Peux-tu nous raconter comment s'est déroulée ta jeunesse ?
Laurent Ciron : Je suis originaire de Saint-Étienne, je suis né à Paris mais j'ai grandi à Saint-Étienne. Saint-Étienne, des années 70, donc le foot, Lavilliers, Factory, ce genre de trucs. Mais surtout un grand frère, un copain qui à Noël reçoit une super chaîne HI-FI et puis il fait des cassettes. C'était les espèces de chaîne où il y avait à la fois un magnéto et puis un vinyle etc... On doit être à peu près en 78. Moi l'été précédent, mes parents m'avaient offert un petit magnéto cassettes et il y avait un petit électrophone dans le salon. Et ce grand frère me fait une cassette BASF bleue. Sur une face il y a l'album Queen "Jazz" et sur l'autre face il y a le 1er album des Dogs. Donc ça doit être je pense 78. Et du coup, une de mes premières cassettes c'est Queen "Jazz" d'un côté et de l'autre côté "Différent Me", "Different"le 1er album. Et du coup je devais avoir, en 78, 10/11 ans et là...puis moi à cette époque là, je n'ai pas d'étiquettes donc du coup pour moi c'est de la musique, mon père écoutait les Beatles, les Stones, Brassens et Cie...Mais là pour le coup c'est ...je kiffe ça et je me mets à enregistrer toutes sortes de choses avec le magnéto contre le HP de la télé, comme tout le monde et puis à commencer avec la guitare de mon père qui traînait dans le salon, à retranscrire ce que j’entends. Et puis rapidement, les années lycée, comme tout le monde tu fais un peu de sport et puis petit à petit tu grandis et tu t’intéresses à la musique avec toujours beaucoup de trucs sur les Beatles, les Stones et en particulier "Stray Cat Blues", cette intro, le son, ça fait partie des morceaux voilà... et tous les albums de Dogs de cette période là. Donc forcément j'étais devenu fan, sans forcément connaître le 1er 45 tours mais tout de suite "Walking Shadows", avec un son incroyable. Je ne comprenais pas comment un groupe qui avait fait "Different" pouvait faire "Walking Shadows", j'ai compris après, j'ai su après, les anecdotes. Et puis "Too Much Class", "Legendary Lovers". En particulier "Legendary Lovers" c'est pour moi la quintessence de la composition, belle, simple. Le disque il prend la tête. Et le son quoi ….. Autour de ça, tous les autres groupes de l'époque, mais vraiment j'étais pas New Wave, j'étais pas New Wave. Tous mes potes, à l'époque, écoutaient les Cure déjà, Dépêche Mode etc... Non moi je voulais pas. A la limite, j'aimais bien Téléphone, notamment les 1ers Téléphone, avec ce son vox, etc....J'étais pas trop Hard-Rock, à part AC/CD, mais AC/DC, j'ai compris que c'était plutôt le côté blues / électrique. Et puis déjà quelques brides de musique black, soul, funk mais j'avais pas de grosses connexions dans ces années là. J'avais des copains qui étaient très très fans de tout ce qui était Ska donc Sélecter, Specials, Madness et puis bien évidemment Les Jam, ce genre de groupe. Et j'avais pas encore mis le pied dans Hendrix par exemple. Et puis les premiers groupes de rock, les premiers concerts, les premières ambitions et puis des découvertes et des rencontres. Pas mal de choses à Saint-Étienne, notamment une ou deux
rencontres avec un type qui a essayé de me mettre au métronome, jouer au métronome, qui m'a appris des trucs. Bon j'avais du mal et j'ai compris que quelques temps après qu'il avait raison. Et puis, pareil, il me faisait écouter les Apaches, je ne comprenais rien, c'était pas mon truc. Pareil j'ai compris après voilà. Sinon vraiment très rock. Très rock et puis on habitait dans un immeuble donc tu vois je mettais des posters dans ma chambre comme un gamin. J'avais ce poster des Dogs, cette espèce de belle, super grande affiche avec Dominique avec une chemise à jabot. Ben voilà quand tu mets des posters sur les murs, hé bien tu vois plus les murs donc il y avait ce truc là. Je n'ai pas vécu une enfance malheureuse mais tu es à Saint-Étienne, tu rêves de scènes, de salles, tu rêves d'espaces, d'aventures rock'n'roll. Comme a dit Spi d'OTH: "le rock'n'roll est la dernière aventure du monde civilisé". C'était ce que je voulais vivre.
Et puis j'ai été amené à habiter à Lyon, et à Lyon j'ai joué avec plusieurs groupes, notamment avec un groupe qui s'appelait les Bookmakers, avec lequel on a énormément joué pendant un an ½, 2 ans, quand je dis énormément c'était quasiment 3 à 4 concerts par semaine. J'exagère peut-être un peu, 3 concerts par semaine. Enfin bref on jouait tout le temps et on était nombreux. C'était Rhythm and Blues, c'était un peu sauvage, un peu sixties, un peu garage, avec orgue Hammond tout ça et j'ai appris plein de trucs. Ils avaient une autre culture que moi et donc du coup j'ai appris plein de trucs. J'ai découvert Betty Davis, j'ai découvert tout un tas de groupes sixties que je ne connaissais pas. Et du coup, on apprend à jouer d'autres choses. On a fait beaucoup de concerts donc là pas mal d'expériences, apprendre à se connaître avec la musique, enchaîner les jours, le sérieux, faire les cons, faire souvent beaucoup les cons et avoir la chance de ne pas avoir été punis par le destin voilà. Et puis à la suite de cette aventure, là on doit être vers les années 91/92, on devait enregistrer un album et puis ça ne se passait pas bien. Peut-être une espèce de fatigue? Donc j'ai décidé de faire une école de musique. D'autodidacte, avec un copain qui m'avait quand même donné quelques rudiments, d'autodidacte je décide de faire une école de musique parce que je n'ai pas eu l'occasion d'aller au conservatoire etc … il y avait beaucoup de choses qui me manquait. J'avais une certaine expérience mais en gros, j'arrivais avec des valises qui étaient à moitié pleines et il fallait que je comprenne comment les choses fonctionnaient. Comme un Monsieur Jourdain qui tout à coup apprend qu'il fait de la prose, ben moi c'était pareil: Ha bon, là je joue penta mineure et là je joue penta majeure ? Ha bon! Ha d'accord ok! Bon bref. Je fais cette école de musique à Nancy, c'est une école qui a duré 2 ans, et qui venait d'avoir la possibilité d'ouvrir l'école à des financements professionnels. J'étais intermittent du spectacle parce que je faisais déjà un peu de télévision, un peu beaucoup donc j'étais intermittent donc j'ai pu me payer cette école grâce aux financements. Pendant 2 ans j'ai fait cette école de musique où j'ai appris plein de trucs et surtout j'ai rencontré plein de mecs qui venaient comme moi de partout en France et qui avaient déjà des expériences. On apprenait des choses et j'ai passé 2 ans exceptionnels. J'ai appris plein de trucs et je me suis mis à jouer plein de trucs différents parce que c'était l'école. Il y avait notamment un truc qui s'appelait l'atelier métier et dans cet atelier métier, c'était un petit peu comme si on apprenait le métier du bal, donc à jouer des morceaux que … enfin des mecs nous filaient des partitions et là on se regardait, on venait tous plus ou moins du rock'n'roll et donc, je sais pas ….Toto par exemple. S'il y a vraiment un truc que j'ai jamais écouté et que …. bon " la joie est en tout, il faut savoir l'extraire" mais Toto, non c'est un truc que je pouvais pas, le rock FM bon ! mais du coup j'ai joué du Toto parce que voilà et on y trouve un intérêt, même à la limite pour se regarder et pour se moquer les uns des autres: "T'imagines, j'aurais jamais joué ça !" Mais par contre voilà ça apprend, ça permet d'acquérir une méthode de travail, de comprendre. Ça va pas empêcher d'avoir du feeling etc...ou en tout cas d'avoir du goût mais ça permettait en tout cas de travailler et ça c'est plutôt intéressant. Puis ça s'est fini en 94. Ne voulant pas me réinstaller à Lyon, ni à Saint-Étienne ni dans les autres villes où j'avais habité, je décide de venir à Paris. Et par le plus grand des hasards, par l'intermédiaire d'un type qui s'appelle Jean-Gilles Callas que j'ai croisé par hasard à Lyon, je viens m'installer pour initialement jouer avec lui à Paris, et je rencontre d'autres gens etc... Et puis, je fais 2, 3 projets à la con, je commence à faire mes morceaux, à maquetter à l'époque les 4 pistes, les 8 pistes. Et puis suite à un événement, une espèce de misère, de petite misère voilà, je réfléchis une nuit et je me dis: "Mais qu'est-ce qui est important dans ma vie? " Je définis 3 choses et la première de ces choses c'est jouer avec les Dogs, dont j'étais bien sur toujours fan, que j'avais eu l'occasion de voir plusieurs fois, je les avais même filmés à Lyon sur quelques concerts où ils étaient passés et je me dis pourquoi pas. Et à l'époque ils venaient de sortir l'album qui s’appelait "Three Is A Crowd" et donc je savais qu'ils jouaient à 3 depuis quelques temps. Et le matin je me lève "Aide toi et le ciel t'aidera", je fais le 12, je crois que c'était ça à l'époque les renseignements. Une dame décroche: "Madame est-ce que je pourrais parler à Dominique Laboubée à Rouen ? " Elle me dit:
"Bon je regarde". Elle me dit: "J'ai un Laboubée mais à Mont-Saint-Aignan . C'est à peu près le même code postal". J'avais jamais mis les pieds à Rouen, absolument pas de la région, juste un fan qui essaie d'appeler un mec quoi. Je dis: "Bon ok passez moi la conversation" Ça sonne, le téléphone décroche et je tombe sur une dame et au culot je dis:" Bonjour madame, je voudrais parler à Dominique s'il vous plaît ? " et ne sachant pas si c'était la famille ou pas, enfin vraiment et en fait c'était sa maman. Elle me dit: "Oui bougez pas, il est dans la cave, je vais le chercher". Et là, Dominique monte et dès les premières paroles, il est charmant, aimable, tranquille, zen. "Oui bonjour je m'appelle Laurent, je joue dans les Bookmakers, je vous ai vu plusieurs fois et tout, et voilà comme je sais que vous jouez à 3, peut-être que vous chercheriez un nouveau guitariste pour jouer à 4 comme avant ?" Et Dominique me répond mais tout de suite : "Hé bien on répétait avec les autres hier dans la cave et j'étais justement en train de leur dire: "ce serait peut-être le moment de prendre un nouveau guitariste?" Et de ce début de conversation, on reste peut-être 2 heures ou 3 heures au téléphone. Il me dit qu'il connaissait les Bookmakers parce que c'est vrai qu'on avait joué plusieurs fois à Rennes, ça parlait un peu dans les fanzines. A l'époque il y avait quoi comme fanzines? Il y avait, je crois qu'il y avait déjà Dig it On avait fait 2 ou 3 compils sur des ...je sais pas , peut-être qu'il avait effectivement entendu parler de ce groupe là mais en tout cas là on discute pendant je sais pas au moins 2 ou 3 heures au téléphone et on décide de se voir 15 jours après donc ça devait être peut-être, je crois que c'était octobre ou novembre 95. Il me dit: "Je viens faire un hommage à Lennon au Gibus avec Philippe Almosnino à la guitare, on va jouer 2/3 morceaux. Si tu veux on peut se voir à ce moment là." Donc on se voit, on se croise, on discute là aussi pendant quelques heures après le concert au Gibus et on détermine un certain nombre de morceaux pour faire une répet. On n'a pas appelé ça une audition mais c'était une répet. Donc moi comme une mule, je prends les titres et je les travaille ma race et je me dis que je vais travailler les autres titres. Et je prends album après album et je retranscris, voilà je sortais d'une école de musique, donc je retranscris tous les titres, je prends mes cassettes pirates. J'entendais pas tout le temps bien mais je bosse quoi. Je prends ma bagnole, j'arrive à Rouen, rendez-vous au bar de la Banque, je vois les gars tout ça. On bois un café et on va dans la maison de Dominique et on arrive dans cette fameuse cave où on répété les Dogs pendant des années. Et on commence à jouer. Alors à l'époque ils jouaient en trio donc comme je te le disais tout à l'heure. Dominique jouait avec trois amplis dans un espace de peut-être 3 mètres sur 4. Donc une batterie, Bruno, un cogneur et Christian jouait assez fort en répet. Paradoxalement, Christian jouait fort en répet mais il n'aimait pas s'entendre sur scène, bon bref. Et en tout cas, ça joue très fort et moi il reste un ampli, c'est le fameux Jazz Chorus qui n'est pas réputé pour avoir un son crunch etc... et on commence à répéter. Et là, le volume !!! pendant des années on a toujours répété fort mais là le volume c'était inimaginable. Bref ça jouait fort. Mais 1er morceau: "Ha ouais putain bien" genre le mec il a bossé quoi ! 2ème morceau, 3ème morceau, 4ème morceau, 10ème morceau, 20ème morceau, 30ème morceau: "Et celui là tu le connais ? Et celui là tu le connais ? Ha on joue pas dans la même tonalité...avec les années on a changé...ha oui là on fait un petit peu plus long"...Je sais pas 35ème , 40ème morceau. On passe l’après midi à jouer. Et puis fin de la répet, on retourne au bar de la Banque. On boit une bière, on se lève, on s'embrasse et puis hé bien à la semaine prochaine. Et vraiment ça s'est passé comme ça. Alors après c’est une alchimie qui se met en place, le son etc... mais la réalité de mes débuts c'est ça quoi. Je me dis : mais qu'est ce qui est important dans la vie ? je décide ça, j'appelle Dominique et quelques jours après on se voit et ainsi de suite et on fait une première répet et voilà. Alors j'avais bossé mais après j'ai appris que Antoine quand il est rentré dans les Dogs, ça a été à peu prés le même process. Le mec il était fan, il venait, il a commencé à jouer quelques morceaux et puis petit à petit voilà. Moi ça s'est fait un peu plus du jour au lendemain mais le principe a été exactement le même. Fondamentalement, ces groupes là ne font pas des auditions. C'est une cooptation, ça le fait ou ça le fait pas. Donc voilà c'est l 'anecdote et c’est plutôt marrant.
