe Rock pour reprendre les tableau d’une exposition et Bernard Stigler  qui était à l’époque le programmateur de Musica de France Inter lui a dit qu’il connaissait un combo qu’il adorait , il nous avait fait une super chronique un dimanche soir Bernard Stiegler est décédé, il a contacté ce directeur et lui a dit : « prend les tu vas voir tu ne vas pas être déçu ». Il nous a pris, on s’est rencontré, le courant à passer et on a fait un documentaire sur France 2 et trois concert évènements avec le philarmonique de Radio France à la salle Pleyel. Ça été une super expérience.

Justement qu’as-tu retiré de cette expérience unique ?
Maün. Cela m’a apporté quelque chose sur moi-même, c’est que déjà jamais je n’intégrerai jamais un orchestre. Rires. Et que je suis bien là où je suis c’est à dire dans une liberté totale et comme je l’ai dit je suis un pur produit d’anarchiste français. Donc je n’aime pas qu’on m’emmerde, je ne veux pas être chef d’ailleurs. Je n’en ai pas. Je vis ma vie comme je l’entends et pour le coup un collectif de cent personnes tu ne peux pas faire ça. Il y a beaucoup de règles, c’est très corseté et je suis bien en moi par rapport à l’orchestre, c’est vraiment capo, hiérarchisé. Ça ne m’a pas donné envie. En revanche jouer avec cent musiciens c’est un énorme kiff. De toutes façons il y a toujours des bons et des mauvais côtés. Le côté hiérarchisé qu’est-ce que c’est pesant, ce sont d’autres codes, ce sont des codes de la musique classique, des costards, ben voilà moi je ne mets jamais de costards. Rires.

En 2008, vous avez été en quelque sorte des précurseurs en enregistrant avec un orchestre symphonique. Est-ce que cela a eu des retombées positives pour le groupe ?
Maün. Forcément, il n’y a pas beaucoup de groupes français qui ont joué avec le Philarmonique. Demago a une belle histoire et c’est pour cette raison qu’on était déçu de ne pas trouver de label. Concrètement on a un peu un coté enfants de Victor Hugo. On aurait quand même bien aimé un label. Ce qu’offre un label est une puissance de frappe largement supérieure. Alors on fait notre prod, on demande à Stan Bez de faire un financement participatif histoire de nous aider à amortir les couts de production car cela coute cher de faire un album et de le défendre. C’est au moins dix mille balles entre les clips, les graphistes, tout ça. Maintenant oui on est déçu de ne pas avoir plus de soutien de la part d’un label. Ça augmente les capacités de succès. Tu as des passages radios, des équipes qui bossent pour toi. Sans ce boulot, forcément c’est moins efficace. Encore une fois c’est notre histoire. On a un petit côté informel, mais il faudra réfléchir à la fin de ma vie pourquoi c’était comme ça. L’analyse n’est pas terminée. En tant qu’artiste on aurait aimé être plus défendu sur cet opus particulièrement parce que c’est un album de scène, de sueurs. Ce n’est pas un disque de rock. C’est un album coup de poing. On aurait aimé avoir l’opportunité. On est à vingt jour de la sortie. On aurait aimé avoir plus le jour de la sortie, mais ce n’est pas grave.

