dimanche 23 août 2020

ERJA LYYTINEN // Interview // Another World // Aout 2020.



Aujourd'hui grâce à Erja Lyytinen, nous allons faire un petit tour en Finlande, avec cette excellente guitariste qui nous fait partager et découvrir son parcours au travers de cette interview.
Place à cette une jeune et jolie blueswoman Finlandaise.

Tu es née à Kuopio en Finlande et tu as passé ton enfance là-bas, quels souvenirs gardes-tu de cette époque, de ta jeunesse ?
Erja Lyytinen. J'ai eu une enfance merveilleuse. J'ai grandi dans une famille de musiciens, avec deux frères. Nous sommes tous très branchés musique et nous faisions des jam-sessions à la maison. Il y avait beaucoup d'instruments différents, de la batterie à tout un système de sonorisation, donc j'ai pu vraiment me plonger dans la musique dès mon plus jeune âge. Un de mes premiers souvenirs est qu'à l'âge de 5 ans, j'ai chanté à la fête de Noël de l'entreprise où mon père travaillait. J'ai reçu 10 marks finlandais en guise de salaire et je me souviens avoir pensé, incroyable de pouvoir gagner de l'argent si facilement, rien qu'en chantant!

Avant de devenir guitariste, quelles étaient tes influences musicales à l'époque ? Quelles sont celles qui t’ont donné envie de faire de la musique ?

Erja Lyytinen. Je jouais dans le groupe de mes parents, donc d'une certaine manière, ils étaient mes premières idoles. J'ai aussi adoré la musique pop des années 80, Madonna, Michael Jackson, et plus tard quand je suis arrivée au blues et aux groupes à guitares, j'écoutais Black Sabbath, Robben Ford, Brian Setzer, Muddy Waters, Koko Taylor et Bonnie Raitt. Ils m'ont tous beaucoup inspirée.


Tu as commencé à jouer de la guitare très jeune à 15 ans, pourquoi cet instrument ?
Erja Lyytinen.  Mon père est guitariste et j'ai naturellement voulu essayer cet instrument. Je suis immédiatement tombée amoureuse de la guitare. J'étudiais le violon classique au conservatoire depuis l'âge de 7 ans et j'ai suivi des cours d'orchestre et de solfège. Donc, quand j'ai commencé la guitare, mes progrès ont été très rapides grâce à tout ce que j’avais appris avec le violon. J'ai tout de suite commencé à jouer avec mes parents et nous avons donné des concerts en Finlande.

Très vite tu as composé tes chansons, te souviens-tu de tes premières créations ?
Erja Lyytinen. J’ai commencé à écrire mes propres chansons environ une semaine après avoir commencé la guitare. C'était tellement naturel et facile ! Je chantais tout en jouant, une vraie passion !  Ma première chanson avait 3 ou 4 accords, c’était une chanson très simple, en finnois. Elle n’est jamais sortie... Peut-être que ce serait le bon moment maintenant ! (rires)

En 1997 tu pars pour un an en Suède étudier à Malmö Musikhögskolan, que gardes-tu de cette époque ?
Erja Lyytinen. Avant de déménager en Suède, j’avais déjà attrapé le virus du blues. En Suède, mon amour pour le blues est devenu plus profond. J'ai pu étudier la guitare blues, et j'ai pris des cours de guitare jazz et joué dans un orchestre de guitare électrique dirigé par Bo Sylven - c'était incroyable et j'ai fait de mon mieux pour apprendre tout ce que les professeurs me demandaient. Je me souviens avoir étudié des chansons comme "Little Wing" de Jimi Hendrix et "Hide Away" de Freddie King. J'ai également suivi des cours de piano et de chant jazz. J'ai eu la chance d'étudier dans le monde entier avec des professeurs extraordinaires !

