A l'occasion de la sortie ce mois ci de "Mean, Mean, Mean" de Alain Chennevière & The Alligators, voici pour nous l'occasion de vous offrir une interview avec Alain qui se replonge pour nous dans ses souvenirs et évoque le chemin parcouru au fil de ses nombreuses années de carrière, nous offrant au passages quelques savoureuses anecdotes.
Entrez dans la confidence et prenez autant de plaisir à la lire que nous en avons eu à la faire avec ce grand Monsieur qui a bercé nos meilleures années.
Tu es né et tu as grandi à Falaise (Calvados). Comment s'est passée ta jeunesse?
Alain : Je suis né à Falaise, mais j'y suis resté que deux ans. Ensuite, on a bougé deux ou trois fois entre Louviers et les Jonquerets-de-Livet, près de Bernay, pour arriver en 1965 à Douvres la Délivrande, entre la mer et Caen. C'est là que je suis resté jusqu'à mes dix-huit, dix-neufs ans. Ecole primaire à Douvres la Délivrande, tranquille. Déjà, dès le début, j'ai jamais trop fait d'effort. On disait toujours : "Si Alain voulait, si Alain voulait!". Je faisait me minimum pour que ça passe. Je m'intéressait au dessin, à l'histoire-géo, au français, plus tard à l'anglais. Je ne m'intéressait pas au sport, ni aux maths, et ça a duré jusqu'au bac. Ensuite collège et lycée Malherbe à Caen, dans les années soixante-dix, et c'est là que l'on découvre, avec mon frère, la musique. D'abord la pop musique, les Beatles, et tout ce qui va avec, et puis un peu plus tard, en soixante et onze, je découvre le rock'n'roll à travers Gene Vincent.
Enfance tranquille, mes parents, petits commerçants, un frère et deux soeurs.
Quelles ont été tes premières découvertes musicales, tes premières influences et tes idoles ?
Alain : Mes premiers souvenirs, à deux ou trois ans, c'est maman dans le salle de bains, qui écoute la radio, il y a Henri Salvador avec "Le lion est mort ce soir", il y a "Les comédiens". Ce sont les deux premiers souvenirs, quand je suis vraiment tout petit. Dans les années soixante-huit, soixante-neuf, avec mon frère Bertrand, qui a un an de plus que moi, on commence a voir a la télé, à entendre des sons plutôt sympa. Il commence à jouer de la guitare. On découvre les Beatles, Simon and Garfunkel, Deep Purple, tout ce qui se fait à l'époque, le festival de Woodstock, Jmimi Hendrix, et on achète tout ça. Je commence à collectionner les vinyls, et on commence avec Bertrand à chanter tous les deux les Beatles, Simon and Garfunkel. Et là on arrive en soixante et onze, où parallèlement à ça, je découvre grace à Albert Raisner, un pionnier du rock'n'roll, Gene Vincent qui vient de mourir. J'ignorais tout du rock'n'roll d'avant. Et là, c'est un des plus gros chocs de ma vie. Dans les jours suivants, je commence à chercher partout qui est ce mec, qu'est ce que c'est que cette musique. Et en fait, je me rends compte que quand j'écoutais les Beatles, ils chantaient "Matchbox", ou quand j'écoutais les Stones, ils chantaient "Oh Carole". Il y avait derrière d'autres musiciens, qui avaient créé tout ça. Je commence à découvrir et à rechercher tout ce qui est rock'n'roll fifties, pionnier, à acheter des vinyls qui trainent encore sur les marchés. J'ai encore et toujours les cheveux longs, je porte des colliers afghans, des signes de la paix, des Clarks. On est en pleine babacoolitude, mais je découvre le rock, et au lycée, à la MJC, j'apporte déjà des disques de Carl Perkins. Mes copains me disent : "C'est quoi ce truc, c'est pourri". Je commence à chanter ça avec Bertrand, on apprend du Buddy Holly, des Everly Brothers, à ajouter ça à notre répertoire. On va jusqu'en soixante-seize; où là enfin je me coupe les cheveux, et j'assume. Je suis un rocker.
Comment t'es venue l'envie en 1976 de monter un groupe avec ton frère Bertrand ?
