Dusk Of Delusion le gang de Nancy n’a pas fini de nous surprendre. Après un premier opus (F)UNFAIR qui vous transportait dans un univers malsain un monde à part totalement barré qui vous faisait voyager au cœur des fêtes foraines du 19ème siècle où chaque stand se révélait être un miroir cynique de notre société moderne. Puis un second méfait Watch Your six particulièrement réussi qui nous plongeait dans les effrois de la première guerre mondiale et nous emmenait sur les chemins de ce conflit à travers des histoires de vies de soldats, de civils, d'hommes ou de femmes, français, anglais, allemands ou russes qui narraient leur expérience du conflit et les sentiments qui les traversaient suivi d’un Ep World at War qui prolongeait ce concept historique à travers cinq nouveaux morceaux. Les voilà de retour avec un nouvel album concept COrollarian RObotic SYStem qui cette fois ci nous embarque en l’année 2077 au cœur d’une terre ou les robots organiques anthropomorphes appelés les corollaires dominent la planète. Un concept ambitieux à mille lieux des deux précédents qui prouvent que le combo Nancéen n’est pas à court d’idées bien au contraire. Le thème : Dans les années 2050, après une vague de guerre civile en Europe, la firme russe COROSYS met sur le marché des robots organiques anthropomorphes appelés les corollaires. Au départ conçus pour être des soldats, les corollaires vont bientôt devenir des assistants personnels que chacun peut acheter pour le remplacer dans les diverses tâches de la vie quotidienne. Petit à petit les corollaires vont même être recrutés pour occuper des métiers délaissés par les humains de cette nouvelle société : serveur, ripeur, prostitué. Un vaste sujet que nos amis ont développé sur 11 titres magnifiquement ciselé qui développe une identité sonore plus audacieuse, à la fois mélodique et catchy et nous transporte dans un futur dystopique sombre et inquiétant où après un conflit armé en Europe, l’entreprise COROSYS inonde le monde de ses "Corollaires. Pour découvrir ce monde inquiétant qui pourrait être le nôtre dans un futur plus ou moins proche quoi de mieux que de donner la parole à ses créateurs les sympathiques Benoit Guillot et Julien Skorka respectivement chanteur et bassiste de la formation. Un entretien convivial et chaleureux pour découvrir un univers pas si réjouissant que ça. Magnéto messieurs c’est à vous !
Le 25 Juin dernier vous avez donné votre dernier Nirvana Pub Club, à Lying Figures avec Claude Colmars à vos côtés, je suppose que cela a été un concert un peu spécial !
Benoît. C’était très spécial. Ce n’est pas forcément une décision du groupe. On a toujours de bonne relation avec Claude. Ce sont les chemins de la vie qui se sépare en l’occurrence, il est parti vivre en Corse. C’était un peu compliqué de rester dans Dusk par rapport à ça. On a donc dû lui trouver un remplaçant mais c’est vrai que ce dernier show avec lui était très émouvant. En plus on n’a pas eu beaucoup de concerts en 2020. 2021 et cette année donc c’était d’autant plus émouvant. On voulait lui offrir ça.
Est-ce que cela a été simple de lui trouver un remplaçant ?
Julien. Non pas du tout, d’abord il fallait qu’humainement ça passe.
Benoît. Ce n’était pas facile il fallait trouver un remplaçant qui soit à la hauteur de ce que l’on attendait, de ce que Claude nous avait donné au niveau du live. Du coup c’était forcément compliqué et ça n’a pas facilité le processus de création et des concerts qui vont venir derrière. Mais de fait on est content d’avoir trouvé Jean-Gabriel Bocciarelli l’ancien bassiste de Benighted Soul qui va remplacer Claude à la guitare, a priori on part sur de bonnes bases avec lui.
Vous aviez des critères bien précis en termes de recrutement ou est-ce une opportunité qui s’est présenté à vous ?
Benoît. Un peu des deux, il y avait des critères musicaux très importants mais il fallait surtout une belle personne, quelqu’un qui puisse donner sur scène et avec qui on s’entend très bien. C’est ça qui primait. Avec tout le respect que j’ai pour le guitariste rythmique on est quand même sur de la guitare rythmique ce n’est pas non plus un soliste que l’on cherchait. Je pense qu’il va apporter énormément à Dusk.
Comment est née l’idée de ce concept futuriste bien loin du précédent ?
Julien. C’est parti d’une idée qui me trottait dans la tête, j’en avait parlé à Benoît et ça nous parlait à tous les deux cette histoire de robot. On a kiffé à écrire ce concept tous les deux. Benoit à mis ses paroles et j’étais là à chaque période. Jai vraiment pu voir comment il écrivait. On était vraiment dans l’histoire.