Puis tu es retournée en Finlande à la Sibelius Academy, où tu étais la première femme à étudier la guitare électrique en tant que majeure…
Erja Lyytinen. J'ai commencé mes études à la Sibelius Academy en 1998. Au début, il était très difficile de se concentrer sur le programme, car à cette époque, il fallait apprendre beaucoup de musique classique. J'apprenais donc la théorie de la musique classique, l'analyse de la musique classique, l'histoire classique, le chant classique… Alors que je n’aspirais qu’à jouer de la guitare électrique rock'n'roll ! Donc très rapidement j’ai joué dans 5 groupes différents. Je pouvais faire un concert tard dans la nuit, puis me lever tôt pour les cours… c'était difficile. J'ai aussi été choisie comme chef de groupe et guitariste à la télévision à l'été 1999. Ils cherchaient des instrumentistes féminines pour monter un groupe entièrement féminin, qui jouerait dans le programme d'été de la télévision nationale. J'ai eu la place de guitariste et de leader du groupe, et nous avons fait tout l'été à la télévision. Certaines émissions étaient en direct, j'ai beaucoup appris sur la production télévisuelle à l'époque. J'ai aussi finalement obtenu mon diplôme de la Sibelius Academy en 2010, mais pendant ces 12 années «à l'école» j'ai signé 2 contrats, sorti 6-7 albums et étudié aussi à Copenhague et Los Angeles, en plus j'ai donné des concerts avec mon groupe en Europe. Donc, pas étonnant qu'il ait fallu 12 ans pour obtenir mon diplôme, haha ! J'ai écrit ma thèse de musique sur Son House et le delta blues, qui était vraiment fascinant.








En 2002 tu publies ton 1er album "Attention" quelle souvenirs gardes-tu de tes premier pas en studio d'enregistrement?
Erja Lyytinen. Nous avons enregistré "Attention!" dans un petit studio, construit dans un ancien entrepôt. Ce n'était pas un endroit très propre et je me souviens qu'il y avait un panneau «attention au poison anti-rats» dans la cabine où était mon ampli de guitare. Le groupe avec lequel je jouais s’appelait “Dave´s Special”. C'étaient des gars super adorables et c'était très excitant pour nous tous de pouvoir enregistrer. À l’époque, les gens n’enregistraient pas chez eux, il fallait «aller en studio», c’était très important. Je me souviens que nous avions amené des trucs comme des chaînes et des boîtes métalliques, pour ajouter des bruits de casseroles à un morceau intitulé "You Talk Dirty". J'ai toujours tenté des expériences ! Malheureusement, le batteur du groupe est décédé juste avant le coronavirus, et beaucoup de souvenirs de cette époque me sont revenus à l'esprit. Mes premières années ont vraiment été intéressantes et elles sont les bases de ce que je fais aujourd'hui.

Tu enregistres tes albums dans des endroits très éloignés, du studio Seasound à Helsinki et au fond du delta du Mississippi. Quelles sont tes expériences de studio et ta façon de travailler en studio?
Erja Lyytinen. Tous les studios où je suis allée étaient très différents. Enregistrer dans le Mississippi pour la première fois était tellement excitant, l'atmosphère, le son, l'ambiance et l’environnement...
Tout était si différent de ce que j'avais vécu. Mon ex-partenaire et moi possédions également un studio pendant un temps (Seasound) et je me souviens avoir aimé enregistrer là-bas, avoir tout le temps et l'espace disponibles. Nous avons enregistré "Voracious Love" dans ce studio.
J'ai fait venir un trio de violon, et des invités comme Marco Hietala de Nightwish et Paavo Lötjönen d'Acopalyptica ont collaboré à l'album. Puis l'enregistrement à Londres, j'ai tout simplement adoré ! J'avais le producteur Chris Kimsey avec moi pour mixer l'album, et j'ai adoré l'atmosphère anglaise et toute l'histoire de leur musique.
Nous avons enregistré dans State of The Ark Studio, où des artistes comme Tina Turner ont enregistré. Nous avons également mixé l'album avec une console que Chris a utilisée lors du mixage des Rolling Stones.
Travailler en studio est très intéressant, et les méthodes varient tellement en fonction du studio et de l'offre technique. Il m'a fallu des années pour me mettre à l'aise en studio et aujourd’hui, enregistrer en studio est plus facile que jamais.
J'aime aussi enregistrer beaucoup d'overdubs dans mon propre studio à Helsinki. Lors de l'enregistrement d’«Another World», j'ai appris à utiliser Pro Tools et j'ai fait la plupart des voix et des guitares moi-même et j'ai été très heureuse de la façon dont tout cela est sorti.

En 2005 tu participes à la tournée Blues Caravan en Finlande, Comment s’est passé ta rencontre avec Thomas Ruf du label allemand Ruf Records ?
Erja Lyytinen. Je travaillais sur mes nouvelles chansons en studio, quand j’ai reçu un coup de fil d'un promoteur. Thomas Ruf avait amené sa Blues Caravan en Finlande, il avait entendu parler de moi et voulait me rencontrer. Donc, en quelques heures, je me suis retrouvée sur scène à Helsinki en train de jouer avec Ana Popovic, Candye Kane et Sue Foley. Ce fut un tournant dans ma carrière. Thomas m'a proposé un contrat d'enregistrement et m’a ouvert les portes des scènes internationales.

