mardi 15 septembre 2020

KAZ HAWKINS // interview // Lipstick & Cocaïne // Septembre 2020.


Aujourd’hui, un petit tour pour un voyage au cœur du Blues.
Après 3 albums studio et un live, il est temps pour la sortie de ce nouvel album"Memories Of" de découvrir le parcours de cette belle personne qu'est Kaz Hawkins. 

Tu es née et tu as grandi à Belfast. Petite, tu chantais à l’église et tu étais influencée par ta grand-mère qui chantait à la maison, quels souvenirs gardes-tu de ces premières années, l'adolescence, le lycée, les potes, la famille ?
Kaz : Oui, ma grand-mère a été mon inspiration et la seule qui a soutenu mon talent. Elle se tenait sur mon ventre alors que je m'allongeais sur le sol et me faisait chanter pour développer mes muscles du diaphragme. Je ne me souviens pas de beaucoup de moments heureux en tant qu'enfant / adolescente, donc je n'en parle pas vraiment.

Comment et à quel âge as-tu découvert la musique ?
Kaz : La musique était une évasion, je ne me souviens pas à quel moment j'ai découvert que la musique pouvait m'emmener dans un endroit où j'imaginais être une diva. J'enregistrais les charts le dimanche sur mon magnétophone, puis j'écrivais les paroles encore et encore pour apprendre par cœur les chansons que j'aimais. Ensuite, je répétais devant le miroir avec ma brosse à cheveux, je pense que toutes les filles ont fait ça !

Quels étaient les premières musiques et groupes que tu as découvert ?
Kaz : J'ai découvert les Eagles dès mon plus jeune âge. C'est en écoutant les voix que j'ai appris à harmoniser et à pratiquer différentes voix avec des chanteurs sur d'autres chansons.

Dans ta jeunesse, tu as auditionné pour l'émission de télévision Opportunity Knocks, qu'en gardes-tu comme expérience et souvenirs ?
Kaz : Je me souviens de l'horrible robe de bal sarcelle que ma grand-mère m'a fait porter pour auditionner, je me sentais comme un énorme morceau de gâteau. J'ai chanté la chanson "Secret Love" de Doris Day et le directeur musical a entendu quelque chose dans ma voix. Il a dit à ma grand-mère de me faire écouter Etta James. Je ne suis vraiment tombée amoureuse d'Etta que plus tard, lorsque j'ai redécouvert la cassette que ma grand-mère m'avait donnée.

Suite à une tentative de suicide, tu as révélé les abus dont tu as été victime lorsque tu étais enfant, tes tatouages ont une histoire très forte as-tu envie de nous la raconter ?
Kaz :  Afin de me protéger le mieux possible et poursuivre mon cheminement personnel, j'essaie de m'éloigner de questions comme celle-ci. Je comprends que les gens puissent voir de l'espoir dans mon histoire et c'est d'ailleurs incroyable, mais cela m'affecte, alors je préfère utiliser cette énergie pour présenter la chanson aux fans. Pour que je puisse continuer à être créative, je dois passer à autre chose. Ma vie est tellement différente maintenant que je ne reconnais plus la personne que j'étais. Mes tatouages couvrent ces rappels d'une époque où je me détestais, au moins maintenant, ils sont un art...



Suivent deux années où tu te désintoxiques de la cocaïne et tu commences à créer des chansons avec tes cahiers. Où avais-tu conservé les poèmes que tu as écrit au fil des années ?
Kaz : Il a fallu 7 ans, et encore 2 ans supplémentaires pour revenir à une vie normale. Presque 10 ans de ma vie, c'est une période confuse. J'ai écrit dans des cahiers pendant des années. J'en ai perdu beaucoup, parmi les plus anciens, quand mon ex-partenaire les a brûlés avec beaucoup de mes biens d'enfance, alors j'ai commencé à cacher mes notes au fond des placards et des boîtes.

A quel âge as-tu commencé à écrire tes premières chansons ? Te souviens-tu de la toute première que tu ais faite ? et quel fut ton sentiment au moment où tu as pu fondre tes poèmes avec ta musique?
Kaz : J'ai toujours écrit des poèmes, des mauvais probablement, je ne savais tout simplement pas à l'époque que c'était du talent. Mon premier poème que j'ai écrit vers 10 ans ressemblait à quelque chose comme "Un seau et une pelle, un château de sable, l'eau jaillissant de la mer" très basique. Je me suis toujours sentie connectée à l'eau, ce doit être parce que je suis Verseau.

Pendant 20 ans tu as chanté dans des groupes afin de pouvoir vivre et subvenir aux besoins de ta famille, avant de commencer à créer ton répertoire tu chantais quel genre de chansons? As-tu quelques moments marquants à partager avec nous ?
Kaz :  Je chantais dans des orchestres de mariage et j'avais même un groupe de filles à un moment donné, on chantait beaucoup de chansons féminines, mais c'était surtout des standards d'Aretha Franklin, Dusty Springfield, Elton John, Van Morrison, des classiques... C'était un travail acharné de chanter des reprises dans les pubs et les clubs, ce n'est pas quelque chose qui est mis en avant. Nous faisions partie du mobilier, de la musique de fond si vous voulez. J'ai beaucoup de fans qui datent de l'époque où je jouais des reprises en Irlande, et ce qui me distingue, c'est qu'ils me suivent toujours.