Tu me disais que vous étiez très perfectionnistes et que vous avez mis à la poubelle trois albums après le premier album. Est-ce que tu penses que maintenant tout ça s’est débloqué par rapport à cette première période qui a été très longue ?
Maün. parce qu’on en est content, parce que moi au texte je ne veux pas uniquement circonscrire à la contestation ou des traitements de la maladie mentale et par exemple il faut que j’aie des textes qui m’inspirent. Je ne pourrais pas me regarder dans une glace si je faisais un texte engagé. Comme « Camarade X » je passe par le prisme de cette femme qui perd son emploi, je frissonne. Quand je dis par exemple que je donnerai tout pour peindre, elle donnera tout pour perdre. Je frissonne des pieds à la tête quand j’écris ça. J’ai besoin de sensation. Si je n’ai pas de sensation de toute façon je ne le sors pas. On veut des sensations donc. C’est vrai que les thèmes qu’on a abordé dans « Camarade X » c’était la diction, quel groupe soit-elle dans « Le Démon ». Pareil je frissonne. La diction c’est aussi une descente aux enfers. Quand je parle de l’homme augmenté dans le transhumanisme. Je veux avoir des images des sensations fortes. Je ne veux pas m’emmerder. C’est pour cela que j’écris des textes profonds et c’est pour cette raison que je ne peux pas chanter l’amour. Tu peux le faire comme ça une fois ou deux fois mais après rapidement j’ai l’impression de tourner en rond. Je n’ai rien à dire, les chansons d’amour je laisse cela aux autres. A mon avis ils le feront mieux que moi. Par exemple l’enfance qui ne revient jamais ça me fait frissonner. Tous les thèmes qu’on abordent dans cet opus sont des thèmes profonds. C’est pour ça comme je le disais tout à l’heure, je peux comprendre qu’on n’ait pas envie de Demago quand on rentre du taff. Le côté tempo, up tempo fait un album coup de poing. Je pense que si tu veux chuinter le message des textes, tu peux le faire dans cet album, mais pas dans « Battement » car les thèmes étaient relativement bas et donc tu ne pouvais pas passer à côté du texte. Là si tu veux je pense que tu peux n’écouter que la musique.

Allez-vous mettre tous les textes sur votre site ?
Maün. Bien sûr on va mettre tous les textes et on les a mis dans le livret. Dès que le CD sort on va les mettre bien évidement sur le site. Tous les titres de chaque single, il y a les textes. On va les sortir car cela peut aussi se lire tout autant que ça s’écoute.

Je vois que tu as des livres sur la psychanalyse derrière toi c’est un sujet qui te passionne et que tu as envie de transmettre et développer ?
Maün. Disons c’est un peu mon corpus. Maintenant je ne cherche pas ni à faire l’éloge de la psychanalyse ni en faire un brulot. En tous les cas la dimension de la psychanalyse est importante dans la vie. Déjà parce que ma femme est psy. Rires. Ça aide. Forcément le côté thérapeutique est très important pour moi parce que c’est mon histoire. A un moment de ma vie j’ai dû me frotter à une analyse parce que je ne pouvais plus vivre avec moi-même et je sentais que j’étais en danger de cette vie. Je n’y arrivais plus et un jour je me suis effondré et je me suis dit ce n’est pas possible je suis à deux doigts…C’est ce que raconte « La chute d’Icare ». A trente ans j’ai saigné, j’ai souhaité la mort. A un moment je me suis dit si je veux rester en vie il faut que je fasse quelque chose. J’ai fait quelque chose et cela à plutôt très bien fonctionné. L’art pour ça est un viatique et l’écriture aussi qui permet de sublimer ce qui ne va pas.

Quel est ton rôle sur le clip ?
Maün. C’est moi qui le réalise.

Donc tu fais tout de A à Z.
Maün. Oui c’est moi qui les réalise comme ça je sais où je vais. On a eu la chance d’avoir une résidence à l’Empreinte à Savigny sur Orge et ils nous ont offert le concert filmé. On avait l’opportunité de se voir jouer en live. Comme on ne se voit jamais, on n’aime pas trop voir nos tronches. Là on s’est dit qu’on allait le faire, comme on avait du matériel, on s’est dit qu’on allait réaliser ce clip en mélangeant les images et en nous mettant en live comme ça on faisait une pierre deux coups.