Tu as fait les premières parties de Robert Plant, Focus et Tom Jones, et tu as joué avec Joe Bonamassa, Jennifer Batten,  Sonny Landreth et Carlos Santana... Pourrais-tu nous faire partager quelques souvenirs de ces premières parties ? As-tu gardé des liens avec les artistes que tu as rencontrés ?
Erja Lyytinen. J'ai eu la chance de rencontrer ces guitaristes et groupes incroyables et de partager des scènes avec eux. Ils ont tous été si différents et c'est une pure joie de se souvenir de ces moments.
Nous restons en contact avec certains des artistes que j'ai rencontrés et avec lesquels j'ai travaillé, ce qui est très bien aussi. Quand j’ai commencé à jouer de la guitare, j'écoutais Santana et Sonny Landreth, et maintenant je partage les scènes avec eux ... j'ai l'impression que mes rêves sont devenus réalité.

Comment se passent les moments où tu ressens l'inspiration d'écrire et composer des chansons ? Y a-t-il un contexte particulier, des éléments déclencheurs ? 
Erja Lyytinen. Pour moi, une émotion est toujours l’élément déclencheur pour écrire une chanson. La plupart des chansons parlent de mes sentiments, d'incidences dans ma vie ou de choses que j'ai vues ou vécues. L'écriture de chansons est un excellent moyen de se libérer de ses démons et de ses peurs intérieures.

Aujourd’hui tu joues sur une guitare Blue GFL, A-SATZ 3, as-tu d'autres guitares et te souviens-tu de ta première guitare ?
Erja Lyytinen. Ma première guitare électrique était une Aria Pro2.
Elle avait un manche épais et un son chaud. Aujourd'hui, j'ai une vingtaine de guitares, de Fender Stratocasters à Tokai et Gibson, et plusieurs guitares custom.
J'ai aussi une guitare à résonateur de chez HOS Guitars et quelques guitares fabriquées par le luthier finlandais Ville Tyyster. Il y a quelque temps, Ruokangas m'a également fabriqué une guitare signature appelée "Queen".
La Sparkle blue G&L est avec moi depuis toujours et c'est probablement la guitare la plus chère à mon cœur car j'ai joué tous mes concerts internationaux avec.
Lorsque je suis sur scène, j'ai généralement environ 5 guitares avec moi, car certaines d'entre elles sont en open tuning pour pouvoir jouer de la guitare slide dans différentes gammes.

Comment est la scène blues en Finlande ?
Erja Lyytinen. Le blues est assez populaire en Finlande. Nous n'avons pas de clubs de blues, mais généralement pendant l'été, tout le pays regorge de festivals de blues, des plus petits aux plus grands. Nous avons aussi des groupes de blues et des artistes de blues qui jouent à l'étranger tout le temps.

En 2009, nouvelle tournée avec Ruf's Blues Caravan. Les groupes qui partagent l'affiche avec toi étaient Joanne Shaw Taylor et Oli Brown, comment se sont passées les relations entre vous?
Erja Lyytinen. En 2009, Joanne et Oli étaient à la fois jeunes et enthousiastes et débutaient avec Ruf Records. Je me souviens des fêtes et des super concerts. Nous voulions tous réussir.






L'album "Stolen Hearts" en 2017 a été produit par Chris Kimsey, qui a été le producteur des Rolling Stones, comment s'est passée cette collaboration?
Erja Lyytinen. J'adore simplement Chris Kimsey. Il est tellement professionnel, gentil et concentré.
J'ai eu beaucoup de chance de l'avoir sur l'album, et la réalisation de "Stolen Hearts" a vraiment eu un impact important sur ma carrière.
Chris a tellement d'énergie ! Je suis moi-même un peu accro au travail, mais je vous le dis, il pouvait travailler toute la nuit, alors que moi j'avais déjà un œil fermé... C'est l'une des personnes qui a des normes de travail et une éthique les plus élevées que je connaisse.