Alain : En soixante-seize, c'est pas le premier groupe, puisque j'avais déjà chanté sur scène avec Bertrand en soixante-treize, en duo, guitare voix, avec un répertoire très mélangé. Il y avait Simon and Garfunkel, Leonard Cohen, les Beatles, et Buddy Holly ou les Everly Brothers, et aussi du Pete Seeger, du folk américain. Tout ça ce sont vraiment mes racines. et donc de soixante-treize à soixante-seize, il y a eu plusieurs groupes, et puis petit à petit, en soixante seize, il y a le pub rock, les punks, qui poussent la porte, on a un retour au rock'n'roll, on a eu Au bonheur des Dames, qui a fait beaucoup de bien. Donc je monte des espèces de groupes. J'ai monté un groupe pour faire un seul concert, à la MJC du Lycée Malherbe, c'était Rocky Roberts et ses Chiens de Prairie, avec mon copain Momo qui est bassiste, on fait beaucoup de hard-rock, de Johnny, de blues. Et à un moment, j'y tiens plus, il n'y a pas de groupe de rock'n'roll, personne joue cette musique que j'aime, donc on va monter un groupe, avec Momo à la basse, Bertrand, mon frère à la guitare, qui est un extraordinaire guitariste de rock'n'roll, même s'il le sait toujours pas, René à la basse, et ùon copain de lycée, Pascal au piano d'abord, puis à la batterie. Les Alligators en soixante-seize voit le jour.
D'où vient le nom "Les Alligators"?
Alain : Ca vient de "See you later Alligator". Ca vient du jargon du jazz, je crois, où un alligator, c'était un mec à la cool, un mec branché. Les rockers se sont approprié ce mot. Je trouvais que ça sonnait bien, que c'était joli quand c'était écrit, que c'était aussi bien français que anglo-saxon, et que ça pouvait donner lieu à des images, voire une collection intéressante.
Vous signez avec Big Beat, comment s'est passée la rencontre?
Alain : Entre 76 et 79, on tourne beaucoup en Normandie, on va jusqu'à Villefranche du Rouergue, on se fait un peu connaître. Moi, j'envoie une bio, pas du son, parce qu'on a pas de son à l'époque, au magazine "Jazz, Blues and Co", qui me font le plaisir dans le prochain numéro de faire un article. Et puis, je suis en contact avec le magazine Big Beat, Alain Malaret, tous ces gens-là, qui commence à faire de la pub, qui me font faire aussi des dessins pour certains articles. A cette époque-là, j'ai passé mon bac, je suis à Trouville, je travaille dans un studio de bandes dessinées, et un jour, j'ai un coup de fil de Patrick Verbeke, que je connaissait, puisque c'était un des grands de la région. J'étais un gamin et lui c'était un peu une idole pour nous. Il me dit que son pote Jacky Chalard monte un label de rock'n'roll. C'est assez inespéré. On vient de faire un 45 tours autoproduit, tiré à 3000 exemplaires. La première rencontre avec Jacky, ça s'est fait à Paris, chez lui, mais je me souviens de son premier coup de fil. J'étais à Trouville. On a très vite signé, on a très vite fait l'album, en 2 jours, à Davout, mix compris. Des fois ça s'entend, mais ça a son charme. C'était le début de la carrière vraiment nationale des Alligators.
En 1980 vous faites la première partie d'Eddy Mitchell à l'Olympia, raconte nous ça ?