Ton premier concert avec les Dogs sur scène ?
Mon premier concert avec eux, c'était en mars 96. Donc, genre à la fin d'année on a dû se voir 1 ou 2 fois par semaine. J'ai repris le répertoire qu'ils faisaient à l'époque et je me suis inséré dans le répertoire, comme ça cela permettait de jouer tout de suite si tu veux. Et puis, petit à petit, en discutant avec Dominique, comme j'étais fan de la période, notamment "Legendary Lovers" et que les autres étaient fans aussi parce que les 2 autres ont bien évidemment toujours été fans eux-mêmes des Dogs, hé bien du coup c'était pas gênant d'aller puiser dans n'importe quel album et de se dire : "Tiens on pourrait faire ça? " Surtout comme il y avait 2 guitares ça permettait à Dominique d'alléger la problématique de chanter et de jouer en même temps, et de faire des arrangements voilà. Le trio c'est super, ça a vraiment une énergie spéciale mais malgré tout il y a certains inconvénients en terme d'arrangements. C'est chouette mais tu ne peux pas tout faire. Et puis ça ne sonne pas pareil. Voilà. Donc on s'est mis petit à petit à intégrer des morceaux comme "Be my lover" par exemple. C'est plus joli à 2 guitares. Et puis on a continué à jouer d'autres trucs.
Donc mars, et on a joué, je me rappelle c'était au Mans. On avait joué dans une salle au Mans. C'était juste en face d'un bar qui avait accueilli les Dogs en trio l'année d'avant. Donc on a terminé dans le bar. Mais là …..Et donc ça s'est passé comme ça, c'était en mars. Et puis surtout ce qui s'est passé c'est que très très vite, mais quand je dis très très vite c'est vraiment dès les premières semaines, on a très vite commencé à faire des compos avec Dominique, c'est à dire qu'il était sur des trucs et il me les a présentés tout de suite. Alors souvent c'était une boîte à rythmes avec des trucs qui tournent voilà...vraiment un espèce de grand brouillon, un peu comme je sais pas... j'imagine des dessinateurs qui font, qui effacent avant de mettre la peinture et la couleur... ils font des trucs... c'était sa façon de faire. Et donc du coup tout de suite on a participé. Enfin je participais aux maquettes et puis une fois que l'on avait un truc d'à peu près fait, quand les autres étaient là, on lançait ce morceau là...tiens si on essayait ça ? Des morceaux prenaient leur forme vraiment à 4, contrairement à ce que l'on fait aujourd'hui, moi ce que je peux faire, c'est à dire que je finis le morceau complètement, la basse, les guitares, les chœurs, les batteries etc...et après on enregistre. Donc je propose aux autres musiciens alors qu'avant vraiment les choses se faisaient ensemble. Et donc dans cette fameuse cave des Dogs, oui j'imagine que des générations de Dogs sont passées et cela fait des tonnes de trucs … Et après on a arrêté parce que sa maman n'était pas toute jeune, cela faisait pas mal de boucan donc on est allé répéter dans un autre local, chez California , chez Manu California qui était un super local. Et puis ce qui était marrant là, c'est que les gens venaient. Il y avait toujours un canapé, les gens poussaient la porte: "Est-ce que je peux me mettre là? Ouais , ouais " et du coup les répets, c'était marrant, elles étaient publiques. C'est aussi simple que ça. Les choses étaient vraiment très simples. Voilà comment ça s'est fait...en tout cas le début.
Laurent Ciron : Je suis originaire de Saint-Étienne, je suis né à Paris mais j'ai grandi à Saint-Étienne. Saint-Étienne, des années 70, donc le foot, Lavilliers, Factory, ce genre de trucs. Mais surtout un grand frère, un copain qui à Noël reçoit une super chaîne HI-FI et puis il fait des cassettes. C'était les espèces de chaîne où il y avait à la fois un magnéto et puis un vinyle etc... On doit être à peu près en 78. Moi l'été précédent, mes parents m'avaient offert un petit magnéto cassettes et il y avait un petit électrophone dans le salon. Et ce grand frère me fait une cassette BASF bleue. Sur une face il y a l'album Queen "Jazz" et sur l'autre face il y a le 1er album des Dogs. Donc ça doit être je pense 78. Et du coup, une de mes premières cassettes c'est Queen "Jazz" d'un côté et de l'autre côté "Différent Me", "Different"le 1er album. Et du coup je devais avoir, en 78, 10/11 ans et là...puis moi à cette époque là, je n'ai pas d'étiquettes donc du coup pour moi c'est de la musique, mon père écoutait les Beatles, les Stones, Brassens et Cie...Mais là pour le coup c'est ...je kiffe ça et je me mets à enregistrer toutes sortes de choses avec le magnéto contre le HP de la télé, comme tout le monde et puis à commencer avec la guitare de mon père qui traînait dans le salon, à retranscrire ce que j’entends. Et puis rapidement, les années lycée, comme tout le monde tu fais un peu de sport et puis petit à petit tu grandis et tu t’intéresses à la musique avec toujours beaucoup de trucs sur les Beatles, les Stones et en particulier "Stray Cat Blues", cette intro, le son, ça fait partie des morceaux voilà... et tous les albums de Dogs de cette période là. Donc forcément j'étais devenu fan, sans forcément connaître le 1er 45 tours mais tout de suite "Walking Shadows", avec un son incroyable. Je ne comprenais pas comment un groupe qui avait fait "Different" pouvait faire "Walking Shadows", j'ai compris après, j'ai su après, les anecdotes. Et puis "Too Much Class", "Legendary Lovers". En particulier "Legendary Lovers" c'est pour moi la quintessence de la composition, belle, simple. Le disque il prend la tête. Et le son quoi ….. Autour de ça, tous les autres groupes de l'époque, mais vraiment j'étais pas New Wave, j'étais pas New Wave. Tous mes potes, à l'époque, écoutaient les Cure déjà, Dépêche Mode etc... Non moi je voulais pas. A la limite, j'aimais bien Téléphone, notamment les 1ers Téléphone, avec ce son vox, etc....J'étais pas trop Hard-Rock, à part AC/CD, mais AC/DC, j'ai compris que c'était plutôt le côté blues / électrique. Et puis déjà quelques brides de musique black, soul, funk mais j'avais pas de grosses connexions dans ces années là. J'avais des copains qui étaient très très fans de tout ce qui était Ska donc Sélecter, Specials, Madness et puis bien évidemment Les Jam, ce genre de groupe. Et j'avais pas encore mis le pied dans Hendrix par exemple. Et puis les premiers groupes de rock, les premiers concerts, les premières ambitions et puis des découvertes et des rencontres. Pas mal de choses à Saint-Étienne, notamment une ou deux
rencontres avec un type qui a essayé de me mettre au métronome, jouer au métronome, qui m'a appris des trucs. Bon j'avais du mal et j'ai compris que quelques temps après qu'il avait raison. Et puis, pareil, il me faisait écouter les Apaches, je ne comprenais rien, c'était pas mon truc. Pareil j'ai compris après voilà. Sinon vraiment très rock. Très rock et puis on habitait dans un immeuble donc tu vois je mettais des posters dans ma chambre comme un gamin. J'avais ce poster des Dogs, cette espèce de belle, super grande affiche avec Dominique avec une chemise à jabot. Ben voilà quand tu mets des posters sur les murs, hé bien tu vois plus les murs donc il y avait ce truc là. Je n'ai pas vécu une enfance malheureuse mais tu es à Saint-Étienne, tu rêves de scènes, de salles, tu rêves d'espaces, d'aventures rock'n'roll. Comme a dit Spi d'OTH: "le rock'n'roll est la dernière aventure du monde civilisé". C'était ce que je voulais vivre.
Et puis j'ai été amené à habiter à Lyon, et à Lyon j'ai joué avec plusieurs groupes, notamment avec un groupe qui s'appelait les Bookmakers, avec lequel on a énormément joué pendant un an ½, 2 ans, quand je dis énormément c'était quasiment 3 à 4 concerts par semaine. J'exagère peut-être un peu, 3 concerts par semaine. Enfin bref on jouait tout le temps et on était nombreux. C'était Rhythm and Blues, c'était un peu sauvage, un peu sixties, un peu garage, avec orgue Hammond tout ça et j'ai appris plein de trucs. Ils avaient une autre culture que moi et donc du coup j'ai appris plein de trucs. J'ai découvert Betty Davis, j'ai découvert tout un tas de groupes sixties que je ne connaissais pas. Et du coup, on apprend à jouer d'autres choses. On a fait beaucoup de concerts donc là pas mal d'expériences, apprendre à se connaître avec la musique, enchaîner les jours, le sérieux, faire les cons, faire souvent beaucoup les cons et avoir la chance de ne pas avoir été punis par le destin voilà. Et puis à la suite de cette aventure, là on doit être vers les années 91/92, on devait enregistrer un album et puis ça ne se passait pas bien. Peut-être une espèce de fatigue? Donc j'ai décidé de faire une école de musique. D'autodidacte, avec un copain qui m'avait quand même donné quelques rudiments, d'autodidacte je décide de faire une école de musique parce que je n'ai pas eu l'occasion d'aller au conservatoire etc … il y avait beaucoup de choses qui me manquait. J'avais une certaine expérience mais en gros, j'arrivais avec des valises qui étaient à moitié pleines et il fallait que je comprenne comment les choses fonctionnaient. Comme un Monsieur Jourdain qui tout à coup apprend qu'il fait de la prose, ben moi c'était pareil: Ha bon, là je joue penta mineure et là je joue penta majeure ? Ha bon! Ha d'accord ok! Bon bref. Je fais cette école de musique à Nancy, c'est une école qui a duré 2 ans, et qui venait d'avoir la possibilité d'ouvrir l'école à des financements professionnels. J'étais intermittent du spectacle parce que je faisais déjà un peu de télévision, un peu beaucoup donc j'étais intermittent donc j'ai pu me payer cette école grâce aux financements. Pendant 2 ans j'ai fait cette école de musique où j'ai appris plein de trucs et surtout j'ai rencontré plein de mecs qui venaient comme moi de partout en France et qui avaient déjà des expériences. On apprenait des choses et j'ai passé 2 ans exceptionnels. J'ai appris plein de trucs et je me suis mis à jouer plein de trucs différents parce que c'était l'école. Il y avait notamment un truc qui s'appelait l'atelier métier et dans cet atelier métier, c'était un petit peu comme si on apprenait le métier du bal, donc à jouer des morceaux que … enfin des mecs nous filaient des partitions et là on se regardait, on venait tous plus ou moins du rock'n'roll et donc, je sais pas ….Toto par exemple. S'il y a vraiment un truc que j'ai jamais écouté et que …. bon " la joie est en tout, il faut savoir l'extraire" mais Toto, non c'est un truc que je pouvais pas, le rock FM bon ! mais du coup j'ai joué du Toto parce que voilà et on y trouve un intérêt, même à la limite pour se regarder et pour se moquer les uns des autres: "T'imagines, j'aurais jamais joué ça !" Mais par contre voilà ça apprend, ça permet d'acquérir une méthode de travail, de comprendre. Ça va pas empêcher d'avoir du feeling etc...ou en tout cas d'avoir du goût mais ça permettait en tout cas de travailler et ça c'est plutôt intéressant. Puis ça s'est fini en 94. Ne voulant pas me réinstaller à Lyon, ni à Saint-Étienne ni dans les autres villes où j'avais habité, je décide de venir à Paris. Et par le plus grand des hasards, par l'intermédiaire d'un type qui s'appelle Jean-Gilles Callas que j'ai croisé par hasard à Lyon, je viens m'installer pour initialement jouer avec lui à Paris, et je rencontre d'autres gens etc... Et puis, je fais 2, 3 projets à la con, je commence à faire mes morceaux, à maquetter à l'époque les 4 pistes, les 8 pistes. Et puis suite à un événement, une espèce de misère, de petite misère voilà, je réfléchis une nuit et je me dis: "Mais qu'est-ce qui est important dans ma vie? " Je définis 3 choses et la première de ces choses c'est jouer avec les Dogs, dont j'étais bien sur toujours fan, que j'avais eu l'occasion de voir plusieurs fois, je les avais même filmés à Lyon sur quelques concerts où ils étaient passés et je me dis pourquoi pas. Et à l'époque ils venaient de sortir l'album qui s’appelait "Three Is A Crowd" et donc je savais qu'ils jouaient à 3 depuis quelques temps. Et le matin je me lève "Aide toi et le ciel t'aidera", je fais le 12, je crois que c'était ça à l'époque les renseignements. Une dame décroche: "Madame est-ce que je pourrais parler à Dominique Laboubée à Rouen ? " Elle me dit:
"Bon je regarde". Elle me dit: "J'ai un Laboubée mais à Mont-Saint-Aignan . C'est à peu près le même code postal". J'avais jamais mis les pieds à Rouen, absolument pas de la région, juste un fan qui essaie d'appeler un mec quoi. Je dis: "Bon ok passez moi la conversation" Ça sonne, le téléphone décroche et je tombe sur une dame et au culot je dis:" Bonjour madame, je voudrais parler à Dominique s'il vous plaît ? " et ne sachant pas si c'était la famille ou pas, enfin vraiment et en fait c'était sa maman. Elle me dit: "Oui bougez pas, il est dans la cave, je vais le chercher". Et là, Dominique monte et dès les premières paroles, il est charmant, aimable, tranquille, zen. "Oui bonjour je m'appelle Laurent, je joue dans les Bookmakers, je vous ai vu plusieurs fois et tout, et voilà comme je sais que vous jouez à 3, peut-être que vous chercheriez un nouveau guitariste pour jouer à 4 comme avant ?" Et Dominique me répond mais tout de suite : "Hé bien on répétait avec les autres hier dans la cave et j'étais justement en train de leur dire: "ce serait peut-être le moment de prendre un nouveau guitariste?" Et de ce début de conversation, on reste peut-être 2 heures ou 3 heures au téléphone. Il me dit qu'il connaissait les Bookmakers parce que c'est vrai qu'on avait joué plusieurs fois à Rennes, ça parlait un peu dans les fanzines. A l'époque il y avait quoi comme fanzines? Il y avait, je crois qu'il y avait déjà Dig it On avait fait 2 ou 3 compils sur des ...je sais pas , peut-être qu'il avait effectivement entendu parler de ce groupe là mais en tout cas là on discute pendant je sais pas au moins 2 ou 3 heures au téléphone et on décide de se voir 15 jours après donc ça devait être peut-être, je crois que c'était octobre ou novembre 95. Il me dit: "Je viens faire un hommage à Lennon au Gibus avec Philippe Almosnino à la guitare, on va jouer 2/3 morceaux. Si tu veux on peut se voir à ce moment là." Donc on se voit, on se croise, on discute là aussi pendant quelques heures après le concert au Gibus et on détermine un certain nombre de morceaux pour faire une répet. On n'a pas appelé ça une audition mais c'était une répet. Donc moi comme une mule, je prends les titres et je les travaille ma race et je me dis que je vais travailler les autres titres. Et je prends album après album et je retranscris, voilà je sortais d'une école de musique, donc je retranscris tous les titres, je prends mes cassettes pirates. J'entendais pas tout le temps bien mais je bosse quoi. Je prends ma bagnole, j'arrive à Rouen, rendez-vous au bar de la Banque, je vois les gars tout ça. On bois un café et on va dans la maison de Dominique et on arrive dans cette fameuse cave où on répété les Dogs pendant des années. Et on commence à jouer. Alors à l'époque ils jouaient en trio donc comme je te le disais tout à l'heure. Dominique jouait avec trois amplis dans un espace de peut-être 3 mètres sur 4. Donc une batterie, Bruno, un cogneur et Christian jouait assez fort en répet. Paradoxalement, Christian jouait fort en répet mais il n'aimait pas s'entendre sur scène, bon bref. Et en tout cas, ça joue très fort et moi il reste un ampli, c'est le fameux Jazz Chorus qui n'est pas réputé pour avoir un son crunch etc... et on commence à répéter. Et là, le volume !!! pendant des années on a toujours répété fort mais là le volume c'était inimaginable. Bref ça jouait fort. Mais 1er morceau: "Ha ouais putain bien" genre le mec il a bossé quoi ! 2ème morceau, 3ème morceau, 4ème morceau, 10ème morceau, 20ème morceau, 30ème morceau: "Et celui là tu le connais ? Et celui là tu le connais ? Ha on joue pas dans la même tonalité...avec les années on a changé...ha oui là on fait un petit peu plus long"...Je sais pas 35ème , 40ème morceau. On passe l’après midi à jouer. Et puis fin de la répet, on retourne au bar de la Banque. On boit une bière, on se lève, on s'embrasse et puis hé bien à la semaine prochaine. Et vraiment ça s'est passé comme ça. Alors après c’est une alchimie qui se met en place, le son etc... mais la réalité de mes débuts c'est ça quoi. Je me dis : mais qu'est ce qui est important dans la vie ? je décide ça, j'appelle Dominique et quelques jours après on se voit et ainsi de suite et on fait une première répet et voilà. Alors j'avais bossé mais après j'ai appris que Antoine quand il est rentré dans les Dogs, ça a été à peu prés le même process. Le mec il était fan, il venait, il a commencé à jouer quelques morceaux et puis petit à petit voilà. Moi ça s'est fait un peu plus du jour au lendemain mais le principe a été exactement le même. Fondamentalement, ces groupes là ne font pas des auditions. C'est une cooptation, ça le fait ou ça le fait pas. Donc voilà c'est l 'anecdote et c’est plutôt marrant.
Ton premier concert avec les Dogs sur scène ?
Mon premier concert avec eux, c'était en mars 96. Donc, genre à la fin d'année on a dû se voir 1 ou 2 fois par semaine. J'ai repris le répertoire qu'ils faisaient à l'époque et je me suis inséré dans le répertoire, comme ça cela permettait de jouer tout de suite si tu veux. Et puis, petit à petit, en discutant avec Dominique, comme j'étais fan de la période, notamment "Legendary Lovers" et que les autres étaient fans aussi parce que les 2 autres ont bien évidemment toujours été fans eux-mêmes des Dogs, hé bien du coup c'était pas gênant d'aller puiser dans n'importe quel album et de se dire : "Tiens on pourrait faire ça? " Surtout comme il y avait 2 guitares ça permettait à Dominique d'alléger la problématique de chanter et de jouer en même temps, et de faire des arrangements voilà. Le trio c'est super, ça a vraiment une énergie spéciale mais malgré tout il y a certains inconvénients en terme d'arrangements. C'est chouette mais tu ne peux pas tout faire. Et puis ça ne sonne pas pareil. Voilà. Donc on s'est mis petit à petit à intégrer des morceaux comme "Be my lover" par exemple. C'est plus joli à 2 guitares. Et puis on a continué à jouer d'autres trucs.
Donc mars, et on a joué, je me rappelle c'était au Mans. On avait joué dans une salle au Mans. C'était juste en face d'un bar qui avait accueilli les Dogs en trio l'année d'avant. Donc on a terminé dans le bar. Mais là …..Et donc ça s'est passé comme ça, c'était en mars. Et puis surtout ce qui s'est passé c'est que très très vite, mais quand je dis très très vite c'est vraiment dès les premières semaines, on a très vite commencé à faire des compos avec Dominique, c'est à dire qu'il était sur des trucs et il me les a présentés tout de suite. Alors souvent c'était une boîte à rythmes avec des trucs qui tournent voilà...vraiment un espèce de grand brouillon, un peu comme je sais pas... j'imagine des dessinateurs qui font, qui effacent avant de mettre la peinture et la couleur... ils font des trucs... c'était sa façon de faire. Et donc du coup tout de suite on a participé. Enfin je participais aux maquettes et puis une fois que l'on avait un truc d'à peu près fait, quand les autres étaient là, on lançait ce morceau là...tiens si on essayait ça ? Des morceaux prenaient leur forme vraiment à 4, contrairement à ce que l'on fait aujourd'hui, moi ce que je peux faire, c'est à dire que je finis le morceau complètement, la basse, les guitares, les chœurs, les batteries etc...et après on enregistre. Donc je propose aux autres musiciens alors qu'avant vraiment les choses se faisaient ensemble. Et donc dans cette fameuse cave des Dogs, oui j'imagine que des générations de Dogs sont passées et cela fait des tonnes de trucs … Et après on a arrêté parce que sa maman n'était pas toute jeune, cela faisait pas mal de boucan donc on est allé répéter dans un autre local, chez California , chez Manu California qui était un super local. Et puis ce qui était marrant là, c'est que les gens venaient. Il y avait toujours un canapé, les gens poussaient la porte: "Est-ce que je peux me mettre là? Ouais , ouais " et du coup les répets, c'était marrant, elles étaient publiques. C'est aussi simple que ça. Les choses étaient vraiment très simples. Voilà comment ça s'est fait...en tout cas le début.
Devenu un Dogs, comment as-tu ressenti cela ?
Laurent Ciron : Je sais pas, c'est un petit peu comme (entre guillemets hein ) quand tu dois rentrer dans une secte, on te dit pas, enfin je pense qu'on te dit pas tu fais partie de la secte. C'est au moment où tu veux en partir que c'est compliqué...peut-être....c'est peut-être ça. Mais non là je suis rentré, bon ça c’était bien passé, les mecs étaient sympas. A l'époque j'habitais dans un appart, on était très nombreux, on était tous en cohabitation donc voilà, et je rentre et tout le monde me dit: "Alors, comment ça s'est passé ? " " Ben je sais pas quoi, on a joué ! " " Et alors, et alors ? " " Ben je sais pas, on s'est donné rendez-vous pour la semaine prochaine" "Ouais vas-y, c'est bon, c'est chouette" Et voilà ! Et après c'est super, c'est un rêve quoi. Tu kiffes...tu kiffes la musique, tu kiffes les mecs, c'est l'aventure...ça y est en fait, t'es dans le poster tu vois. C'est ça le truc, tu es dans le poster ! Et si j'ai le sentiment aujourd'hui d'avoir accompli quelque chose, c'est au moins ça. Même si c'était pas facile tous les jours pour plein de raisons, comme dans tous les groupes. Dès que tu t'associes avec des gens, c'est une société que tu crées donc voilà. C'est pas tout beau tout rose, mais dans n'importe quel groupe et à la limite tant mieux parce que finalement peut-être que si c'est tout beau tout rose, je sais pas …je pense qu'il y a un challenge des fois qu'il faut défendre et puis il y a des gens qui aiment ça aussi les tensions. Tu arrives sur scène, il y a une tension...Christian a l'art de mettre la pression avant de monter sur scène: " Bon les gars, c'est un concert important, etc ..." tu sais un peu comme un coach. " Mais oui mais Christian tous les concerts sont importants " " Oui mais non les gars là, parce que …." et on arrivait sur scène et franchement c'était électrique. Et il n'y a que Dominique en grand pacha, en grand seigneur qui va vouloir chanter correctement, bien tu vois, l’habitude de jouer correctement de la guitare, les arpèges et tout, à la note près alors que nous derrière étions surexcités. Et c'est lui qui était, comment dire, oui le plus sage. Imagine un parrain tu vois avec ses hommes de mains autour. Des fois ça me faisait un peu penser à ça. Et puis avec le temps, bien sûr , il ne reste que les bons moments. Il y en a quelques-uns qui malheureusement ont été très tristes mais bon. C'est probablement les meilleures années de ma vie. En tout cas en tant que musicien c'est sûr. J'ai eu de formidables expériences après mais celle-là, c'est celle à laquelle tu as rêvé et tout d'un coup voilà ! Je ne suis pas sur que beaucoup de gens à l'époque kiffaient de jouer avec les Dogs. Moi en tout cas, c'était mon truc. Et il a fallu que je me mette une pile pour décrocher le téléphone (j'avais le cœur qui tapait) et en fait quand tu le fais c'est génial.
Comment as-tu vécu l'expérience d'être sur scène avec les Dogs ?
Laurent Ciron : Le truc quand même!!! avec les années je le dis …
Au début tu as un peu le trac forcément parce que tant que le répertoire il n'est pas dans ta chair, tu vois, tu penses...tu réfléchis...Au bout d'un moment cela devient instinctif et c'est là que c'est chouette parce que c'est la fameuse énergie punk/rock qu'on aime tu vois, c'est moins cérébral. Mais très rapidement, avec le temps en fait, ils étaient tellement stressés après toutes ces années quoi c'est là où ça devient un rituel. Ils étaient tellement stressés les uns les autres que j'ai dit : " mais non les gars, ça va le faire tu vois? Mais non c'est bon..." Du coup moi j'avais le trac après, leur disant: " c'était bien les gars? " Alors qu'eux, ils étaient détendus, moi je me disais : " putain c'était bien ? On n'a pas joué un peu vite ? Ha j'ai cassé une corde et tout "...tu vois ? Bref...
Je ne vais pas parler des périodes avant, si ce n'est en tant que spectateur, en tout cas tous les concerts que j'ai fait avec les Dogs dans cette période là, ils ont tous été bons quoi. Même fatigué, même... c'était des bons concerts. Moi j'ai aimé tous les concerts. Il n'y a pas un concert où tu te dis : " Oh celui-là on aurait pu l'éviter ! " ou alors : " on était vraiment pas en forme " non ! Même quand la sono était pourrie, même quand c'était tendu, la fatigue...c'était toujours de très bons concerts. Et l'autre aspect des choses c'est que partout où on a joué, partout où on se déplaçait il y avait toujours une espèce de fan base de 150 à 200 personnes...même dans des endroits perdus. Je me rappelle une fois, on avait été joué à Saint-Claude, dans le Jura et tu as des doutes. Et là tu tombes chez des fous furieux. Partout, même si à l'époque, le rock'n'roll était moins à la mode, un peu moins. C'était déjà plus de l'électro. Dominique s'en inquiétait souvent d'ailleurs. Il disait : " Oui mais bon nous, on n'est pas les Red Hot Chili Peppers, on n'est pas Carla Bruni, on n'est pas ..." Mais non on a toujours eu pas mal de monde. Déjà quand on répétait, notamment à California, c'était vraiment comme un concert quoi. On faisait des filages. De temps en temps, il y en avait un qui racontait une connerie entre les morceaux ou une anecdote. Mais sinon quand on jouait c'était...fallait pas mettre le doigt hein ? Et d'ailleurs je me rappelle des gens qui venaient, c'était super, ça mettait un peu de ….et on jouait fort, là par contre on jouait fort ! Je peux te dire que je pense que si j'ai les oreilles qui sifflent ça doit dater de cette époque là. Mais à la limite si je ne voulais pas que mes oreilles sifflent j'aurais fait du jazz.