Tu as tourné un peu partout dans le monde et notamment en Inde en 2017 as-tu déjà constaté une différence entre le public Finlandais, Américain, Européen ... Français, Allemand ou autres ? Gardes-tu quelques anecdotes sur tes concerts européens ?
Erja Lyytinen. Lors de tournées à travers le monde, il y a une similitude : il y a toujours des fans de blues, où que vous alliez ! Le comportement du public dépend un peu aussi si vous êtes dans une salle de concert avec un public assis ou dans un festival ou un club avec un public autorisé à boire et à faire la fête. Nous avons joué dans quelques salles de concert en France l'année dernière, que nous avons tant aimées ! Le public français peut être sophistiqué, mais en même temps très bienveillant. J'adore aussi jouer en Allemagne et en Espagne. L'année dernière, nous avons également joué quelquefois au Canada et nous avons adoré l'ambiance là-bas aussi. Certains endroits peuvent être surprenants, comme un festival dans une petite ville quelque part dans l'Oural ! La première fois que j'ai visité la Roumanie, nous avons joué pour 8 000 personnes, c'était aussi une belle expérience.

Aujourd'hui, tes goûts musicaux ont-ils changé ? Qu'est ce tu écoutes aujourd'hui ?
Erja Lyytinen. J'écoute toujours les mêmes groupes. J'aime surtout écouter du rock et du blues. Dernièrement, j'ai réécouté mes vieux vinyles et trouvé d'anciens albums de groupes comme U2, Focus, Red Hot Chili Peppers. Je suis aussi une grand fan d'Eric Johnson et d'Eric Gales, deux guitaristes différents avec une musicalité si énorme !

Ya til un artiste ou un groupe avec lequel tu aurais rêvé de jouer ?
Erja Lyytinen. Si ce jour arrive, j'adorerais partager la scène avec Buddy Guy. J'aime vraiment la façon dont il est sur scène et partage son amour et sa musique avec le public.

Comment avez-vous géré avec le groupe la crise sanitaire ?
Erja Lyytinen. Lorsque le Corona est arrivé, nous avons dû reporter et annuler environ 50 spectacles. Nous avons fait quelques excellentes émissions en streaming.
L'une d’elles était assez spectaculaire, car nous l'avons diffusée depuis le toit de Novapolis, à 65 mètres au-dessus du sol. Il est disponible sur Youtube.com/erjalyytinenOfficial.
Environ 3600 personnes ont regardé ce concert en direct, et aujourd’hui environ 97 000 l'ont déjà vu.
Nous avons également commencé à travailler sur mon song-book, avec les solos de guitare et les tablatures, il sera disponible d'ici la fin de l'année.
Nous avons également enregistré un de nos concerts en streaming, un album live sortira bientôt.
Nous avons essayé d'être actifs et d'être le plus possible en contact avec les fans, mais les tournées nous manquent vraiment. Je suis cependant optimiste et une fois que voyager sera à nouveau possible, je suis sûre que tout le monde appréciera vraiment de pouvoir profiter de la musique ensemble, tout près les uns des autres !

Qu’est-ce que tu aimes faire lorsque tu ne joues pas ? Quels sont tes passe-temps ?
Erja Lyytinen. J'ai des jumeaux âgés de 6 ans, qui me tiennent occupée quand je ne travaille pas. J'aime aussi courir, alors je fais du jogging 2 à 3 fois par semaine.
J'aime aussi la randonnée, et mes copines et moi avons récemment parcouru 50 km en 4 nuits avec des sacs à dos de 17 kg. Profiter de bons petits plats entre amis est aussi un bon moyen de passer son temps libre, comme le font les Français ! ;)

Quels sont tes projets, un nouvel album est-il prévu ? Une tournée Européenne à venir ?
Erja Lyytinen. Nous prévoyons de sortir un album live à l'automne 2020.
La version anglaise de mon autobiographie "The Blues Queen" sort. Mon song-book également, que je voulais faire depuis longtemps.
Nous avons des concerts prévus pour 2021 en Europe, j'espère que cela se produira !

Si tu devais te définir toi-même, quelle serait ta phrase ou devise ?
Erja Lyytinen. Une artiste

Pour finir, quelle serait la seule chose que tu ne voudrais conserver ?
Erja Lyytinen. Facile, je garderais bien sûr une guitare ! La guitare ne se plaint jamais et ne s'use jamais, elle vous tient compagnie quand vous êtes seul, vous pouvez raconter des histoires, divertir d'autres personnes ensemble, vous pouvez apprendre avec la guitare et peu importe combien de temps vous pratiquez, vous ne serez jamais prêt. C'est donc un passe-temps sans fin, et donc pour toujours. L’objet parfait !





Th Cattier - Photo : Collection Erja Lyytinen.