Audrey Abrahamian est l’auteur de la pochette qui colle bien à votre univers !
Maün. On lui a dit, écoutes l’album on verra bien après. Elle nous a fait un genre de scène de guérilla urbaine avec une armée et derrière on a adoré tout de suite ce n’est pas compliqué. C’est une pochette pareille qu’avec Ashka. Tous les gens qui ont tournicoté autour de cet album ont été les hommes et les femmes d’une proposition. C’est fou. D’ailleurs on a fait toutes les pochettes de single aussi. C’est devenu d’une simplicité évidente. Et chaque fois c’est le top. Chaque fois qu’on reçoit un travail d’Audrey c’est top, vraiment parfait. Je trouve que cette pochette de « Camarade X » est sublime parce qu’elle représente un peu tout ce côté futuriste, ce côté soleil vert. On a ce personnage qui est masqué qui représente bien tous les thèmes qui sont traités dans cet opus. Cela prouve que c’est en adéquation parfaite. Et en plus il y a un côté cartoon, ce côté humain. Ce n’est pas une machine qui a fait ce travail. C’est un être humain qui a dessiné avec ses crayons. J’adore.

Comment te sens tu maintenant que Camarade X va bientôt sortir ?
Maün. Vide. Je déteste ça. Je déteste les sorties d’albums. Parce ce que j’aime, c’est faire. Il y a un côté tu reviens au processus zéro de la création à l’étape 1 je déteste. Mais je déteste lâcher prise. Je suis un grand stressé déjà quand tu fais partir au mix c’est fini. Il ne t’appartient plus. Et quand tu le sors c’est qu’est-ce que je vais faire, où est ce qu’on va aller, vraiment on ne sait pas. Donc repartir à l’étape 1 de la création c’est quelque chose que je n’aime pas. Justement comme je te disais qu’est-ce qu’on va traiter, qu’est-ce qu’on va avoir envie d’écrire, est ce que je vais encore avoir envie de composer, est ce que Demago va continuer. On ne sait jamais en fait. On ne sait pas. Déjà sortons cet album.

Tu attends les réactions.

Maün. On attend toujours les réactions. L’artiste qui me dit qu’il s’en fout de la critique et des compliments ce n’est pas vrai. L’album plait c’est bien, l’album ne plait pas de toute façon, c’est fait. Évidement on guette, j’aime bien garder les papiers élogieux pour mon travail. Je ne connais pas quelqu’un qui se satisferait à se faire chier dessus. Ce n’est pas du SM quoi. Je n’ai pas envie de me faire fouetter, j’ai envie qu’on me dise que j’ai fait un superbe travail, c’est beau, on en ressort ému. Déjà les retours positifs qu’on a sur les singles ça nous fait du bien que ce soit combattif, on se relève. Évidemment que cela fait plaisir. On vit pour ça. Un artiste ça se nourrit aussi des retours qu’il obtient. Que ce soit positif ou négatif d’ailleurs. Évidemment l’éloge fait plaisir.

Est-ce que tu as déjà commencé à travailler sur d’autres textes ou musique pour un futur album ?

Maün. Après. J’ai besoin de liquider cet opus. Je ne veux plus de brides. Que le « Camarade X » sorte de ma vie. Pour qu’il sorte de ma vie et de ma tête il faut voir sur les plateformes si les gens ont le skeud ou peu importe on en parle. Pour moi l’émergence d’un autre projet commencera à germer. C’est important de liquider complètement et par respect pour notre travail, c’était un travail d’arrache-pied. On travaillait tous les jours et toutes les nuits pour cet album et je n’ai pas envie de bâcler la sortie. Et après on posera ou pas une autre pierre, mais déjà on a envie que les gens l’écoutent cet album. Qu’il me fasse un retour. Tout n’est pas indifférence comme disait Michel. Tout n’est pas indifférence.

Pour conclure as-tu envie d’ajouter quelque chose qui te semble important ?
Maün. Non je n’ai pas grand-chose à rajouter. Je dirais juste qu’ils vont découvrir un troisième opus qui est peut-être notre meilleur parce que je trouve qu’on a réussi à oser un éventail dans une musique rock que je trouve assez riche, très écrit, très chiadé et on voulait vraiment se faire plaisir. On s’est fait plaisir et on verra si on en donne du plaisir. On a placé la barre très haute, je me dis ouah un quatrième album comment on va faire mieux. C’est quelque chose dans le processus de création qui va me bloquer durant les premiers mois de boulot ou quand je vais m’y remettre. La barre elle est haute.