Comment se passent les moments où tu ressens l'inspiration d'écrire et composer des chansons ? Y a-t-il un contexte particulier, des éléments déclencheurs ?
Kaz : Il n'y a pas une seule façon d'écrire. Parfois, je m’assois près du piano, je trouve une amorce puis j'ajoute des paroles. D'autres fois, j'entends de la poésie dans ma tête et je sors mon téléphone pour l'enregistrer. Je viens de créer mon propre studio à domicile, donc j'ai travaillé sur différentes techniques sur les logiciels, en construisant des chansons à partir d'un simple battement puis ajoutant des paroles ou un élément accrocheur. Cela me donne aussi un nouveau regard sur les vieilles chansons que j'avais rangées et abandonnées, donc j'apprends toujours. Les déclencheurs peuvent provenir de n'importe où. Je déteste quand je suis sur le point de passer un appel téléphonique ou sur le pas de la porte et qu'une idée me vient, il faut que tout s'arrête jusqu'à ce que je puisse le noter haha.

Tu as fait 4 album studio et un live, comment s'est passé la réalisation et l'expérience en studio ? Quelle différence entre ton 1er jour en studio pour le 1er titre en 2014 et aujourd'hui en 2020 ?
Kaz : Mon premier album "Get Ready" a été une expérience d'apprentissage massive. J'ai perdu ma maison en essayant de la financer, je n'avais pas les moyens de la louer. J'y ai emménagé avec ma famille mais elle s'est effondrée, alors j'ai vécu dans ma camionnette jusqu'à ce que des amis m'accueillent. C'était un gros risque mais je savais au fond de moi que je devais le faire, mais je n'avais vraiment pas les connaissances que j'ai maintenant. Je pense que grâce à cette expérience, j'ai réalisé que je ne pouvais pas produire seule, donc je choisis toujours les personnes en qui j'ai le plus confiance pour m'aider à concrétiser mes idées. Je suis très fière de mon dernier album "Memories Of", parce que Wayne Proctor a eu une vision authentique de mon émission sur Etta James et a respecté les enregistrements originaux et les auteurs-compositeurs.




Avec cette belle chanson "Lipstick & Cocaine", tu rends un très bel hommage à la police d'Irlande du Nord qui t'a sauvé la vie après une agression très brutale de ton ex-partenaire. Tes textes sont toujours très poignants, n'est-il pas trop difficile certains soirs de les revivre sur scène ?
Kaz : Oui, encore plus maintenant parce qu'il y a tellement de fans à travers le monde qui se tournent vers cette chanson que je me sens parfois le devoir de la chanter pour eux, même si je ne veux pas. C'était un moment très vulnérable capturé dans le temps il y a 3 ans par mon réalisateur Stephen. Parfois, je peux la chanter et ne pas être émue mais lorsque je suis sur scène juste mon pianiste et moi, je peux entendre les gens pleurer dans le public et c'est très dur, ça me fait pleurer quand je les entends. C'est un lien avec eux que nous partageons tous profondément. La chanson ne parle pas de mon ex-partenaire, il ne mérite pas qu'on en parle. Il s'agit des gens qui ont de l'humanité, de l'empathie et qui sont là pour vous rattraper. Il s'agit principalement d'espérer que vous pourrez vous libérer. Ne perdez jamais cet espoir, si vous le faites, les agresseurs gagnent !

En 2017, tu présentes une émission de blues sur BBC Radio Ulster, "Kaz Hawkins Got The Blues" avec du rock du blues à foison, une excellente émission produite par Ralph McLean, comment s'est passée la création et la réalisation de cette émission ?
Kaz : Oui je suis actuellement sur la saison 6, je l'ai enregistrée depuis la France. C'était très étrange car j'ai l'habitude d'être face à face avec mon producteur Ralph. C'est lui qui a eu l'idée de faire une émission de blues et il l'a présentée à la BBC. Ils ont dit oui ! Ce n'était censé être que 6 épisodes et 1 saison, mais je suis très fière d'avoir enregistré autant de saisons pour eux. C'est une excellente façon de rendre hommage au blues qui m'a tellement donné, d'autant que ma musique n'est plus aussi blues qu'avant.