Et puis il y a cette nouvelle écrite par Benoît qui est un mini scénario avec une fin sombre qui m’a fait penser à Terminator !
Benoît. Tout à fait, il y a beaucoup de référence cinématographique que tu peux retrouver, Blade Runner…. Il y a toutes ces influences. La nouvelle se lit à part entière, c’est limite une œuvre qui peut se suffire à elle-même plus ou moins, je l’espère parce que c’est moi qui l’ai écrite. Elle peut se lire à part entière et en même temps l’écoute de l’opus est incomplète si la nouvelle n’est pas là en amont.
C’est peut-être votre premier véritable album concept dans le sens ou tous les titres sont lié entre eux par une histoire !
Benoît. Oui tous nos concepts album sont lié dans un contexte mais là il y a une histoire générale qui relie le tout ce qui est d’ailleurs très intéressant, c’est intercontinental, intemporelle on passe de l’Angleterre à la France, de 2077 à 2050. Il y a plein de choses passionnantes qui sont différentes dans l’espace et le temps. Mais de fait oui effectivement toutes les chansons sont liées entre elles par un même concept peut être de manière plus intéressante que dans les précédents opus.
Je suppose qu’en amont il y a un travail très important pour mettre en place cette histoire.
Julien. De fait on ne sait faire que des concepts albums. Te dire que c’est un travail plus important que sur les précédents opus ce ne serait pas vrai cependant musicalement c’est vrai qu’on s’est un peu plus creusé la tête sur celui-là. On a vraiment eu une cohérence musicale et aussi au niveau des textes qui se ressent.
Avez-vous composé de nombreux titres puis fait une sélection pour celui-ci ?
Julien. Comme pour le précédent on a composé plus de morceaux dans le cadre de cet univers. A la base il y en avait 17 qui étaient les plus pertinent pour décrire l’opus, pour l’enrichir musicalement. On a éliminé quelques-uns mais qui ne le sont pas forcément car on les réutilisera pour éventuellement autre chose mais toujours dans le même contexte. On se donne une liste de tout ce qui pouvait donner un attrait et enrichir ce monde. C’est comme ça que l’on fonctionne Benoît nous donne une liste de tous les caractères qui pourraient intéressant pour développer l’histoire puis on se greffe dessus au niveau des compositions. On essaye d’y mettre une ambiance qui va avec le thème qu’on va aborder. Il y en a eu 17 d’écrites et ensuite on en a conservé 10 parce que c’est ce qu’il nous fallait.
Comment avez-vous effectué ce choix justement pour n’en garder que dix ?
Julien. C’est très difficile. Ce que l’on a fait c’est que l’on a demandé a une quinzaine de fans qui nous suivent depuis le début et qu’on affectionne de nous aider. On les a invités à une session d’écoute en avant-première des préproductions qu’on avait faite et on leur a demandé de nous écrire un peu leur ressenti. On leur a détaillé les chansons et ils nous ont exprimé leur avis. Là on avait une espèce de barème en fait des meilleurs titres selon eux. C’était très varié, il y en a un qui pouvait détester un morceau et d’autres l’adorer, c’était aussi assez intéressant à voir. Du rendu de cette session, on a un peu privilégié leur avis auquel on a ajouté le nôtre quand même parce qu’il y a aussi des titres qu’on aime bien jouer. On a mis notre grain de sel dedans et on est arrivé à un consensus qui est assez pertinent.
L’album a été enregistré, mixé et masterisé au Boundless Studio avec Flavien Morel comment avez-vous vécu cette expérience comparée aux sessions de Watch Your Six l’opus précédent ?
Julien. On avait déjà projeté de travailler avec eux pour l’album précédent Watch Your Six. On s’est dit que cette fois ci on allait passer le cap et aller chez eux. On voulait une batterie plus organique, il nous fallait une prise drum en live, des vrai, pas des batteries programmées. On l’avait déjà fait précédemment mais dans un studio un peu moins connu. On voulait travailler avec Flavien et on est parti là-dedans. On a enregistré la batterie et les autres instruments on les a enregistrés chez nous. On a tout ce qu’il faut pour enregistrer et par la suite Flavien a fait toute la partie mixage de nos prises.
Vous aviez une idée du son que vous souhaitiez avoir pour cet opus ou vous a-t-il proposé un échantillonnage de son ?
Julien. Un peu des deux, on avait une idée assez précise de ce que l’on voulait. On cherchait un nouveau son, partir vers le moderne Metal, un son plus moderne. Le coté ancien qui fait partie des années 80/90 qui fait partie de Dust on le ressent déjà dans la composition on voulait faire ressortir un coté moderne au niveau de la production. On a donné ça comme directive à Flavien et lui il a déjà ça dans son approche du son, dans sa manière de travailler il a tendance un petit peu à aller de ce côté-là. On s’est dit que ça allait le faire et on n’est pas déçu du résultat.