Rock mais aussi très mélodique et accrocheur.

Maün. Je vais essayer de placer la barre sur le champ, je vais peut-être essayer d’être encore plus mélodique parce que là c’est déjà bien ça chante. Je pense que je peux encore faire mieux pour utiliser ma voix comme une chorale voire augmenter. Queen par exemple utilise beaucoup la chorale, les lyriques. Je me dirais que je vais encore plus utiliser ça, le chant lyrique, je vais essayer de calmer mon débit je ne sais pas. De toute façon s’il y a un quatrième album, on ne fera pas la même chose. Je vais aller chercher d’autres contrepoints que ce que l’on a fait. Peut-être moins de mitraillette. Rires. En tous les cas il y a une énorme pression sur mes épaules. Sortons-le cet album, écoutons-le, saignons-le sur des platines peut-être on ira le défendre sur scène ou pas. On ne sait rien en fait. C’est notre bébé, notre troisième enfant. Il va grandir et vivre sa vie. Après on verra comment on envisage la suite.

Avez-vous envie de faire des tournées et de donner des concerts ?
Maün. En tous les cas on ne peut pas jouer pour jouer. Si on joue c’est qu’il y a une tournée derrière. On ne va pas faire deux dates. Ça ne m’intéresse pas. Ça demande énormément de travail d’être sur scène. La musique s’apprend sur scène et pas en répétition. Sur scène c’est là qu’elle prend toute son ampleur et pour ce faire tu n’es pas bon en une date. Parce que tu as fait un mois de résidence, tu es bon à partir de la dixième date parce que tu trouves tes comparses les yeux fermés et ça prend énormément de temps, sachant qu’il n’y a jamais une date qui se ressemble et tu as toujours des galères sur scènes, des kilos de sons et tu trouves la liberté avec la scène. Elle s’apprivoise. C’est beaucoup de travail, moi j’adore être sur scène. Pour ça il faut que les programmateurs nous donnent cette opportunité mais comme je le dis souvent avec les multiples interviews, c’est timide. On a deux dates et pour l’instant ce n’est pas assez. Ce n’est pas assez pour se dire ok les gars on fonce. Si on avait plein de date on serait en train de suer mais pour l’instant ce n’est pas le cas. On verra bien l’avenir nous le dira.

Est-ce que cela vous plairait peut-être d’ouvrir pour un groupe sur une tournée ?
Maün. Oui j’adore. Quand tu ouvres pour un groupe tu récupères son public. C’est génial, il y a un vrai désir de plaire dans la première partie, pour des gens qui ne sont pas là pour toi. C’est rarement un combat avec le public, il s’en fout de toi et d’aller le chercher c’est génial. Et les gens viennent te voir en disant que ça leur a plu. Ce sont des moments de bonheur. C’est assez orgasmique pour un groupe le live d’ailleurs et le live en général. Mais après le live quand on vient te voir tu ne peux pas faire plus plaisir à un artiste. Il vient de voir un spectacle vivant. Toi tu es claqué, il a chanté et hurlé pendant une heure trente et il vient te voir. J’ai adoré ce que vous avez fait. Ce sont des compliments personnellement qui me touchent le plus.

Comment tu décrirais tu votre évolution musicale depuis la création du groupe ?

Maün. Je dirai qu’on utilise pas mal d’outils dans l’ensemble car on vient d’horizon assez différents. C’est une vraie richesse mais sur cet album on a un peu repris tous les codes de tous les rocks c’est-à-dire du rock métal Metallica ou du code Placebo, on a tous mis, toutes nos influences. Quand on a commencé on s’est aperçu qu’il y avait pas mal d’influence comme System of a Down. Ça nous a fait plaisir de voir qu’on a réussi à les faire parler.



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5 Octobre 2022.
Pascal Beaumont  
Pascal Beaumont et Laurent Machabanski (Traduction / Retranscription)