Tu as joué chez nous en France dans des prisons comme Beauvais, dans un institut psychiatrique et un refuge pour femmes près de Limoges. Comment s'est passée la relation avec les patients, les détenus, et quels souvenirs retiendras-tu de ces moments privilégiés ?
Kaz : C'est quelque chose que je n'oublierai jamais. J'ai été invitée par Blues Autour du Zinc à passer la semaine du festival. Avec eux, j'ai visité les écoles et universités françaises de la région pour discuter des besoins en arts et culture. C'était agréable de voir un public aussi jeune répondre à ma musique. Les visites en prison ont été intéressantes car les détenus ont vu l'autre côté de la drogue et les dégâts qui peuvent être causés. Le Buis Blues Festival m'a invitée à chanter pour des patientes de l'institut et aussi d'un refuge pour femmes et c'était très émouvant. J'avais déjà été dans un institut psychiatrique et un refuge pour femmes, alors j'ai vraiment essayé de leur donner de l'espoir et de leur conseiller d'utiliser le soutien qu'ils recevaient déjà des gens formidables qui aident à changer les choses. Nous avons chanté et ri ensemble et c'est l'un de mes plus beaux souvenirs parce que je me sentais si libre, tout le monde discutant ouvertement de la santé mentale.

Après avoir vécu à Belfast puis en Espagne, tu as posé tes bagages chez nous en France, comment se passe ta vie ici ?
Kaz : Je suis tombée amoureuse de la France dès ma première émission il y a 2 ans. Il y a quelque chose d'unique ici. Les Français ont toujours été connus pour être passionnés par la musique, les arts et les causes qui leur tiennent à cœur. J'ai ressenti cette passion lors de ma première visite et j'ai su alors que la France était l'endroit où je souhaitais m'installer. Je ne me suis jamais vraiment sentie chez moi nulle part, donc c'était bizarre de me sentir si à l'aise ici même sans connaître la langue. Vivre en France, c'est comme si je renaissais et j'écris plus que je n'ai jamais écris, car il y a tellement de soutien ici pour les créatifs. Je suis tellement reconnaissante que mes fans français soient heureux que je sois là aussi, ils m'ont adoptée avec amour. J'ai toujours été une citadine et maintenant je vis dans une zone rurale près de Limoges. J'ai trouvé la paix et depuis que je connais mieux la langue, je peux mieux m'intégrer à la vie française. Tout le monde a été très patient avec moi, j'ai du mal avec la langue mais j'essaie d'apprendre des petits bouts maintenant que je ne tourne pas autant avec le Covid.


Aujourd'hui tes goûts musicaux ont-ils changé ? Qu'est-ce tu écoutes aujourd'hui, y a-t-il une chanson ou un album qui reste essentiel pour toi ?
Kaz : Etta James est toujours avec moi, je découvre encore des enregistrements qui m'excitent d'elle. J'ai toujours suivi les femmes, donc j'ai exploré plus d'hommes récemment, Sean Rowe, White Buffalo, Teddy Swims.

Cette année a mal commencé avec l'arrêt brutal et imprévu de tous les concerts suite au coronavirus, comment as- tu vécu cette période de confinement, comment se passaient tes journées ?
Kaz : C'était un tel choc au début. J'étais sur le point de prendre la route ici en France avec mon groupe quand tout s'est arrêté. J'ai paniqué comme tous les musiciens, mais lorsque le choc est passé, il était temps de voir ce que nous pouvions faire. J'étais en train d'enregistrer l'album, alors nous avons tous travaillé pour le sortir plus tôt que prévu. Je me suis dit d'accord, utilisons ce temps pour être constructif et créatif. Maintenant, je suis déjà sur mon prochain album original qui, espérons-le, sortira en 2021, ce qui me tient occupée.

Si tu devais te définir toi-même, quelle serait ta phrase ou ta devise ?
Kaz : Un peu décalée, pleine d'amour et vivant un rêve de diva !

Comment se passe la nouvelle organisation des concerts suite au COVID, distanciation et port de masque, difficile de monter et reporter des dates... Comment vis-tu tout ça ? On espère te voir en concert très rapidement à partir du 5 novembre à Marq en Baroeul et d’autres villes, est-il prévu une date sur Paris ?
Kaz : J'ai hâte de chanter pour vous tous. J'en ai eu un petit aperçu début août avec mon spectacle en duo mais aucun depuis. C'était très étrange de voir le public avec des masques, et je ne pouvais pas faire de câlins après le concert. Prendre des photos avec les fans était très gênant car tout le monde s'efforce de ne pas enfreindre les règles. Je n'ai pas de spectacles prévu près de Paris mais je sais qu'il y en aura peut-être en 2021, je l'espère, mais pour le moment, nous devons tous rester en sécurité et espérer le meilleur.

Pour finir, si tu ne devais conserver que 3 choses : un disque, un film, et un 3ème choix ? Quelle serait ta sélection et pourquoi ?
Kaz : Ma guitare acoustique Breedlove ! Comme ça, je peux toujours faire de la musique. Je ne suis pas une grande cinéphile, je regarde rarement la télévision mais si je devais choisir un film, ce serait "La ligne verte" avec Tom Hanks. Pour le troisième choix, je vais garder mon mari lol, il est assez drôle donc il va pouvoir me divertir haha.


Kaz : Can't wait to see you all on stage. Love to Shooting Idols for this invitation. Love Kaz.x


Th Cattier - Photo : On the Road Again  / David Parenteau / Patrick Bertrand