« Taking The Hit » est le premier extrait de l’opus c’était important de le mettre en avant ?
Benoît. Oui il y avait une volonté extrême de sortir ce morceau en premier single parce que c’est un titre que l’on trouvait très catchy et très proche de ce que l’on pouvait rendre en live. On a fait comme d’habitude avec Dusk, c’est un groupe de scène et on vit principalement pour les concerts et on voulait montrer un petit peu ce que l’on peut faire lors d’un show. C’est une chanson très catchy, rentre dedans, c’est pour cela que l’on voulait le mettre en avant en premier.
Chaque morceau est expliqué en détail dans un texte, comment allez vous mettre en scène cette histoire futuriste lors de vos prochains concerts ?
Benoît. On va se démarquer sur scène mais ça va être par la musique pas tant par l’imagerie. Elle sera respectée, on va avoir des codes vestimentaires, couleurs aussi qui vont se retrouver sur scène. Mais il n’y aura pas une scénographie incroyable parce que c’est la musique qui va vivre lors de nos shows. On veut vraiment garder la musique comme principale raison pour venir à nos concerts. On ne vient pas, avec tout le respect ue j’ai pour eux, voir Rammstein ou n’importe quelles autres formations qui a une scénographie incroyable. On vient pour voir Dusk et parce que l’on aime sa musique et qu’on veut l’entendre et la voir vivre sur scène.
« Shadow Worker » vient de sortir en single accompagné d’un clip !
Julien. Oui celui-ci est sorti la semaine dernière, le 18 septembre.
Comment avez-vous travaillé sur la mise en scène de la vidéo « Shadow Worker » ?
Julien. On a travaillé très simplement avec notre réalisateur attitré. Maxime Fournier qui nous a suivi pour maintenant trois clips. Il nous avait suivi pour les deux précédents et celui-là. La différence de travail qu’on a fait : autant pour le clip « Letters to C » j’étais venu avec des idées dans le style faut qu’on parle de ça, faut qu’on montre ça. Et là on lui a laissé carte blanche, il a écrit le scénario, il a écrit tout ce qu’il y avait à écrire d’un point de vue scénarisé et groupe. Il nous a fait un clip qui est juste grandiose. Je n’arrive même pas à me rendre compte de la qualité visuelle de ce clip là car on est sûr de l’image. Enfin bref moi je suis clairement amoureux de ce clip.
C’est presque un mini film en fait.
Julien. C’est presque un film, un court métrage, d’ailleurs c’est très intéressant que tu dises ça car Maxime à plus l’habitude de tourner et de scénariser des courts métrages. On retrouve sa patte de réalisateur dans ce clip.
Finalement c’était important de plonger l’auditeur dans ce film lié au concept de l'opus !
Julien. Oui complètement, le concept album nous oblige aussi à plonger l’auditeur et donc potentiellement le lecteur en l’occurrence et puis le spectateur dans un univers. Il faut qu’il plonge avec nous. S’il ne plonge qu’à moitié il ne va avoir que la moitié des billes, des réponses qu’on peut lui apporter. Avec le clip il fallait vraiment qu’on l’immerge complétement dans notre concept et dans ce qu’on voulait montrer comme image un petit peu sombre et futuriste. Maxime a parfaitement répondu à cette prérogative.
Sur le titre « Shadow Worker » vous faites référence à Starmania (Fabienne Thibeault, Michel Berger) : la serveuse automate. Comment en êtes-vous venu à cette référence ? On est très loin de l’univers métal évidement.
Julien. Oui on en est très loin au niveau des paroles mais au niveau du concept on en est assez proches. C’est une référence. Mes parents m’ont fait grandir avec Starmania donc c’est quelque chose qui m’a porté et de fait quand il a été question d’écrire une chanson sur une serveuse robot qui sert dans un bar, c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit. Nous avons des références extrêmement diverses sur l’album. C’est cela qui est très intéressant parce que l’on passe de Starmania aux cycles d’Azimov, à Blade Runner. Les références sont vraiment diverses, il y en a plein qu’on n’a pas dit comme Cloud Atlas, Terminator. On montre aussi un petit peu que notre musique ne fait pas que s’écouter, elle se regarde aussi.
Sur cet album le cinéma a une grande importance sur chaque morceau il y a une référence à un film plus ou moins directe à un film. C’est un hommage que vous aviez envie de rendre au monde du grand écran !