Alain : En 1980, l'album est sorti depuis déjà quelque temps, on a fait pas mal de télés, déjà, on a une exposition, une audience un peu nationale. On tourne beaucoup en France, à l'époque, il y a beaucoup de petits clubs. Dans toutes les régions, il y a des boites de nuit, des clubs, et ils faisaient des concerts. Ils recevaient des groupes de rock, je crois que ça n'existe plus vraiment. On a fait les Macumba, le Diam's à Périgueux... et on est sous contrat avec Jacky Chalard, qui s'occupe de nous, avec Jean-Jacques Astruc, qui est notre manager, à qui je rends hommage ici, parce qu'il est toujours parmi nous, et on a la chance de se fréquenter toujours. Et Jacky, qui a ses antennes, sait toujours trouver ce qu'il veux, et arrive à ses fins.. Quand la porte est fermée, il passe par la fenêtre, et vice-versa. Il était pote avec des gens des éditions You You Music et des gens qui travaillaient avec Eddy Mitchell. Un jour, il nous dit qu'il va proposer à Eddy Mitchell qu'on fasse le lever de rideau de son Olympia de l'hiver 80. Les tractations, les "pourquoi", j'ai un peu oublié, mais quand on est arrivés le jour même de la première, il était question que l'on joue sans sono, pour faire comme à l'époque. Là, il y a eu un peu de grincements de dents, on a réussi à passer sur la sono. La formule de l'époque à l'Olympia, c'est déjà la troisième formule des Alligators. Bertrand, mon frère n'est plus là. Il y a donc Marc Periz à la guitare solo, Pascal Periz, son frère à la guitare rythmique, Gilles Cantini à la basse, et Pascal Hervé à la batterie. Quand on fait cet Olympia avec Eddy Mitchell pendant un mois, en 80, on a déjà fait deux ou trois Olympia. On a fait le festival Big Beat, un avec Vince Taylor, on connait déjà la salle de l'Olympia, mais on est contents de passer par la grande porte avec Eddy. Il y a Richard Gotainer en première partie, ensuite il y a l'entracte, quand les gens reviennent, le rideau est fermé, sur le tout devant de le scène. On fait vraiment le lever de rideau. Le rideau s'ouvre, et on est alignés entre le bord de la scène et l'autre rideau. On fait quatre ou cinq titres des Chaussettes Noires, et des titres qu'on a enregistrés spécialement pour l'occasion, sur le 45 tours "Les Alligators chantent Les Chaussettes Noire". C'est un mois extraordinaire. Je ne passe pas rue Caumartin sans penser à des moments, des images. Pour un mec de 18 ans, se retrouver là, à écouter derrière le rideau Eddy faire ses chansons, toute la soirée, avec les musiciens qui l'accompagnent, c'est extraordinaire. Les rencontres avec Mort Shuman, Johnny, et puis plein d'autres, Annie Cordy. C'était vraiment un mois incroyable.
En 1984, la séparation du groupe, Que s'est-il passé?
Alain : Courant 84, ce n'est plus du tout le même groupe que en 80. Par exemple, il reste que moi, parce que c'est mon groupe, et Marc Periz à la guitare solo. A l'autre guitare, il y a Rudy Muller, qui nous a quitté malheureusement, il y a quelques années, Maurice Mathias à la batterie, et Sylvain d'Almeida à la basse. C'est vraiment la dernière formule des Alligators. J'ai commencé le groupe en 76, on a initié, avec Tony Marlow à Paris la vague du rockabilly des années 80. On a tout connu, on a été assez loin dans le succès, avec l'Olympia, toutes les grosses télés, on a été jusqu'en Angleterre, où l'on a eu la chance de faire un concert, un festival avec Les Blue Caps, le groupe de Gene Vincent. On a été en Espagne, on a beaucoup, beaucoup écumé. Et puis, le monde change autour de nous, la mode est passée, et puis je suis un peu fatigué de ça. Pas de la musique, mais j'ai envie de m'exprimer autrement. Ca s'arrête un peu comme ça, sans heurts, sans grincements de dents., d'un commun accord.
En 1989, vous formez le groupe "Pow Wow", un vrai changement de style?
Alain : Fin 89 début 90, effectivement, JE forme Pow Wow. C'est à dire que entre les Alligators 84 et là, on est en 89-90, j'ai passé toutes ces années-là, à faire beaucoup de bandes dessinées, beaucoup de dessins, et tous les soirs, j'allais chanter place de la Contrescarpe, à Paris, avec mon ami Jacky Guérard, qui lui aussi nous a quittés. Jacky est pianiste, il raconte des histoires drôles, et moi je l'accompagne à la batterie, et je chante avec lui. On fait Le Requin Chagrin, et après, on va chez Félix. Toutes les nuits. C'est comme ça que je gagne ma vie à cette époque là. Ca marche vachement bien, il y a plein de copains qui viennent, tous les potes viennent faire le boeuf. Ahmed, que j'ai connu quand les Alligators chantait en Savoie,étaient venu en concert, est monté à Paris. Il chante aussi dans le coin de la