Quand tu as appris à jouer de la guitare, as-tu eu envie de faire ton premier groupe ?
Laurent Ciron : J'ai revu récemment un des garçons avec qui j'avais commencé à travailler, avec qui on avait commencé à répéter, donc c'est les groupes collège/lycée quoi. On jouait de la guitare comme ça, on apprenait, on avait de tout petits amplis dans le genre de celui-là tu vois, c'est le retour aux sources.
On se disait : " Tu as acheté un ampli ? Oui un ampli de guitare électrique... " tu vois c'était gros comme ça ! Du coup je l'ai revu, on avait fait notre premier groupe, groupe de collège/lycée, les premières expériences. Et puis il y a eu des rencontres qui ont été vraiment clés. Et l'une de mes premières rencontres qui a été clé, c'est un jour où on a fait la 1ère partie d'un groupe de Saint-Étienne qui s'appelait Ich Libido. Ich Libido c'est un 45t sur ...c'est la compil Réflexes et un 6 titres. On a fait la 1ère partie et il y avait ce chanteur, Lionel Limousin, malheureusement qui a eu un accident de voiture et qui est parti beaucoup trop tôt. Et là on est dans les loges, je les vois, je les entends, je prends une claque et après je le vois sur scène et " oh putain" ! et je me dis : " ok je vais faire ça, c'est ça que je veux faire ". Donc on joue et déjà avec les autres membres du groupe on ne se comprenait pas. Tu es très jeune donc tu n'as pas de mode d'emploi, tu découvres et tu redécouvres comme tous les groupes et les jeunes découvrent la musique petit à petit, bien encore je pense que les jeunes qui aujourd'hui débarquent dans la musique, ils ont une vision plus claire d'un avenir possible. Enfin ils savent un peu plus par où ça peut passer, ils ont des outils exceptionnels comme les ordinateurs etc … Avant, pour aller en studio, il fallait déjà être super bon musicien, du budget ou avoir une maison de disques ...c'était le parcours du combattant mais dans l'absolu, il y avait un filtre entre guillemets, quasiment naturel entre ceux qui pouvaient et ceux qui pouvaient
pas. Même si l'exemple du premier 45 tours des Dogs montre que il suffisait de la volonté et pas forcément beaucoup de moyens. Et pour faire un disque qui est devenu lui aussi légendaire. Bref. Donc voilà en tout cas au début, on en était là. Et moi je me rencontre que ce groupe Ich Libido, c'est de ce côté là que je veux aller. Tout, dans le son, dans le côté joueur de rock'n'roll et pas dans le côté sérieux, on va en faire un métier etc … Donc déjà petite dichotomie. Et puis 2 ème événement majeur, c'est ce fameux copain avec qui on s'était mis à jouer, qui était vraiment un très bon guitariste à l'époque. Lui par contre il avait décidé qu'il ne ferait que de la musique, il a arrêté l'école... il s'était mis à Cubase , les 1ers Cubase bref il était dedans quoi. Moi j'avais une guitare, un jack, un ampli tu vois, 2 trucs de pédales de distorsion. Et puis la guitare que j'avais c'était une Les Paul noire, une imitation Gibson...j'en ai eu 2 ou 3 autres avant, des espèces de guitares italiennes, les cordes à 2 mètres du manche, bref ! Lui il avait toujours du matos. Et un jour, j'étais en fac, et il me donne un livre. Il me dit : " Ouais, lis c'est génial ". Tu imagines à Saint-Étienne, on rêvait de rock'n'roll. Alors bon Lavilliers était parti, il avait réussi mais nous c'était un peu...on comprend en grandissant que ce n'est pas le fait d'être en province qui.... voilà, mais à l'époque on avait le sentiment que parce qu'on était à Saint-Étienne on ne vivrait jamais. On rêvait de New-York, on rêvait de Londres etc, etc... Et il me donne à lire (je ne sais pas si c'est son premier livre) le livre de Philippe Manœuvre qui s'appelle " Je suis un enfant du rock ". Tu te doutes bien qu'à l'époque, c'était le début des VHS donc tous les samedis on enregistrait MusiCalifornia etc...il y avait aussi Jean-Lou Janeir. Et puis il y avait 2 / 3 disquaires donc il y avait des disques qui circulaient, les fameuses cassettes comme je disais tout à l'heure. Et je commence, dans l'amphi, à lire ce bouquin. Bon je n'étais pas un grand lecteur à l'époque, mais bon je lisais quelques bouquins quand même. Et donc je commence à lire ce bouquin. Wow ! Et même les tout premiers chapitres, ça te parle tu vois, le mec il te parle de quelqu'un qui a une passion et qui va tout faire pour s'accrocher à cette passion. Donc tu lis le bouquin quoi. Et putain, chapitre 5 je crois, Philippe Manœuvre raconte comment il rencontre ce groupe de Rouen et comment il organise un concert au Rose Bonbon et qu'il se prend la tête avec le chanteur sur une histoire de chemise etc... wow ! Et ce groupe c'est les Dogs. Bon ok, putain c'est dingue! Déjà à l'époque, je suis super, méga fan. Et puis je continue le bouquin, et puis genre le lendemain, dans l'amphi, je finis le bouquin. L'amphi se termine, je prends le bus, donc j'avais une heure pour rentrer chez moi, je rentre chez moi et le soir j'annonce à mes parents que je ne retourne pas en fac demain. Donc là soupe à la grimace. Et je décide de ne faire que de la musique. Et c'est là qu'avec les semaines et les mois, je me rends compte que je n'ai pas le niveau, que j'ai probablement raté le coche d'en faire plus au conservatoire et c'est surtout que la musique que je veux faire c'est du rock'n'roll. J'ai pas envie d'aller faire une école de jazz pour aller jouer du rock'n'roll. C'est à la fois un immense mystère et un bordel et en même temps j'ai des convictions qui s'aiguisent. Bon. Donc on monte une association avec le groupe, on fait des repets, on fait faire des maquettes, des tournées s'organisent etc... Et puis le groupe splitte plus ou moins mais avant de splitter, petit détail important, il y a une expérience de télévision locale qui se monte à Saint-Étienne. Trois semaines de télévision locale et ça aussi ça va être un truc qui va être important dans ma vie, pas forcément avec les musiciens mais... Donc il y a des gens qui viennent nous voir pour tourner un clip avec nous, pour faire une émission sur le rock à Saint-Étienne. Donc il y avait d'autres groupes qui étaient choisis, puis nous on est entre guillemets, choisi, et on fait ce clip. Et au moment du tournage, je me dis : " Putain, mais les mecs de l'équipe de télé, ils sont quand même plus rock'n'roll que nos propres groupes. C'est quand même chaud !" Et je me mets à discuter avec les mecs. Il y avait...celui qui tenait la caméra c'était François Bergeron, qui plus tard à fait les clips de la Mano etc … et le mec qui interviewait c'était Robert Lapassade . Ok ? Donc tu m'étonnes que les mecs ils étaient plus rock que nos propres groupes tu vois, et que j'ai eu des affinités avec eux. Donc je discute avec eux, et puis ça rigole ...oh putain, c'est sympa ce job ! Et puis bon, mon groupe étant ce qu'il était, c'est à dire pas extraordinaire, avec des motivations différentes, je me dis qu'il faut que j'ai un backup! Je ne peux pas penser que la musique, que je vais vivre de la musique. Je ne vais pas vivre aux crochets de mes parents, donc en 87, à 18/19 ans, je me dis il faut que j'ai un backup et je tombe sur une femme exceptionnelle. A l'époque il y avait la mission locale pour l'emploi des jeunes et je vais la voir en lui disant qu'on avait fait un clip et qu'il y avait ce boulot de la télé, la caméra ça me brancherait bien. Et je tombe sur une nana super top qui me dit que c'est super. Elle a cherché une ou deux formations dans le coin et m'a financé ma première formation pour apprendre l'audiovisuel. A partir de ce moment là, j'ai toujours fait de la musique et de la télé. La télé me permet en gros de faire la musique que j'ai envie de faire. Je n'ai pas été obligé de faire du bal, je n'ai pas été obligé de donner des cours de guitare, même si j'en ai donné, même si j'ai fait des trucs qui n'étaient pas toujours rock'n'roll, mais j'ai toujours fait ce que je voulais en musique parce que derrière j'avais une indépendance économico-sociale. On en parle pas suffisamment, sauf quand Françoise Hardy se prononce sur les retraites et sur les impôts mais il y a une réalité souvent chez les artistes, enfin chez les artistes pardon, chez les gens qui font des trucs, c'est qu'il y a une réalité économique derrière, à moins d'être bien né voilà. Mais bon est-ce que quand on est bien né, on fait une musique inintéressante ? Ou au contraire, quand on a toujours vécu dans la misère et les champs de coton on fait pas un meilleur blues ? Une fois de plus c'est une alchimie. Mais moi en tout cas voilà ce qui s'est passé. J'ai très vite pris conscience que je n'étais pas un bon musicien et que je ne serais jamais un virtuose, donc du coup voilà. Et après on fait ce qu'on peut avec ce que l'on a. On travaille, on fait les choses propres, chacun à son propre goût. Dominique aimait que les choses soient bien carrées, bien parfaites. Voilà un peu comment les choses se sont passées pour ma mise en marche de la musique. Et du coup, quand je suis arrivé à Lyon, automatiquement je me suis mis à travailler pour, en l’occurrence, Télé Lyon Métropole et puis d'autres trucs et parallèlement j'ai fait de la musique avec des groupes dont les Bookmakers, avec lesquels j'ai beaucoup, beaucoup tourné. On a fait des milliers de kilomètres.
Pourquoi les Bookmakers se sont arrêtés ?
Laurent Ciron : C'est moi qui ai décidé de quitter le groupe parce que je me sentais de plus en plus mal à l'aise, c'est à dire qu'on devait enregistrer un album justement à Saint-Étienne avec un type qui avait mis en place un système qui était plutôt pas mal. Il avait eu des subventions initiales, il enregistrait un groupe et les ventes du disque de ce groupe finançaient le disque d'après, c'était un peu son principe. Et puis je ne sais pas, on avait probablement trop tourné, on était fatigués. Le premier jour tout le monde était en studio, on était 6/7/8 dans le groupe. On était à peu près 6, guitare, basse, batterie, claviers, chanteur, saxophoniste, trompettiste et des fois un trombone. Oui on était 7/8 voilà. Le premier jour tout le monde a été là, le deuxième jour on était plus que 3 ou 4 et le troisième jour, on avait la semaine, je me suis retrouvé tout seul avec l'ingé son. Bon voilà. Après on a fait une série de concerts. Je m'étais mis à enregistrer les concerts et puis quand tu écoutes les concerts et que tu as dessaoulé, ouffff!!! Moi je ne buvais pas beaucoup à l'époque mais on jouait dans des endroits qui étaient extrêmement conviviaux et on jouait souvent en Suisse notamment. Il y avait une grosse scène sixties à l'époque. A Genève il y avait plein de bars clandestins et puis eux, les Bookmakers, depuis plusieurs années, ils étaient connectés avec tout un tas de gens. On a joué à l'UBU avec les Goriz par exemple, groupe culte américain...on a fait des trucs...j'ai des souvenirs incroyables. Mais à un moment donné, au moment de faire le disque, il y a un truc qui ….moi ça m'a déplu, cela n'avançait pas comme je voulais mais je n'avais pas encore le recul pour me dire : " il faut attendre que tout le monde soit dans la même phase ". Ce qui s'est passé avec les Dogs c'est que, autant Christian et Bruno ont toujours eu leur mot à dire, mais on était tous au service d'un projet, qui était le projet de Dominique. Donc Dominique était excessivement démocratique. Jamais Dominique a fait son leader charismatique, non on en discutait. On a toujours discuté des choses entre nous, toujours. Sauf que nous trois étions déjà dans la cause des Dogs donc on était déjà dans l'étique, on s'associait à un projet qu'on connaissait très très bien. Jamais l'un d'entre nous a voulu tirer la couverture pour faire ça ou faire ça. On savait que toujours ce qu'on allait proposer était dans le giron de ce qui était initialement prévu et engendré par Dominique. Et c'est pour ça que même si les sons ne sont pas les mêmes d'un album à l'autre ou voilà, il y a différentes influences mais un jour il n'y a pas un mec qui a dit, je ne sais pas moi : " Tiens Dominique on va faire un morceau de rap " ou " on va faire un morceau de Reggae quoi " Non. Tout le monde allait dans le même sens. Et puis à un moment donné, peut-être que quand les groupes sont trop jeunes, en l’occurrence comme les Bookmakers, enfin jeune c'est pas le mot mais ...et puis on était nombreux donc la démocratie à 4 c'est déjà quelque chose mais t'imagines à 7 ou 8, où on était pas tous dans les mêmes états et puis à l'époque on tirait la langue, vraiment. Donc c'est pour ça, généralement quand on partait en concert en Suisse, on était très bien accueilli et on rattrapait les ventres vides.
Ta passion, la musique et ton job, comment gères-tu la priorité ?