Julien. Il y a un peu de ça. Après dans le deuxième album il y avait pas mal de références présentes si on cherche un petit peu. Il y avait « Un long dimanche de fiançailles », « Joyeux Noël », « 1917 » et du coup-là on en a disséminé un petit peu mais ça s’est fait assez naturellement quand on écrivait les paroles. Quand Benoit écrivait les paroles, j’étais avec lui on discutait lorsqu’il devait écrire les paroles, et on se disait que ça colle trop avec tel film. Nous, quand on écrivait on se disait que c’était tout à fait le thème abordé. Comme on est tous assez cinéphiles dans le groupe elles viennent naturellement sans se forcer ses références là.
Au niveau de la pochette comment avez-vous collaboré avec Chromatorium music, vous avez proposé vos idées ?
Julien. Ecoute, ça dépend des fois. Sur le premier album on lui avait proposé une idée globale et il nous avait proposé un thème. Sur le deuxième c’est plutôt lui qui est venu vers nous en proposant quelque chose et là sur le troisième on avait une petite idée. En fait quand tu prends l’album et tu le déplies comme un digipack, tu as une vision complète panoramique comme sur les autres albums et du coup tu vois le côté beau de l’usine de fabrication et tu as l’envers du décor concernant l’usine de recyclage. On dépèce des corps robotiques. Cet esprit-là on lui a donné comme directive et il a tout à fait respecté ce dont on avait envie avec ce côté beau et propre de la pochette de devant et un peu sale de la pochette de derrière.
Est-ce que vous avez envie de continuer l’histoire ?
Julien. Oui c’est sûr qu’on a toujours envie de développer. Quand on a eu dix-sept morceaux on s’est demandé pourquoi ne pas faire un nouvel opus. C’est possible mais on préférait faire un album avec dix titres essentiels et en avoir sept sous le coude pour compléter un petit peu l’histoire et compléter l’univers. Donc ce n’est pas exclu que dans quelques temps on en dissémine un petit peu par ci par là, quelques-uns pour agrémenter l’univers et le décor dans lequel on souhaite évoluer.
Est-ce que vous pensez déjà au prochain album ?
Julien. Bien sûr on a déjà deux ou trois concepts d’avance. Benoit en a déjà un ou deux aussi. On a déjà de l’avance pour le futur. Après on se réserve un petit peu, on essaie de se limiter dans la composition justement pour aller vers une composition plus communautaire en fait. Parce que là on propose un petit peu plus chacun de son côté car sur cet album là on a pu se retrouver, plus de compos sur cinq chansons et on voudrait faire maintenant quelque chose de beaucoup plus commun.
Est-ce qu’il y a des morceaux qui ont été un challenge à écrire ou a enregistrer ?
Julien. Pas forcément non, comme je te dis il y a cinq morceaux qu’on a écrit avec Matt, tu vas sentir quelque chose d’un peu plus progressive, légèrement. Pas forcément plus technique et plus prog. Matt, on le connait depuis 1989 donc a toujours joué dans des musiques orientées plutôt progressive et du coup on se retrouve là-dessus. Mais on ne voulait pas trop en mettre non plus parque que ça aurait été plus facile à écouter du metal pour nous que de la prog.
Il y a un côté prog notamment au niveau des solos de guitare.
Julien. Oui surtout. Je ne sais pas si mettre juste un solo de guitare ça fait prog, ce serait bien réduire le prog. Après dans la manière de composer il y a une certaine suite de riffs et de la composition interne de la chanson c’est vrai qu’on restitue un peu du prog. Et c’est ça qui est beau. Ce qu’on trouve dans Dusk c’est qu’on a ce côté un petit peu technique derrière mais sans être péjoratif vis-à-vis du chant on est un peu plus easy listening. Et ce côté intéressant si tu fais plusieurs écoutes, tu vas arriver sur le côté plus technique des rythmiques qui sont à l’arrière.
Vous existez depuis 2016. Vous avez déjà trois albums et un EP à votre actif.
Julien. Ce n’est pas vieux et ce n’est pas jeune non plus.
Quel regard portez-vous sur ces six années ?
Julien. Un regard très positif. Franchement on s’éclate depuis le début. On ne s’essouffle pas, même avec le covid on aurait pu se dire sortir un nouvel album avec le covid y en a marre. On est toujours aussi motivé à bloc et pleins de projets pour l’avenir. L’avenir y en aura.
Qui a eu l’idée de ce titre « Choronarian Robotic Système » ?
Julien. Un peu comme tout. C’était assez commun, il y a une chanson qui n’est pas sur l’album qui parle du fils du PDG et on est obligé d’inventer un nom à la société et on s’est dit que ça collerait tellement parfaitement à l’album. Ça impose le thème tout de suite. Tu as une société Choronarian Robotic Système et que fait cette société. Tu découvres tout et l’univers à travers l’album.
29 Septembre 2022.
Pascal Beaumont
Pascal Beaumont et Laurent Machabanski (Traduction / Retranscription)