Contrescarpe, donc il vient souvent faire le Boeuf. Il y a Olivier Giraud, ex-Teen Cats et ex Casanova, qui est pas encore parti au Texas, mais qui vient aussi faire le boeuf, bref, Le Requin Chagrin et Chez Félix, c'est un peu un laboratoire où on chante tous. On chante des Beatles, Paul Anka, enfin tout ce que tu veux, et moi, j'ai toujours adoré cette musique, que mon frère m'a appris à harmoniser. J'ai vraiment envie un jour de monter un groupe vocal. Au Requin Chagrin, je rencontre quelqu'un qui habite à coté, ça doit être en 85 ou 86, qui s'appelle Christophe, qui est plus jeune que moi, qui est batteur, et qui travaille dans la pub. Il cherche une voix rock, pour faire une pub pour le Rasoir Tracer de Philips. Il m'embauche, je fais la séance avec lui, et puis il me dit, on a qu'à faire un groupe. Donc je saisis l'occasion, pour essayer de faire un groupe de rock, toujours, mais plus dans l'air du temps, plus d'actualité, en oubliant le coté très pionnier. On monte un groupe. Ca s'appelle Alain et les Martiens, et puis je commence à faire des chansons, on fait des reprises, on travaille avec pas mal de gens, on fait des maquettes. Ca dure un bon moment, on enregistre beaucoup, beaucoup de trucs, mais èa fonctionne pas. J'ai des cassettes, il y a des super trucs, mais ça fonctionne pas. Les Martiens veulent pass décoller. Et un jour, avec Christophe, on va voir le film "Cry baby" de John Waters avec Johnny Depp, qui se passe dans les années fin 50 début 60, où il y a plein de Doo wop, et plein de rock'n'roll. Et Christophe, en sortant me dit Les Martiens, ça marche pas, appelle tes potes chanteurs, tu vas faire ce que tu fais au Requin Chagrin, au moins tu fais le groupe dont tu as envie, au moins on va s’amuser, et moi, je serai le manager. Super, on s'imagine qu'on va s’amuser, que ça va être sympa, qu'on va faire le New Morning une fois par an, au mieux, mais pas plus. Vraiment un truc de plaisir. J'imagine tellement pas que va me prendre beaucoup de temps, que les copains que j'appelle, c'est Kent, JP des Innocents, et peut-être Tony Marlow. J'appelle des potes qui ont des groupes, ou qui font de la musique. Et je sais qu'ils aiment ça, et ça pourrait être une récréation. Tous déclinent parce qu'ils sont tous pris. Il se trouve que Pascal, ex Alligator revient à Paris pour essayer de passer un examen pour être infirmier psychiatrique, qu'il aura pas, Ahmed est dans le coin, et on cherche un quatrième. Olivier, ex Casanova, qui a une voix merveilleuse, ne peut pas parce qu'il est en train de partir pour Austin, et donc on passe des annonces dans Libé. Il y a des gens qui arrivent, on a auditionné deux jeunes filles, pas mal de gens, et à un moment, on trouve quelqu'un qui s'appelle Bertrand, qui est sympa, qui a un bon look, qui a une belle voix, qui est disponible. Et un autre, aussi, Michel, qui venait de Pologne, ou d'Europe Centrale, qui vivait en France, qui chantait bien aussi, qui chantait ténor, donc on commence, on est cinq. On commence à répéter. Jusqu'au jour où ce cinquième dit à Ahmed, en répétition, qu'il ne peut pas atteindre la note, qu'il y a que lui qui puisse le faire.
On s'est regardé, et c'était fini pour lui. et on s'est retrouvés à quatre, et on a continué à répéter, avec Christophe, le batteur des Martiens qui commence à nous trouver des petits concerts par ci par là. Il a un petit camion, donc il peut nous trimballer. On commence grâce à lui à enregistrer des maquettes, à aller voir des maisons de disques. On est fin 90-91. Ca commence un peu à parler. On fait des festivals de rock, on fait le festival de la ville de Le Blanc, avec Little Bob, Paul Personne, on fait plein de trucs comme ça. Et ça commence a faire du bruit comme ça, en tout cas dans le milieu musical, rock'n'roll. J'ai plus tous les détails, mais, on est à la veille de signer avec Warner, qui a décidé de sortir "Le lion est mort ce soir" en premier single, parce que c'est moins risqué. On est aussi dans les petits papiers de Marc Lumbroso, Remark Records, qui est très tenté aussi, mais, il hésite encore. On fait la première partie de Screaming Jay Hawkins à l'Elysée-Montmartre, Warner est là avec le champagne, parce que le lendemain, on signe. Quand on sort du concert, et que l'on passe devant les gens, le patron de Warner dit à Marc Lumbroso, un peu en rigolant, tu as vu, ils sont bien les petits, mais tu vas voir, la suite c'est bien aussi. Genre, les petits, c'est pour nous. Ca a énervé Marc, qui a appelé son avocat, avec qui on s'est mis d'accord très vite, parce que lui était d'accord pour sortir "Le chat", notre titre, avant "Le lion est mort ce soir".