Laurent Ciron : Si tu veux, il y a des fois c'est des sacrifices. Il y a des fois des tournages que je n'ai pas pu faire et des fois au contraire tu te dis : " Ha non mais là j'ai un truc qui vient de tomber, je ne peux pas faire ce concert " mais c'est très très rare car j'ai toujours privilégié la musique sachant que j'ai toujours eu, en tout cas jusqu'à une certaine époque, j'ai toujours eu plutôt beaucoup de travail. Mais par exemple les Dogs, quand on jouait avec les Dogs, souvent ou ils venaient me prendre à l'aéroport ou ils me déposaient à une gare et puis j’enchaînais quoi. Mais bon quand tu es jeune et en pleine forme....j'ai appris à dormir n'importe où. Tu vois je me mets dans un coin, je ferme les yeux 5 minutes et puis c'est bon quoi. Surtout ce que je peux dire c'est que Dominique et les deux autres n'étaient pas non plus dans des situations financières exceptionnelles, et Dominique m'a toujours dit : "Ton boulot d'abord ", c'est à dire que jamais je n'étais mis en porte-à-faux mais cela dit j'ai toujours donné moi la priorité aux Dogs. Donc le statut d'intermittent permet ça. Le statut permet vraiment de pouvoir avoir des projets complètement différents, et en l’occurrence, enchaîner, pouvoir rester 2 mois en studio et avoir 3, 4, 5 jours de tournage donc tu pars, tu reviens. Et puis on a la chance, qu'en France, il y a des autoroutes, il y a des avions, il y a des trains donc c'est plutôt pratique, et les distances c'est on va dire 4, 5, 6, 7 heures maximum pour traverser la France quoi. Donc voilà j'ai toujours fait les 2 et cela m'a permis de le faire, sans pression, sans se dire : " Oui mais si je fais ça, j'aurai plus de pognon pour ça, mon loyer, mon truc... ". Ça a été mon confort mais après il y a le flipside, c'est à dire que bon la vie de famille ben non mais en même temps est-ce que ça m’intéressait vraiment ? Voilà pas de vie de famille, tu capitalises sur rien, tu fais juste ton groupe de rock. Quand tu sors ton disque c'est super mais quand c'est les mois d'hiver et puis qu'il fait froid dans le camion et que tu n'as pas dormi depuis 3 jours.... les gens te disent : " Mais pourquoi tu fais ça ? " Pourquoi je fais ça? parce que c'est très très profond. On pense aux groupes de rock, on pense Nirvana, on pense au succès. Les gens ne veulent voir que le succès mais il y a tout ce qu'il y a avant et pour moi je trouve que le plus exaltant c'est souvent ce qu'il y a avant. C'est ce qui fait la richesse de tes souvenirs. " A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire " voilà ! C'est ça, c'est ce qui fait le truc. Quand tu vois OTH, nous on a connu OTH quand ils étaient connus tu vois. Quand ils ont sorti le premier album on était wow ! Oui mais ils ont ramé avant ça. Voilà donc c'est vraiment une aventure et réussir à manager les deux, pendant toute cette période cela a été pile poil. J'étais dans des créneaux qui étaient pratiques. Quand j'ai été journaliste au planning de France 2 , j'avais des périodes où pendant 15 jours, 3 semaines je partais faire un Envoyé Spécial donc pendant 3 semaines tu es pris mais après tu sais que pendant une semaine tu vas être dispo. Dominique on se téléphonait 5 ou 6 fois par jour. Et comme par hasard, quand il n'y avait pas les téléphones portables, on anticipait vachement plus, tu disais que tu faisais ça et puis tu le faisais, du coup quand tu t'organisais avec les gens c'était plus simple. Si tu es en septembre, on joue en novembre et on joue en décembre donc on répétera en octobre et ainsi de suite. Donc après tu te programmes, on t'appelle pour une période où tu es censé faire des concerts et tu réponds : " Ben non je suis désolé, je suis pris " et ainsi de suite. Là finalement on se rend compte qu'on organise toujours les mêmes plannings de la même façon sauf que c'est réduit sur des périodes de 2 minutes. Oui je suis libre...non je ne peux pas... ah c'est annulé ?...alors finalement je suis libre...C'est un peu chaud. Mais bon franchement, cela s'est toujours bien fait.
En 1998 sort cet album " 4 Of A Kind Vol. 1" qui vient d'être réédité pour le disquaire day et " A Different Kind 4 Of A Kind Vol. 2 " de 1999. Raconte-nous l'enregistrement de ces pépites rock'n'rolliennes ?
Laurent Ciron : On faisait des répets de travail où on mettait en place les morceaux. Et très rapidement, on a eu l'équivalent de 10/12 morceaux, 13 morceaux peut-être. On les avait pré-maquettés sur le petit 8 pistes avec 2 bouts de micros. Il faut savoir qu'à l'époque c'était même pas encore les débuts de Ebay, 96/97 donc le matos coûtait cher. On en avait pas, on avait pas vraiment beaucoup de thunes donc voilà il y avait 3 micros qui traînaient mais c'était vraiment histoire de mettre en place les choses. Le son est vraiment...c'est quelque chose mais il y a les titres et pour pouvoir facilement signer et convaincre les gens dans une période où les Dogs c'est pas qu'ils étaient has-been mais je pense que c'était tout le côté rock'n'roll qui était, en particulier en France, qui était pas vraiment...encore que, il y avait quoi ? Noir Désir à l'époque voilà. La Mano n'existait plus. Bref en tout cas, on s'était dit on va faire des belles maquettes pour essayer de mieux convaincre. Donc on a fait des maquettes avec Pierrot qui était un des sonorisateurs des Dogs et qui avait une cave dans laquelle on pouvait enregistrer. Donc on a été enregistré tous ensemble dans la cave et puis on a terminé les voix avec un autre copain ingénieur du son qui était un grand copain à moi, Manu Gares, qui m'a vraiment tout appris en son, un mec exceptionnel qui a fait les Cinders après. Et on a fait les voix avec Dominique à Lyon, on a terminé les voix, une nuit, dans un local d'un sonorisateur. Et après c'est Manu qui a mixé les maquettes. C'était les débuts des CD enregistrables. J'ai mis les maquettes sur les CD enregistrables et on se faisait des copies, c'était génial. On était à la pointe de la technologie là. Mais par contre c'était pratique parce que ta maquette tu pouvais la mettre, non pas comme une cassette, tu la mettais sur un lecteur CD et tu l'écoutais bien enfin. Et Dominique me propose d'aller voir 2 personnes qu'il connaissait donc à savoir Marc Zermati et Patrick Mathé et puis Zermati n'est pas vraiment intéressé ou alors dans des conditions qui ne satisfaisaient pas Dominique. Bref, c'était leur histoire précédente qui refaisait surface probablement. On a fait 2 rendez-vous avec Marc et puis ça ne l'a pas fait. Patrick Mathé nous a très gentiment dit que c'était super mais que lui ça ne faisait plus partie de son label, il était sur autre chose et que la période était très très très difficile. Bon, et donc on en est là, un peu déçus et Dominique, autant il était redevenu enthousiaste à l'idée de faire un disque, autant la perspective de ….déjà d'avoir des rendez-vous dans des maisons de disques il n'y croyait pas trop donc en plus quand il va voir ses potes, c'est une fin de non-recevoir. C'était difficile. Et puis moi je lui dit : " Écoute, je connais un type , j'ai enregistré dans son studio et autour de son studio il a fait un label. Bon il ne fait pas vraiment du rock'n'roll mais enfin il aime bien ça. En tout cas, c'est un super mec, il est adorable et surtout il a un bon studio, ça pourrait peut-être l’intéresser ? " Et là je contacte Jean Gamet. Et Jean est d'un enthousiasme incroyable. Je lui envoie le disque, je le rappelle après. Il est enthousiaste, genre Zébulon. J'arrive en répet et je dis : " Écoutez les gars, le gars de Lyon ça a l'air de bien le brancher, il voudrait nous signer en artiste sur son label " et là en face de moi j'ai trois types qui me font : " Franchement tu rêves, non mais tu rigoles. Ce mec on ne sait pas qui c'est, il veut nous signer en artiste ? Et puis en plus il nous fera des feuilles de paye pour l'enregistrement ? Non mais tu rêves ". Bon ! Et puis Jean monte à Paris et j'organise un rendez-vous Dominique et Jean Gamet. Et là, Bing !! Tu vois les mecs, ça fait des étoiles et tout. Et ils s'entendent super bien tout de suite. Enfin je veux dire pour ne pas s'entendre avec Dominique il fallait le vouloir quoi ! Et Jean est un type adorable. Ils peuvent avoir leurs têtes aussi, comme tout le monde mais là on était là pour se faire du bien les uns les autres. Et Jean explique son projet. Jean il veut signer les Dogs en artiste. On a le studio en lock-out, il nous présentera la maison de disque, il ira voir les éditeurs, il fait un boulot de producteur quoi. On sort de là et Dominique qui me dit que Jean est incroyable. Et donc les choses se font. Donc on répète bien, le fait d'avoir fait des belles maquettes cela avait quand même convaincu et Jean trouve un deal avec Night & Day. Night & Day qui avait un président directeur général qui avait pris le projet à sa main, et on avait été adoubé à l'intérieur du label par un type qui s'appelait Jean-Michel Navarre et un autre gars qui s'appelle Marc Savannes, fan de rock'n'roll. Donc on fait le 1er disque, malheureusement nous on voulait faire un double album parce qu'on avait suffisamment de matériels pour faire un double album, ce qui aurait été marrant pour Dominique car il était fan de tous ces albums doubles, mais le PDG dit : " Non, on va faire ça en deux volumes. On sort un premier disque et six mois après on en sort un deuxième ". Il se trouve qu'entre temps Night & Day a signé une licence avec Buena Vista Social Club donc les quelques milliers de disques vendus par les Dogs par rapport aux 100 000 disques vendus par Buena Vista Social Club, forcément dans le label on était moins l'objectif. Le PDG a été débarqué et les disques n'ont pas été travaillés comme ils auraient du l'être. Et c'est pour cette raison que 20 ans après Jean me dit : " Écoute Laurent, je pense que ce serait le moment de ressortir ces disques finalement, à part les quelques fans qui ont été proches, peut-être que ces disques là peuvent avoir à nouveau un intérêt et en particulier si on les sort en vinyle. Est-ce que tu pourrais t'en occuper ? " Donc je commence à m'en occuper et je tombe sur le fameux Phil Margueron de Déviations Records qui était gérant de la manufacture de vinyles et qui au lieu de m'envoyer un devis pour me dire combien ça coûterait de ressortir des vinyles, me dit : " Je viens de monter un label et ça me brancherait bien de ressortir les Dogs sur mon label " . Donc je mets en contact Phil Margueron avec Jean Gamet et là, étincelles de nouveau, ils se mettent d'accord. Donc on ressort ce disque parce que Jean voulait les ressortir parce qu'il estimait que c'était quasiment presque un devoir par rapport, enfin un bel hommage qu'il voulait faire pour Dominique et surtout probablement aussi par qu'il se disait que ce disque aurait peut-être mérité un petit plus d'attention à l'époque où il est sorti. Et même s'il n'est pas sorti forcément dans une bonne époque, enfin dans une époque qui était propice. Donc il voulait ressortir ce disque. Alors moi les disques je les connais, maintenant on les trouve sur youtube ou sur les plateformes mais l'engouement du vinyle fait que on a l'objet, on a la pochette, je sais pas. En tout cas, on a tout fait pour que cette réédition soit particulièrement bien réussie, et en particulier Philippe et Jean et ainsi que tous les photographes qui ont participé. Je pense à Nicolais Caille qui était un copain des Dogs, qui était venu dans la cave et qui avait fait quelques photos. Bernard Lachaud qui a fait la pochette ou Fabrice Demessence plus tard et même Pierrot que j'ai eu au téléphone récemment. Tout les gens qui étaient à peu près autour ont été convaincus par cette initiative. 20 ans après on sait que l'on ne fait pas ça pour l'argent. Après forcément il y aura le volume 2 et puis il y a ce fameux album live qui lui par contre n'a jamais été vraiment tiré en vinyle, les autres ayant eu quelques tirages vinyles pour la promo. Et puis il y a quelques restes de musique, il y aura peut-être quelques trucs. On verra...mais déjà c'est pas mal. Cela représente du travail de faire correctement le boulot, il n'y a plus les films, faut retrouver les mixages, faut refaire le mastering etc... excellent boulot du graphiste qui a su refaire la même pochette qu'il y a 20 ans. Ce fétichisme partagé, cela fait plaisir à voir et une fois de plus, Phil a dit qu'il ferait une réédition vinyle avec son label et franchement c'est plutôt chouette. C'est le genre de type qui dit ce qu'il fait et qui fait ce qu'il dit, c'est bien. Là c'est vrai que le mastering est différent donc il y a un rapport dynamique, la courbe de réponse est pas la même que sur le CD et puis même il y a le fait de prendre le disque, de le mettre, de faire ça. Moi je n'ai jamais vendu mes vinyles. Quand le CD est arrivé, je n'ai pas largué mes vinyles, j'ai même encore toujours des cassettes. Pour moi cela reste un support et tant mieux si ça peut faire plaisir à des gens qui ont envie d'avoir des vinyles. En tout cas, m'étant renseigné auprès de mes copains disquaires qui vendent du vinyle, ils m'ont dit que ça allait faire plaisir à beaucoup de gens.
Parle-nous de la dernière tournée Américaine, comment avez-vous monté le projet ?
Laurent Ciron : Je peux raconter la genèse de cette tournée. On commençait à refaire pas mal de concerts, notamment grâce à Bruno Perrin qui à l'époque tenait le Mondo Bizarro et que j'avais rencontré par l'intermédiaire de Freddy Lynxx. Freddy un jour m'appelle, il trouve mon numéro et il m'appelle parce qu'à l'époque je jouais aussi de la basse dans un autre groupe. Il apprend que je joue de la basse et il me dit : " Je dois partir en tournée ce soir et mon bassiste vient de me lâcher et on a 15 jours de concerts, 15 jours ou 3 semaines de concerts dans le sud de la France, on fait le tour d' Espagne et on remonte. J'ai un américain et un anglais, un guitariste américain et un batteur anglais, moi je fais la guitare et il nous manque un bassiste. Est-ce que ça te branche ? ". Intermittent du spectacle, pas d'activités avec les Dogs à ce moment là, 15 jours à 3 semaines devant moi, j'annule 2/3 trucs et je dis ok. Donc j'arrive chez lui, je dis bonjour à tout le monde. Je ne le connaissais pas, je savais qu'il avait joué dans les Jet Boys mais à l'époque je n'étais pas à Paris donc je ne les avaient jamais vu jouer. Mec super sympa, accueillant, accessoirement né le même jour que moi mais pas la même année, mais né le même jour que moi. Kevin K, adorable, super sympa et Andi Hill un batteur complètement azimuté, adorable, joyeux. On part, on prend le camion tout de suite et arrive Bruno Perrin que je ne connaissais pas et on monte dans le camion. Et moi, dans le camion, je mets la cassette avec les titres. Et 1er concert Montpellier, donc on fait Paris / Montpellier et dans le Paris / Montpellier je retranscris les morceaux. Rigolages et tout mais tu ne fais pas le malin quand même. On arrive et on joue au Rockstore, tu joues pas dans le bar du coin, tu joues au Rockstore, ok ! Tu joues plus ou moins fort, tu gères un peu mais voilà. Après on continue, on descend, Toulouse, Madrid, bref on descend, on remonte, on fait une quinzaine de dates et on termine dans un endroit de dingue, un espèce d'endroit basque indépendantiste, des fous furieux et on termine là. Ha non ! On joue aussi au Puy-en-Velay avant de remonter. Voilà c'est ça, on joue au Puy-en-Velay, c'était l'hiver et ils me redéposent à l'Hacienda.
Anecdote ! Dominique venait d'arriver et on mixait l'album live. Donc ils me déposent à l'Hacienda, tout le monde descend du camion...je présente Dominique...Freddy connaissait Dominique des années parisiennes précédentes et je fais visiter le studio et Kevin me dit (petite anecdote) : " Mais Laurent je ne pourrais jamais enregistrer dans ce studio " C'était un studio extrêmement beau, sympa, confortable, avec tout. Je lui demande pourquoi. Il me répond : " Moi je fais de la musique punk, comment veux-tu que je crie ma haine dans un endroit aussi confortable ? " Je lui demande ce que cela veut dire. Il me répond : " Moi je ne peux enregistrer que dans les studios pourris, avec des rats, des trucs dans les caves, etc... ". Et ce n'était pas bête, dans l'absolu ce n'était pas bête. Bref, donc effectivement, c'était le moment où on mixait l'album live des Dogs. Six mois se passent, Freddy me rappelle et il me dit : " Écoute on refait la même tournée, seulement au lieu que ce soit Kevin qui n'est pas disponible, j'ai pris Jeff Crane, qui est un autre copain de Boston. Le batteur ne pouvait pas venir, donc on prend un autre batteur de Rennes, présenté par Bruno Perrin, qui s'appelle Franck Taraud, qui joue dans plein de groupes, super garçon d'ailleurs. On repart en tournée. Et au cours de cette tournée, avec Jeff on sympathise beaucoup, comme avec Kevin mais là je lui passe des disques des Dogs que j'avais et notamment les premières épreuves du live. Quelques temps après, Jeff m'appelle et me propose une tournée aux États-Unis, les Ballbusters son groupe de Boston et les Dogs. Et donc l'idée de cette tournée est partie d'une première rencontre avec Freddy parce qu'il lui manquait un bassiste et les choses se sont enchaînées comme ça. J'en parle aux trois autres, et là bien évidemment... Mais se posent les premières questions : mais comment on va faire ? on n'a pas d'argent pour payer les billets et ce n'est pas avec ce que tu es payé aux États-Unis parce que c'était quand même une tournée organisée à la bricole, c'était sérieux, mais c'était quand même à la bricole. Il n'y avait pas de tourneur, il n'y avait pas de plan promo avec Budweiser tu vois ? Et puis à l'époque on n'aurait pas eu l'idée d'aller demander des sous à l'Alliance Française ou … Jean avait peut-être l'idée de demander un tour support mais ça s'est organisé comme ça, comme on fait entre nous, comme des bricolos tu vois ? Et je dis à Dominique, que de toute façon il n'y aura pas de problème parce que moi je vais partir filmer la Coupe du Monde en Corée donc je vais avoir du pognon, j'achète les billets, les locations de bagnoles et puis comme on fait des tournées après, on fera comme d'habitude, on sort de l'argent et puis après on se rembourse voilà. Enfin comme tous les groupes font, il n'y a rien d'exceptionnel la-dedans. Donc ça c’était réglé. Et puis le souci, c'est que le pauvre Bruno a commencé un job au moment où on devait partir en tournée donc on a pris un autre batteur. Il a fallu faire des répétitions, qu'on aurait fait de toute façon. Refaire des répétitions complètes. Et là on commence à répéter , je crois que c'est fin août, fin août début septembre et là Dominique il est fatigué, il a du mal à respirer donc il ne sait pas si c'est une grippe ou autre chose. Et en fait, sa santé va aller de mal en pis. Plusieurs fois je lui dis: " ce n'est pas grave, on annule, tu te reposes, tu te soignes et on reprend, on fait la tournée dans 3 mois, 6 mois, on s'en fout, prends ton temps ". Je lui dit plusieurs fois et lui : " Non, non, c'est une chance pour nous, il faut y aller, il faut y aller " . Bon ! On part et là-bas on fait le premier concert. On joue le premier morceau, c'est " Skydog " instrumental et après on enchaîne sur " If You Don't Want Me No More ". Et après le premier couplet il s’accroupit et puis il me dit : " J'y arrive plus " donc je termine le concert en chantant la dizaine de morceaux que je pouvais prendre. On termine en trio. Je vais voir Dominique, il est pas bien, il est fatigué. Chez Jeff et sa femme Cheryle, qui a été une femme exceptionnelle jusqu'au bout. Cela a vraiment été une âme, quelqu'un de bienveillant qui a sacrifié beaucoup de choses pour s'occuper de Dominique quand on était pas là. Jeff et sa femme laissent leur chambre à Dominique dans la maison, donc il était tranquille. On avait un concert que deux jours après et Dominique ne réussit pas à aller mieux, il a du mal à dormir. On décide d'aller à l’hôpital et l’hôpital décide de le garder parce qu'il est trop faible. Donc on va voir Dominique tous les jours à l’hôpital et Dominique nous dit : " Mais les gars, on est là pour jouer quoi, donc vous allez jouer jusqu'au bout. On fait la tournée. Toi Laurent tu chantes, tu expliques que voilà notre chanteur est malade ". C'est un fait de tournée comme un autre. Il se serait cassé la jambe, il aurait fait comme les autres, il aurait joué avec une jambe dans le plâtre. Bon ben là c'est juste qu'il ne pouvait pratiquement plus respirer et donc il ne pouvait plus chanter. Il fallait qu'il se repose. Dominique était insomniaque donc il ne dormait pas. Et puis donc on va jouer, on va faire des concerts et tous les soirs en partant ou en rentrant on passait le voir. Et la femme de Jeff est allée le voir absolument tous les jours. Jusqu'au jour où on est arrivé et ils l'avaient endormi, voilà. Et puis de là, hé bien … il ne s'est jamais réveillé. Donc je passe sur les détails mais c'est malheureusement l'histoire de Dominique. Et notre histoire en tournée.
Après les Dogs, tu as produit divers groupes, raconte-nous ça ?
Laurent Ciron : Je me retrouve à la ramasse tu vois, enfin comme tout le monde. On fait un dernier hommage à Dominique, avec Bruno et Christian, et puis moi je reprends mon boulot. A l'époque, j'étais journaliste à France 2, JRI, reporter France 2, France 3 et je me noie dans le boulot. Et puis, c'est l'époque des débuts de Ebay, c'est l'époque où MAC sort ses premiers portables, où il y a les premières cartes de son donc je troque mon 8 pistes contre un premier ordinateur, je bidouille, et puis je commence à écrire des chansons. Je ne sais pas pourquoi. Je n'en avais jamais écrit autant. Je les maquette sans avoir un but de quoi que ce soit. Et puis il y a un mec qui nous propose de faire une compil sur les Ramones, enfin une espèce de tribute aux Ramones. Et du coup je me dis que ce serait peut-être bien de réunir les copains, avec lesquels on était réuni, avec lesquels il s'était passé des choses. Donc j'appelle Freddy Lynxx, Jeff et puis Christian. A l'époque il y avait peut-être Bruno. Je crois qu'on a fait un ou deux titres avec Bruno.
A l'occasion de cette petite compil à faire, Jeff vient en France, on se voit, on essaie de se consoler et puis on commence à s'échanger des compos qu'on faisait. Arrive un moment où on décide de faire un 45 tours. Au cours de l'enregistrement de ce 45 tours, on décide de faire une première série de concerts. Pareil, on ne sait pas où on va, on n'est pas connu, on s'en fout, et on propose à des gens de faire 2 ou 3 concerts à gauche à droite. Il y a Bruno Perrin qui nous propose de jouer au Mondo Bizarro, c'était sa nouvelle boîte. Là aussi il y aurait beaucoup de choses à dire... Je continue à faire des compos, Jeff aussi et on se les échange par le net. Je commence à acheter un peu de matos et puis il y a ce fameux copain Manu Garès à qui je dis un jour : " Manu, dis donc plutôt que d'aller faire le tour des maisons de disques, d'aller demander du budget pour aller en studio etc... la démocratisation du matériel d'enregistrement, notamment à travers le numérique, bon il n'y aurait pas moyen de faire un disque ? " Et Manu me répond : " Écoute je peux monter un ordinateur (il est informaticien), j'emprunte des micros à gauche à droite, on prend une table de mixage et on enregistre. Mais on fait ça où ? ". Je lui demande si on ne peut pas faire ça dans ma cuisine ? On pousse un peu les meubles. " Ouais si tu veux ". Et on fait le premier album des Cinders dans ma cuisine donc à Paris. On se voit à peu près 15 jours, entre Noël et le jour de l'An. On fait le jour de l'An ici. D'ailleurs on a fait un jour de l'An assez exceptionnel. Mais en travaillant beaucoup, c'est-à-dire en travaillant de 9h le matin jusqu'à 20h le soir, et on enregistre l’album des Cinders où on va faire des re re après. Didier me demande de lui envoyer ce que l'on était en train de préparer. Et entre le moment où je lui envoie, il écoute etc... on avait avancé. Il me dit que c'est super. Et il avait un label qui s’appelait E.L.P ! et donc il sortait des disques de rock'n'roll. Moi ça m'allait parfaitement parce que je ne voulais pas...ni emmerder Jean, Jean Gamet de l'Hacienda...ni aller faire le tour des maisons de disques. Je ne savais pas si la musique que j'avais produite et celle de Jeff pouvaient intéresser les gens. Moi j'achète des disques, on achète tous des disques de gens connus mais j'aime bien acheter des disques de petits groupes aussi. C'est la musique qui m’intéresse c'est pas le statut économico-social qu'il y aurait derrière, tu vois je m'en fous. Le fait est que je confiais le disque à un label, un peu comme avec Déviations, et que les mecs s'en occupent et du coup on fait les trucs à deux. Une fois de plus c'est un phénomène d'émulation de groupe et c'est plutôt sympa voilà. Le mec était très content de dire : voilà deux anciens Dogs. Bon ok ! Avec un vrai américain dans le groupe, presque : " vu à la télé !! " . C'était super et Didier a été exceptionnel. Il a fait les choses bien...sa femme elle est super. Ils ont une imprimerie qui est hyper rock'n'roll...des gens au top quoi. Donc le disque est sorti je crois en 2004. On a fait pas mal de tournées. Des petites tournées de 15 jours, 3 semaines, souvent dans des bric-à-brac, dans des petits bars, des trucs, des machins. On a été faire plusieurs tournées aux États-Unis aussi. Je crois qu'à chaque fois, c'est Jeff qui me faisait remarquer ça, à chaque fois, on n'a jamais eu le même batteur. Donc il y a eu Joseph qui était charpentier, Américain, un mec adorable. On a eu Seb qui joue sur l'album, un excellent batteur, un vieux copain de Nancy de mon école de musique. Excellent batteur, monstrueux, qui a fait une grosse carrière derrière...super mec, batteur hyper rock'n'roll...je le revois encore en train de souffrir derrière des morceaux avec des tempos hyper hardos. Et puis il y a eu Gooloo qui était le batteur des Holy Curse et qui a fait un super job, peut-être que je ne l'ai pas suffisamment remercié à l'époque parce que voilà une fois de plus la logistique qui prend la tête etc... et avec lui on avait fait une grosse tournée...je crois qu'on l'avait joué, je me demande si c'est pas 32 jours en 30 jours voilà ! Je voulais qu'on joue tous les jours alors des fois on a fait des concerts …. Je me rappelle notamment une fois un dimanche à Dijon, dans un endroit où il y avait 10 personnes, on avait joué mais on avait déchiré ! Et on a plein d'anecdotes avec Gooloo aussi.