Comment as-tu vécu cet immense succès ?
Alain : A partir de l'instant où l'album est sorti, et où "Le Chat" a commencé à être diffusé, on a commencé à faire une tournée promo en province et dans toutes les radios, et chez tous les revendeurs de musique. Ca a été une trainée de poudre en France. C'était incroyable. On a vendu plus d'un million en moins d'un an. Ce qui était jamais arrivé. Parallèlement, je suis en couple de façon sérieuse depuis assez peu de temps,. Très vite, il y a un bébé qui va être mis en route. Tout ça en même temps, c'est assez incroyable.
Pendant trois quatre ans, on a pas eu le temps de vivre le truc. On bossait, on bossait, on bossait. On faisait des promos incroyables. Je me rappelle que dans les taxis, je m'endormais tout le temps pour récupérer, d'une promo sur l'autre. D'autant plus, que je tenais à assurer ma vie de famille, et que je rentrais avant les autres, pour m'occuper de ma femme et de mon bébé. En même temps, j'avais 33 ans, quand c'est arrivé, j'avais eu le temps de faire plein de choses avant, un peu approché le succès avec les Alligators. Tous les quatre on avait déjà un certain age, on n'était pas des teenagers, et on avait plutôt la tête froide. C'est quand ça a commencé à se calmer qu'on s'est retournés, et qu'on s'est dit "Cest fou!". Toutes proportions gardées évidemment, quand je vois McCartney qui parle de la Beatlemania, qui dit qu'on était tous les quatre, entre nous et personne savait ce qui se passait pour nous. A notre petite échelle, il y avait un peu ça. On se retrouvait dans des situations incroyables, et on ne pouvait en parler, ou comprendre qu'entre nous quatre. Ca a été extraordinaire, jusqu'au moment où c'était tellement fort, et imprévu. J'ai monté ce projet pour le fun, et peu être que le succès était dû à l'innocence du projet. Mais le lot de bonheur apporte quelquefois en contrepartie des problèmes qui vont arriver entre nous, des questions de choix musicaux, et ainsi de suite. Mais, je suis très heureux d'avoir vécu ça, et les Alligators.
Il y a eu plusieurs formations de Pow Wow?
Alain : Oui. Il y a eu la formation historique initiale de Pow Wow, entre fin 89 et 98, avec tout le succès que l'on connait, les deux Victoires de la Musique, les disques d'or et de diamant. En 98, on s'est séparés, juste avant de se fâcher. Ca marchait un peu moins, on n'avait pas fait de tubes depuis un moment, même si on continuait à sortir de bons albums. On s'est dit on fait un break, chacun va s'exprimer de son côté, et puis on se retrouvera un jour ou l'autre. Un an ou deux après, j'ai propose à Ahmed de faire un duo de reprises de gospel music, qui s'appelait "Rockspell". On a fait quelques beaux concerts, quelques belles maquettes. Ahmed et moi, on chantait, on était accompagnés par Philippe Almosnino, Arnaud Dunoyer de Segonzac au piano, Laurent Vernerey à la basse, Denis Benarosh à la batterie. Ca pouvait être pire!. Mais à ce moment-là, Ahmed a été appelé par "Les Dix Commandements", donc, ça s'est arrêté. Et jusqu'en 2005, où Marc Maret qui était notre deuxième manager, nous dit que c'est peut-être le moment de vous reformer, pour refaire un bel album, des tournées. Donc, on s'appelle tous les quatre, les petits bobos sont un peu oubliés, et on se dit pourquoi pas? Sauf que Bertrand n'a pas tellement envie. On se met d'accord avec lui, on appelle un jeune chanteur qui s'appelle David Mignonneau et qui est libre. On répète, on fait un album, Marc Lumbroso est OK, il nous signe à nouveau. On fait un bel album qui s'appelle "Chanter", avec un single qui sort, on fait une belle tournée dans toute la France, avec pas mal de succès, et on fini par un Elysée-Montmartre. Ca retombe un peu, c'est pas le moment, en fait. On passe à autre chose. C'est là que je monte un deuxième "Rockspell", qui est un peu une mouture avant-gardiste des Alligators de maintenant. Je fais un groupe de rock'n'roll fifties, avec des belles maquettes, de beaux concerts, mais bon, ça s'arrête. En 2005, je participe à la comédie musicale "Gladiateur", d'Elie Chouraqui et Maxime Leforestier. C'est toute une année de travail, une belle scène, des belles chansons, une expérience inédite pour moi. C'est génial, mais le succès n'est pas au rendez-vous. Je commence à me demander si c'est pas moi qui porte la poisse.