Et puis on s'est un peu arrêté en 2008, notamment parce qu'il y a eu la crise aux États-Unis et Jeff a été impacté par la crise. Et puis moi c'est le moment où j'ai payé un peu le fait d'avoir négligé la période de deuil par rapport à Dominique donc j'ai eu un peu un contrecoup à un moment, que j'imaginais pas. En plus le boulot, plus d'autres soucis ailleurs, comme on en a tous d'ailleurs. Du coup, on m'a emmené faire d'autres trucs, notamment j'ai fait une comédie musicale...un copain journaliste qui avait fait un clip , j'avais enregistré une de leurs maquettes. Parce que l'idée c'est ça... quand j'ai commencé à faire ce disque des Cinders, je me suis mis à acheter du matos et à me mettre à l'enregistrement, à faire des maquettes plus élaborées, à enregistrer les uns, les autres, à découvrir le son etc... En 2008, j'ai fait une école d'ingénieur du son pour reprendre les choses à la base, donc à l'INA... et ça m'a super plu. Par contre j'arrivais avec un peu de retard par rapport à mes copains qui étaient ingénieurs du son mais à un moment donné, une fois de plus, tu fais ce que tu peux avec ce que tu as et puis c'est très exaltant. Tu fais les trucs, tu t'enregistres donc ça c'est vraiment super. Et j'enregistre ce copain qui a ce projet de comédie musicale et de simple enregistrement il me demande si je peux faire la basse, puis finalement le guitariste s'en va donc je fais la guitare, et puis on fait les morceaux ensemble et puis je me retrouve tout d'un coup à faire...parce que comédie musicale du coup hé bien tu es sur scène ! Ha bon on va faire du théâtre ? Il y a de la mise en scène ? J'ai fait ça quoi. Vraiment c'était super, très très belle expérience, une pièce d'1h et demie. Une rigueur...on était je ne sais plus combien 15 ou 16...et pareil techniquement il fallait gérer parce que tu es sur scène donc il ne fallait pas de fils donc tout en HF mais le problème c'est que tu ne peux pas mettre des retours donc tu as des retours en HF. En 2007/ 2008 tu vois, c'était un challenge technique, un challenge musical. Bien sûr ce n'était pas du punk rock donc voilà. Après on a fait l'album, c'était super aussi. On a continué à faire des morceaux ensemble avec ce garçon, entre-temps j'ai joué avec d'autres groupes. J'ai eu l'occasion de jouer avec Scott Morgan qui était le chanteur du Sonic's Rendez vous Band et Rationals. Alors pareil, une tournée où le bassiste ne peut pas venir au dernier moment et là c'est un garçon qui s'appelle Luc Lemaire , qui était sur les premiers forums dans les années 2004/2005, 2003 d'ailleurs, et c'était un forum qui parlait de Radio Birdman, MC5 et compagnie, qui lit cette annonce et il la diffuse. Je connaissais un peu le Sonic's Rendezvous parce que Jeff était fan. Moi je connaissais surtout les MC5. Je vois la liste des titres et je fais " cool ! " . Les Hydromatics venaient de sortir un disque avec Nick Royal des Hellacopters à la batterie mais ils n'avaient pas de bassiste et c'était une tournée en Espagne. Donc j'appelle, je discute avec Tony Slug. Il m'envoie des MP 3 déjà et Luc vient avec un CD et je commence à travailler, je bachote comme une mule. Je crois que le premier concert s'était à Liège donc j'arrive en train, bonjour etc... et on monte sur scène. Là tu fais pas le malin et puis ça se passe bien. On repasse 2 jours à Amsterdam et on devait répéter et au bout d'1 h de répet tout le monde va boire des bières etc...et puis on n'a pas répété. Après le 1er concert c'était Jerez de la Frontera, avec un festival donc là je me suis dit que j'aurais le temps de jouer... et puis en fait je me dis qu'on ne va pas faire 2000 kms quoi !! Donc j'appelle des gens pour savoir s'il y a moyen de faire un concert sur la route et on fait un concert à Toulouse, grâce à Laurent du Jerry Spider Gang donc de Toulouse, avec qui on avait joué avec les Dogs. Soirée mémorable aussi, celle ci ! On n'avait pas bu que de l'eau. Bref ! Et j'ai joué pendant pratiquement un mois et demi, peut-être un peu plus même avec eux. Après j'ai joué avec d'autres gens. J'achetais toujours un peu de matos à gauche à droite, et donc parmi les trucs que j'ai enregistré, j'en fais pas non plus énormément mais j'aime bien çà, j'ai enregistré un groupe par hasard. C'était lors d'un montage, j'avais réalisé des pubs pour des gens et quand j'arrive dans la salle de montage, le monteur me dit : " Ça t'embête si je mets un peu de musique ? " Le mec il met sa musique et le premier titre Fugazi ! Je fais : " Ha tu écoutes Fugazi ? " Il me regarde et me dit : " Tu connais Fugazi? " Je ne suis pas un grand spécialiste mais ouais quand même. Deuxième morceau, Jesus Lizard ! Alors là par contre je le connaissais bien, c'était l'album Shot. Je dis : " C'est Jesus Lizard " et il me dit : " Ha bon tu connais ? " Je répond que je ne suis pas un spécialiste mais enfin... Et donc on commence à discuter comme ça. Et il me dit qu'il a un groupe aussi et qu'ils voudraient bien enregistrer de nouvelles maquettes. Il me fait écouter et je lui dis de venir chez moi, que c'est super et on devient potes comme ça. Le groupe s'appelle les Dakinis un trio, super trio. On a fait une série de maquettes et après on a fait un album. On l'a fait une fois de plus de bric et de broc, dans la cuisine. Super, super album, super groupe, super mecs. Pareil, pas des bons musiciens, mais comme moi, autodidactes quoi. Mais juste tu joues un truc qui a énormément de goût, c'est ton truc à toi et franchement ça sonne...les compos, les textes...moi je kiffe. Voilà. Qu'est-ce que j'ai fait d'autre ? J'avais fait cet orchestre qui faisait des reprises de Gainsbourg, parce que fan de Gainsbourg et on s'est retrouvé à plusieurs à être fan de Gainsbourg et le projet que j'ai proposé, c'était qu'on refasse Gainsbourg mais pas comme un tribute avec quelqu'un qui se déguise et où on prend les poses, mais vraiment un tour de chant sur des chansons de Gainsbourg, des morceaux qu'il a écrit pour ses différentes muses. Et l'idée c'était de refaire des arrangements précis, pas faire du Gainsbourg électro ni tzigane, mais vraiment se faire plaisir à être fétichiste dans la musique, pas dans le côté copie. Cela m'a énormément discipliné en terme de guitare, ça c'était super. On a tourné un peu, c'était sympa. J'ai joué avec les Jones, c'était un groupe de rock'n'roll. Et puis j'ai enregistré des morceaux pour moi, que je n'ai encore pas sorti. On verra, je ne sais pas si ça vaut le coup. Et j'ai fait un album avec un garçon qui s'appelle Naël qui était un mec qui m'a branché dans une soirée, qui était un copain d'un copain et qui faisait de la chanson française. Et l'histoire c'est qu'il m'a un peu persécuté, à me faire écouter ses morceaux et tout, et à un moment donné je lui ai dit ce que je pensais de ses morceaux quoi. Le mec il me dit : " On ne m'a jamais parlé comme ça, c'est dur à entendre ". Sauf que le mec il me dit : " Ben alors du coup, vas-y, fais-en quelque chose !! C'est bien beau de critiquer mais qu'est ce que tu ferais toi ? Moi je te donne carte blanche ". Le soir même il y a mes copains, notamment le fameux copain Manu qui me dit: " Tu as vu ? Tu veux faire le métier, tu veux faire du son, alors ? Là c'est pas dans ta cour, mais c'est du boulot, le mec il te propose du boulot. Alors ? Tu y vas ou tu y vas pas " Je réfléchis et je rappelle Naël en lui disant que je veux bien faire quelque chose mais on fait comme ça et comme ça. Et dès l'instant où on s'est mis à travailler ensemble, cela a été exceptionnel. C'est devenu un ami. Et pourtant, c'est de la chanson française, c'est pas les trucs que j’écoute mais on a fait un super album. Alors bien sur, j'ai appelé les copains de l'équipe, qui eux-mêmes ont fait plein de choses dans leur vie. Je pense notamment à David Forgione qui est capable de tout jouer, qui a été bassiste de A.S. Dragon, Burgalat, etc... Je lui ai proposé un album à la contrebasse. Il n'avait jamais fait d'album à la contrebasse. Il aimait bien ça mais il jouait en amateur. Il a super bien joué, on a fait plein de trucs. Seb Buffet encore. J'ai rencontré des pianistes exceptionnels. Et puis j'y pense, il y a eu un grand moment parce que j'ai joué avec Fred Jimenez, un garçon que j'ai rencontré par le plus grand des hasards et on a joué ensemble pendant pas mal de temps. On a fait un super album, qui lui aussi malheureusement n'est pas vraiment sorti. Un album de pop que je surkiffe. On avait fait un clip qui était génial, dans la neige. Personne n'a voulu le distribuer et une fois de plus c'était de la pop. Fred a fait un bon bout de carrière juste après puisqu'il est parti jouer avec Yarol puis après avec Johnny Hallyday. Mais cet album est tombé un peu aux oubliettes. J'en parle avec lui de temps en temps et c'est vraiment con parce que les quelques personnes qui l'ont, l'adorent quoi ! Bon faut aimer la pop mais il est super. Donc j'ai eu de très très belles expériences après les Dogs. Et récemment, bien évidemment, j'ai joué pendant 7 ans avec les Belleville Cats, qui étaient encore d'autres gens, un autre répertoire, d'autres joies, d'autres contraintes, une autre alchimie.
As-tu gardé des relations ou contact avec Christian et Bruno des Dogs ?
Laurent Ciron : Hé bien la ressortie de cet album fait que bien évidemment je les ai mis au courant. On était un groupe, on a toujours fait les choses ensemble... Jean me demande de faire quelque chose, je lui dit que le premier truc c'est que je vais en parler aux deux autres. Je pense qu'ils vont être super contents. Avec les années, ils savent que ce n'est certainement pas une opération commerciale et venant de toi, qui j'imagine dans tes propres comptes de production des Dogs étais toujours en déficit donc c'est vraiment pour la beauté du geste, pour l'hommage à Dominique. Et puis c'est pour rendre hommage aussi à un travail qui a été accompli et qui a été pas forcément bien travaillé. La promotion n'a pas été extraordinairement bien faite à l'époque, en tout cas c'est le sentiment que l'on avait, parce que l'époque n'était peut-être pas réceptive, parce que pour tout ce que j'ai expliqué tout à l'heure, voilà. En tout cas, ils ont été très heureux. On s'est eu au téléphone, parce que le planning des uns et des autres n'est pas très facile pour se voir, mais les choses se font par téléphone, par internet, on s'envoie des messages etc... Après c'est chouette de se reparler, on évoque un peu ces moments là et on se replonge tous dans nos souvenirs donc il y a des moments de pure mélancolie et puis il y a des moments de rigolade. Dans les groupes il y a toujours un aspect un peu taquin entre les mecs donc forcément quand on se reparle ça taquine un peu...et puis on parle de Dominique. Avec le temps, l'avantage c'est qu'on garde que les bons moments. On parle beaucoup de musique, surtout avec Christian en fait parce que Christian c'est un ogre de musique. Il peut un peu moins bien joué en ce moment. C'est un musicien tellement incroyable, il a une façon de jouer de la guitare, une façon de faire sonner et alors en tant que bassiste c'est difficile de rivaliser là. Il y a un espèce de truc d'implication, de son. J'aime beaucoup jouer avec plein d'autres copains bassistes mais c'est vrai que quand je réécoute les lives , notamment en ce moment, ouais ça tripote . Et quant à Bruno, c'est pareil. Tu te dis qu'on jouait pendant 1 heure et demie, quand tu vois des fois que tu fais des morceaux un peu rock'n'roll, que tu as le mec derrière qui fait comme ça en secouant son bras parce qu'il a une crampe, tu te dis que oui c'était un challenge sportif un petit peu. Moi je m'en foutais, à l'époque je ne picolais pas du tout, je fumais pas, j'étais jeune, j'avais dix ans de moins, voilà ! C'était la pleine forme. Notamment quand je vois 2 ou 3 vidéos live et que je vois Bruno taper... c'est physique quand même. Donc oui on est en contact les uns les autres.
Y-a t'il des chances de voir un jour sortir le " Live " en complet ?
Laurent Ciron : Alors à l'époque ce n'était pas encore Pro Tools mais c'était le début des magnétos numériques, donc c'était les ADAT et les DA-88 donc on enregistrait sur des VHS un peu spéciales en 8 mm. L'avantage c'est que ces magnétos ils étaient transportables, configurables facilement et pas trop chers en exploitation et on pouvait enregistrer en 24 pistes. Donc on pouvait vraiment enregistrer tout ce qu'il y avait sur la fiche technique. Donc c'est ce que l'on a fait et on a fait ça sur cinq lieux et six dates. C'est-à-dire qu'il y a eu Grenoble, Cherbourg, deux dates au " Bateau Ivre ". J'ai toujours ces bandes là, malheureusement cela fait plusieurs fois que j'essaie d'emprunter des magnétos, des DA-88 notamment mais les magnétos ne sont plus en forme. Je n'ai pas réussi à trouver des magnétos en forme donc j'ai les bandes mais je ne sais pas 20 ans après ce qu'il reste sur les bandes parce que c'est du magnétique donc …. A l'époque, techniquement, pour ceux que ça intéresse on avait mis ces bandes là sur un radar, qui étaient les premiers magnétos sur disque dur de chez Otari, c'était l’ancêtre du Pro Tools véritablement, et malheureusement j'ai récupéré les Radar de l'Hacienda et les bandes back up, impossible de les lire non plus. Donc je sais que sur ces lives là il y a deux ou trois morceaux que l'on avait pas eu le temps de mixer, pas eu le temps et l'argent. Enfin pour ceux qui connaissent le live il y a quand même 29 titres. C'était aussi un clin d’œil à l'album des Ramones, le live des Ramones. Donc 29 titres c'est pas mal mais je sais qu'il y a quelques titres qu'on aurait pu mettre en plus. Est-ce que je vais être capable de les exhumer ? C'est pas gagné. Perso j'aimerais bien. C'est Manu Garès qui avait mixé le live et on avait eu que 12 jours pour mixer 29 titres. Bon alors pour la petite histoire, avec Dominique on avait fait des cassettes DAT de tous les concerts, avec des tableaux pour voir quelle version on gardait...parce qu'il y avait toujours un truc qui allait pas, par exemple, Dominique aimait pas sa voix sur ce concert là, là Bruno avait cassé une baguette, moi j'avais peut-être cassé une corde ou je sais pas le micro de grosse caisse... enfin peu importe. C'est pour ça qu'on s'était dit que l'on allait enregistrer plusieurs concerts donc il fallait trier les bonnes prises et surtout au delà des problèmes, il fallait choisir les meilleurs versions. Donc on avait enregistré plusieurs concerts. Et en fonction des Setlists il y avait toujours un, deux ou trois morceaux qui changeaient, notamment dans les rappels, histoire qu'on ne joue pas toujours les mêmes morceaux. Mais malgré tout, on avait eu le temps de mixer que 29 titres alors qu'on aurait peut-être pu en mixer 35 ou 37, ne serait-ce que pour faire des inédits. Mais à l'époque on se disait : si il faut, on y retournera. Et puis, peut-être qu'aujourd'hui on pourrait sur ce disque là, remixer complètement ? Remixer comme on le fait aujourd'hui c'est-à-dire avec un son plus moderne. Est-ce que ça aurait un intérêt ? On l'a vu avec tous les groupes qui ont remixé, finalement on est toujours attaché au premier truc. Les musiciens se font plaisir en remixant . Cela dit l'album des Replacements qui est l 'album qui s'appelle " Don't Tell a Soul ", il a été remixé et la nouvelle version est terrible. La 1ère version avait été mixé dans une ambiance FM rock, époque MTV et là ils ont remixé plus comme le groupe sonnait. Dans le coffret qui est sorti, je suis fan, c'est terrible. Je ne sais pas si nous on aura la possibilité de faire ça. Je ne sais pas si il y a un intérêt et je ne sais pas si on aura le budget pour le faire. Mais déjà c'est pas mal. Et puis ça va intéresser quoi 500, 1000 personnes ? Tant mieux pour ces personnes là mais ….
Une anecdote pour les fans des Dogs ...
Laurent Ciron : Un de mes copains qui jouait dans les A.S. Dragon après Fred, c'était David Forgione. Il me dit qu'ils jouent à Mains d'Oeuvres. Mains d'Oeuvres c'est à coté à Saint-Ouen, un local de repet. Et donc il joue, je crois que c'était avec les A.S. Dragon et en première partie il y a un groupe punk japonais. Ok, on est là comme ça, on rigole, on discute puis je regarde le groupe japonais et à un moment donné je me dis que c'est bizarre, ce morceau je le connais. Ce morceau me dit quelque chose alors j'écoute plus précisément et ce groupe japonais reprenait " Too Much Class for the Neighbourhood ". Sauf qu'avec l'accent japonais et comme c'était un groupe ultra punk qui jouait super vite, tu vois c'était pas AC/DC, ça jouait keupon quoi. Je me dis que c'est Too Much Class quoi ! Je parle de ça c'était 2011/2012 . Je n'ai plus le nom du groupe mais je suis resté copain grâce à Facebook, Facebook c'est plutôt pas mal. Le guitariste s'appelle Sawa et de temps en temps, je vois, il envoie un mot. Pareil guitariste fan de rock'n'roll et fan des Dogs parce que les Dogs étaient allés jouer au Japon. D'ailleurs quand j'étais allé au Japon, je m'étais rendu compte que les disques, en l’occurrence " 4 Of A Kind" étaient bien distribués là-bas. J'étais donc allé en 2002 et il y avait le live au HMV. Tous les disquaires chez qui je suis allé il y avait un bac avec plus ou moins des disques dedans mais il y avait un bac Dogs. Donc finalement, le boulot qu'avait effectué Zermati avait perduré. Donc ces mecs étaient fans des Dogs. C'était difficile de discuter avec eux car ils parlaient pas super bien anglais et que mon anglais n'est pas non plus extraordinaire. Je ne savais pas s'ils connaissaient les Dogs vraiment ou si c'était l'occasion de venir en France. Je me rappelle après leur concert ils avaient un stand de merch et j'étais curieux donc je m'avance comme ça. Et puis il y a ce fameux guitariste...je commence à discuter avec lui, mais juste pour lui demander d'où ils viennent etc... et le mec il parle, il parle et à un moment donné il s'arrête...le mec m'avait reconnu. Le type alerte tous ses copains, il se retourne, il ouvre son sac et il sort le live je crois, le cd qu'il venait d'acheter. Et du coup, ils m'ont demandé de signer alors que j'étais tu vois, style hiver , j'étais en anorak, un cache-nez, le nez rouge, un bonnet. Du coup j'ai trouvé ça marrant. Mais bon ça arrive j'imagine tout le temps... Antoine notamment, qui joue beaucoup, qui joue avec les Wampas, enfin il est connu pour être le guitariste des Wampas maintenant. C'est comme moi tu me mets les premiers accords de n'importe quel disque des Dogs, par exemple " Shout " ou le début de " Walking Shadows " ça me met les poils. Donc je pense que chez les gens qui ont aimé les Dogs c'est pareil. Après certains disent : " Ha bon il était connu ton groupe ? " Je m'en fous, on s'en fout complètement.
Quels sont tes projets à venir ?
Laurent Ciron : En fait, pas mal de projets se sont arrêtés, d'autres sont en suspens. Le covid est passé par là. Et puis là récemment j'ai arrêté de jouer avec les Belleville Cats donc je suis plutôt libre pour faire plein de choses. J'ai un ou deux albums à finir de compos personnelles, qui sont en suspens depuis des années parce que quelques fois tu ne crois pas forcément dans tes chansons ou elles te plaisent plus et puis peut-être la flemme ? Peut-être pas la flemme mais une espèce de dilettante je sais pas, donc il faut retrouver l’énergie ou un contexte ou quelqu'un comme ce fameux Didier Blanc, au moment des Cinders, où tu n'es pas convaincu par ce que tu fais. Tu te dis : " Ben voilà je viens de sortir d'une histoire qui était exceptionnelle, qu'est-ce que je vais venir faire avec mes trois petits bouts de morceaux quoi ? " Et il y a un type qui vient te dire que non c'est super. Donc je ne sais pas. J'écris des chansons, elles sont plus ou moins bien, tu les fais parce qu'à un moment donné il faut les sortir et puis je sais pas. Peut-être que je ne ferai plus rien, franchement je ne sais pas. Je sais que quand je ne joue pas de guitare pendant quelques jours....déjà que ce n'est pas exceptionnel donc tu vois là il faut quand même que je me bouge un peu quoi. Donc il y a des fulgurances comme ça, pendant plusieurs jours tu restes à bosser. Mais c'est vrai que d'avoir un groupe, par exemple quand tu es dans les Dogs, il y a un travail régulier. Avec Dominique on se voyait toutes les semaines. Ce n'était peut-être pas toujours pour répéter mais c'était pour composer et dès qu'il y avait des activités, on se programmait, on était dans le même sens. On était livré à nous mêmes, il n'y avait pas de management, pas de grosse maison de disque. En gros il n'y avait pas de proxénète derrière nous qui nous organisait le travail pour être sûr qu'on produise, donc il fallait prendre sur nous. Donc c'est bien l'amour de la musique qui fait que tous les jours tu appelles ton copain, tu prends des rendez-vous, tu arrives, tu travailles, tu payes l’essence, le péage. Tu joues parce que tu aimes ça et parce que tu es poussé par quelque chose de vertueux, et parce que tu aimes ça aussi de voir tes potes et de jouer. Donc là après quand tu te retrouves un peu tout seul, parce que aussi tu l'as décidé , parce que les choses se fanent, parce que des fois avec des groupes tu en as marre, tu as envie de passer à autre chose. Bref. Il faut attendre des sollicitations, une nouvelle étincelle, une nouvelle envie. Je me rappelle pour les Belleville Cats, je suis tombé dessus par hasard. Je les ai vu jouer et j'avais hyper envie de jouer avec eux. En l’occurrence avec le basse/batterie d'Olivier, quel pied ! Donc je ne sais pas. Je vais me remettre à mes morceaux , avec Olivier on essaie de jouer quelques trucs. On verra. Et puis je suis disponible. Je dois enregistrer le premier 45 tour d'un groupe qui s'appelle Mercer, qui est un groupe de Marseille, avec l'ancien batteur des Eight Sins à la guitare, Rémy, un style incroyable. Et surtout mon copain Jacques Charbit à la basse, au chant et à la composition, qui est un type fondamentalement à part, avec un batteur aussi très sympa. Pareil, vraiment pas dans l'absolu des dieux de la guitare ou de leur instrument mais quand ils jouent et quand ils font des compos, wow, c'est spécial quoi. Quand tu réécoutes, je sais pas, le Velvet, c'est pas que ça joue bancal mais bon...ou même je parlais tout à l'heure des Goriz mais il se passe un truc quoi. Il se passe un truc. Et la musique n'est pas faite de gens monstrueux à la guitare. On peut s'exprimer et avoir des choses intéressantes à dire sans être un dieu de la musique. Ce sont les projets pour les prochaines semaines, et pareil on enregistrera dans la cuisine. Ha oui je peux quand même le signaler, j'ai un copain, un vieux copain de Saint-Étienne (tu vois on a commencé à Saint-Etienne et on revient à Saint-Etienne) que je n'avais pas vu depuis 30 ans, qui s'appelle Mouss, on répétait dans les mêmes locaux et à l'époque lui et ses potes de la cité ils sont tombés dans les Stray Cats. Et du coup ils sont tombés dans le Rockab et à l'époque ils avaient fait un groupe qui s'appelait les Katmen. Moi j'avais ce premier groupe avec les copains et eux ils jouaient dans les Katmen, groupe de rockab terrible. Mouss il jouait de la contrebasse et personne lui avait appris dans la cité, il avait une volonté inimaginable. Ils partaient en tournée, ils n’arrêtaient pas de jouer et quand il rentrait il avait des sparadraps, il avait des ampoules partout. Un peu rebeu des fois tu vois, donc c'était Stray Cats Harissa ! Super . Et donc ce type, pareil sur Facebook, il poste un truc en disant qu'il vient sur Paris faire une télé. Je lui demande où il vient et il me dit qu'il sera à la Plaine Saint-Denis, à côté de chez moi. Il vient faire l'émission de Jacky. On se revoit, on discute et puis il vient à la maison et il me demande de sortir une guitare. On sort 3 micros et on commence à enregistrer. C'est une espèce de blues, je ne sais pas très bien jouer le blues mais enfin on en joue. Je suis fan d'Hendrix et tous les autres bluesman donc c'est toujours intéressant de faire ça. Et puis de temps en temps, on joue ensemble. Il m'appelle, je descend, on se voit, ça répète moins le quart et on se retrouve à jouer. Là pour le coup ça me sort de ma zone de confort une fois de plus comme avec Naël ou comme avec le Gainsbourg. Quand on faisait le Gainsbourg, ça me force à jouer autre chose et quelque part à me faire progresser. Bon j'ai un copain qui est pianiste de Jazz, qui s'appelle Armel Dupas et lui c'est un dieu vivant. Je ne te cache pas que lui il voudrait faire des trucs avec moi mais moi je ne sais pas. Donc je suis plus dans faire des trucs, des machins que courir après une hypothétique carrière. Faire de la musique. Avec le groupe avec lequel on avait fait le Gainsbourg, j'ai complètement oublié de dire ça, on a fait un album qui s'appelle " Alméria68 " et qui est un album de pop, que j'ai réalisé aussi, enregistrement, mixage etc... C'était un très très bon moment et on a fait un très bel album de pop et qui bien évidemment est resté au fond du carton. Enfin il est sur les réseaux mais malheureusement il y a eu le Covid juste après, on n'a pas tourné, et puis chacun est parti dans ses occupations et on a malheureusement pas pu faire tourner ce truc mais on a bien rigolé. On a fait des morceaux très ambitieux avec quintet de cordes, des cuivres, des vrais cuivres et des vraies cordes mais cela n'a pas été bien loin. Mais l'essentiel c'était de faire le disque. Je pense qu'on est nombreux dans cette situation, à avoir des projets qui viennent, qui partent et puis c'est le hasard des rencontres, des moments. Les Dogs c'était vraiment une parenthèse exceptionnelle et donc aujourd'hui, oui je reste triste et mélancolique mais néanmoins je suis au moins content d'avoir fait ça. Je te cache pas par contre qu'après des fois la vie à moins de goût.
Remerciements
Laurent Ciron : Comme je te disais, parmi les gens qui étaient à la périphérie des Dogs mais qui ont un peu redonné confiance à Dominique, à un moment donné où il trouvait que les Dogs ne pouvaient ne plus être pertinents au milieu de groupes modernes comme Marilyn Manson dont il était fan, il y a eu des gens, et notamment notre premier site internet qui a été fait par deux gars, Guy et Christian, qui étaient des fans et qui sont venus nous voir à un moment donné. Dominique était tout étonné de voir qu'il y a des gens qui passent du temps etc... Voilà on a rencontré des types supers et je voulais quand même penser à eux et les saluer. A l'époque, ils faisaient du super boulot, ils venaient nous voir en concert, ils étaient discrets toujours et pourtant enthousiastes. Supers gars. Bisous les mecs !