Parallèlement, je fais toujours du dessin, je participe à plein de projets, je fais des choeurs sur des albums, et sur les concerts, de Elliott Murphy, par exemple, Laura Mayne, de Native. Il y a toute une vie derrière les projets, mais je n'arrive pas à concrétiser un truc personnel. Et c'est là, que sur les conseils d'un copain, que je prends ma guitare sèche, et je commence à écrire des chansons, comme quand je suis à la maison, et qu'il y a des copains, où on joue du folk, du country, et qu'on s'amuse. On appelle ça "Les Stevensons", et pareil, ça dure deux ans. Avec entre autres, Hubert Zero-Six à la guitare, Pascal Bako Mikaelian à l'harmonica, des chouette musiciens, on fait plein, plein de concerts, et puis je me dis que c'est pas ça, j'arrive pas. J'arrête ça aussi et je réfléchis.
En 2001, à l'occasion d'un gala au Trabendo organisé par le club "Elvis My Happiness", tu es accompagné par le légendaire guitariste Scotty Moore, raconte nous cette rencontre.
Alain : Dans les années 2000, j'habitais tout près de la Bourse à Paris, et tout près de la boutique du fan-club parisien d'Elvis, "Elvis My Happiness". J'allais souvent à des événements organisés par eux, et faire le boeuf dans la boutique, c'était très vivant. Et un jour, Jean-Marie Pouzenc, le Boss, me propose de chanter, en prenant la place d'Elvis, où je serais accompagné de Scotty Moore à la guitare, Jerry Scheff à la basse, et pas Glen Hardin au piano. Je réfléchis, est-ce que je vais être à la hauteur?. D'autant que c'est le répertoire d'Elvis, quand il débute, quand il a la voix la plus haut perchée, et c'est pas tout à fait mes tonalités. Évidemment, je dis oui. C'est trop chouette. Vient le jour où on répète, avec Scotty et cette belle équipe? Je me souviens qu'à un moment, il y a une chanson, c'était peut-être "Lawdy Miss Clawdy", où je me permets de demander à Scotty, si on pourrait pas bouger une tonalité. Je sais même pas s'il m'a répondu. Il était scandalisé. C'est quoi ce petit con de Français qui n'est pas à la hauteur, quoi. J'ai rien dit, j'ai continué à chanter en m'arrachant les cordes vocales, et le concert s'est bien passé. Le contact est très bien passé avec Glen Hardin, le pianiste. Quand on était au restaurant, il me racontait que chez lui à Lubock, au Texas, il avait bien connu un petit jeune qui s'appelait Buddy Holly. Avec ces gens-là, on avait des conversations incroyables. Par contre, Scotty était plus distant, avant même que je lui pose la question sur la tonalité à changer. Je pense que c'était quelqu'un qui en avait gros sur la patate. Bref, c'était un concert extraordinaire, et c'était fabuleux d'entendre les vrais plans de guitare par le vrai guitariste. Les gens ont été assez gentils pour me faire un bel accueil, c'est un de mes grands souvenirs effectivement.
Alain Chennevière et Scotty Moore |
En 2005, tu joues Crassus dans la comédie musicale "Spartacus le gladiateur" de Elie Chouraqui. Est-ce une approche différente de ton travail ?
Alain : Je suis arrivé dans cette comédie musicale, avec un aperçu, parce que Ahmed était dans "Les Dix Commandements". Ca n'a jamais été ma tasse de thé, ni mon univers, ni musical, ni autre. Je n'ai jamais été comédien, et ça ne m'a jamais attiré. Quand un ami qui travaillait pour la maison de disques qui préparait le projet, m'a demandé si je voulais postuler, et être sur la liste des éventuels candidats, Parce qu'il y aurait une voix grave, d'abord, j'ai dit non. Puis, il est revenu à la charge, jusqu'au moment où il m'a dit qu'il allait y avoir des maquettes à faire. Même si tu veux pas faire le rôle, tu peux au moins poser ta voix sur les maquettes, ça te fera un peu de pognon. Je lui dit pourquoi pas ? Puis parallèlement, je vais quand même aller à une audition. On me demande de chanter "Les lacs du Connemara". J'étais incapable d'apprendre cette chanson, tellement je trouve que c'est pas bien, donc, je rate l'audition. Mais je m'en fous un peu, parce que je l'ai passée comme ça. Et parralement je fait les maquettes. Jusqu'au jour où j'ai un coup de fil de mon ami, qui me dit, on était en réunion de travail, avec Chouraqui, et tout ça. Quand ta voix est passée, Chouraqui est tombé de sa chaise, et il a dit, mais c'est lui Crassus, c'est qui qui chante ça ? On lui a dit c'est Alain, mais il a pas passé l'audition. Je m'en fous, c'est lui que je veux!. J'avais fait une chanson en maquette. Il me rappelle. A partie de là, Maxime Leforestier écrit les autres chansons, pour mon rôle, et les écrit pour ma voix. Je suis contaent. Il m'a fait des chansons sur mesure, et, par là, ça a été une expérience unique. Du coté comédie, c'était assez cool, parce que Elie, n'avait pas envie de s'embêter. Tu est le général Crassus, il est fou, il est méchant, il est psychopathe, il a une grosse voix, en gros fais ce que tu veux. Je me suis amusé. Je me suis inspiré de mes idoles au cinéma, Dracula et Frankenstein, et tous les méchants du cinéma. J'ai composé une espèce de personnage de général fou, avec des costumes magnifiques. Je me suis vraiment amusé. C'était assez extraordinaire.
Tu as dessiné pour les magazines Fripounet, Pilote, Métal Hurlant, Le Psikopat, un livre pour enfants "La cour des Miracles". Que t'apporte cette activité de plus que la musique?
Alain : Depuis que j'ai l'age de tenir un crayon, Je dessine. Et bien avant que je découvre la musique, ma voie était tracée, c'est pour ça que j'en faisais un peu le minimum à l'école. Je savais que je serai dessinateur de bandes déssinées, et le reste, je m'en foutais un peu. J'ai toujours été dessinateur, reconnu pour ça dans ma famille. Mes parents me suivaient là-dessus, alors qu'ils suivaient pas forcement mes frères et soeurs sur leurs projets. C'était pas cool, mais des fois, c'est injuste. Là-dessus est arrivé la musique, et à partir de là, j'ai toujours mené les deux choses de front. Quand la musique marchait moins bien, je reprenais le dessin. J'ai fait des bandes dessinées, de la pub, des illustrations d'affiche, des tas de choses. Après les Alligators, j'ai fait des choses dans Pilote et dans Métal Hurlant, où le rapport à la musique commence à être plus cohérent. Quand je dessine, j'écoute de la musique, évidemment. J'ai beaucoup dessiné autour de mes héros du rock. Juste avant PoW WoW, je dessinais beaucoup pour la magazine de Carali, "Le petit Psykopat illustré", par exemple, et avec PoW WoW, je n'ai plus eu le temps du tout. J'ai arrêté, et il m'a fallu beaucoup de temps après pour y revenir. J'y suis revenu par des portraits, d'amérindiens, de rockers, de chanteurs ou chanteuses que j'aime, avec pas mal d'expos chez l'ami Patrick Renassia, d'ailleurs. Je dessine pour les amis, je repense à un nouveau projet d'expo. Le dessin prend un peu moins de place dans ma vie d'aujourd'hui, m^me si je sais que c'est toujours là et que j'y reviendrai.
Donc en fait, ta première passion était le dessin ?
Alain : Je dis toujours que le dessin, c'est mon vrai métier. Je suis quelqu'un de plutôt modeste à priori, mais, si je n'avais pas arrêté le dessin, fait les bonnes études, anatomie, dessin classique..., en plus de ce que je savais déjà faire, si j'avais suivi un vrai cursus, et que je n'avais pas fait de musique autant, je pense que j'aurais eu une très, très belle carrière, par rapport au dessin. Je suis meilleur dessinateur que musicien. Il se trouve que j'ai une voix qui n'est qu'à moi, et assez particulière, donc c'est ma chance. Mais je ne suis pas musicien. Je sais pas lire, je sais pas composer, je connais trois accords, c'est pas de la fausse modestie. Etre musicien, c'est vraiment autre chose que ça. On va dire que je suis rocker, mais pas musicien. J'ai juste su faire fructifier le talent que j'avais.
Dessin d'Alain Chennevière |
Tu réalises également beaucoup de photos de rues du vieux Paris. A quand un livre de ces photos ?
Alain : J'aime bien faire plein de choses. Après le dessin, la photo, à travers instragram, qui m'a amusé, a pris le pas dans mon envie de m'exprimer, graphiquement. Comme je suis nostalgique, et que j'aime les choses d'avant, je me suis attaché à prendre en photo des endroits, et plus particulièrement des commerces, des hôtels, avec des façades d'avant, et qui allaient certainement disparaître. Ca fait bien 10 ans que j'ai commencé à faire ça. J'en ai plein, plein, plein dans mes disquettes. En faire un livre, pourquoi pas? J'ai un très bon ami qui est dans l'édition de beaux bouquins, et qui m'explique que c'est un peu comme pour le disque aujourd'hui, tu peux toujours faire un livre, mais pour faire quoi? Si c'est pour qu'il s'entasse dans ta cave. Pour l'instant, je suis prudent. Je ne dis pas que cela ne se fera pas. J'ai déjà fait de belles expos à Caen. J'aimerai bien sortir un bouquin, mais il faut être prudent, il faut savoir avec qui, pourquoi, comment, et à quel prix, pour le diffuser. Parce qu'il y a des gens, qui me disent quand est-ce que tu sors un bouquin? Mais le jour où il sort et que tu n'es pas au courant, ou d'autres.... donc on peut pas faire n'importe quoi. Et en ce moment, la vie est un peu compliquée, alors, bon, les photos sont faites, je continue à en faire.
Y at-il un artiste ou un groupe avec lequel tu rêverais de jouer ?
Alain : J'aimerais bien pousser une chansonnette avec Eddy, histoire de boucler la boucle. A part aux Restos du Coeur, on a jamais vraiment chanté ensemble.
Qu'est ce que tu fais lorsque tu ne joues pas ? Quels sont tes passions et tes passe-temps ?
Alain : Je lis pas mal, mais c'est plutôt le soir. J'écoute beaucoup de musique, je collectionne, je chine, surtout des disques, et de plus en plus de 78 tours. Je chine aussi des vêtements, parce que je suis passionné par les vêtements vintage. Je porte quasiment que des trucs anciens, qui ont plus de ving ou tente ans. Avec ma femme, on va aux Puces, dans les vide-greniers, en province. On s'achète à la fois des vêtements, des disques, ou des choses pour la maison. Ca c'est notre vraie passion. Depuis trois ans, on est devenus végétariens, on se passionne pour l'agriculture bio, la nature, l'environnement. Sans être militant, c'est vraiment que pour nous, et pour les amis. Etant devenus végétariens, on n'achète plus de nourriture préparée, donc on se fait à manger matin, midi et soir, c'est aussi une passion. J'adore aussi la randonnée, la marche. Par petits bouts, je refais le Compostelle avec mon épouse, puis on a plein de projets de promenade comme ça.
Comment as-tu vécu ces deux années de confinement?
Alain : Il y a eu trois confinements, en tout. le premier confinement, je l'ai très bien vécu, parce que c'était nouveau, parce qu'on avait pas le choix, on y croyait, on ne pouvait pas faire autrement. Ici, c'est un petit terrain avec quatre grands immeubles, un peu d'arbres, un peu d'herbe, donc, tous les jours, on allait faire une promenade autour de la résidence. On se mettait à la barrière, on regardait s'il y avait des gens dans la rue. Il y avait personne. J'ai écrit plein, plein, plein de chansons, j'ai dessiné, ma femme s'est mise à la broderie, à plein de choses qu'elle avait envie de faire. On a vécu en vase clos. J'étais presque déçu que ça s'arrête. D'une part parce que on était bien, et d'autre part parce que je pensais que c'était trop tôt pour arrêter. Le deuxième confinement, ça a été aussi, mais c'était moins productif, parce qu'il était moins féroce. On pouvait sortir un peu plus, on était tenté d'être un peu plus dehors. Là, on espère en entre sorti, mais est-ce que l'on va pas être à nouveau reconfiné, va savoir!. Pour moi, c'est pas fini. Ces deux années un peu bizarres et compliquées malgré tout, c'est pas terminé. Je pense qu'on va vite regretter le monde d'avant. C'est un peu déjà le cas. Ni pessimiste, ni optimiste. Je prends la vie comme elle vient, et j'essaie de continuer à creer, d'avancer, de faire des choses. Mais c'est vrai, que je ne voudrais pas avoir 18 ans aujourd'hui.
Tu as joué avec un bon nombre de Rockers. Peux-tu nous raconter ces belles rencontres, et notamment celle avec Vince Taylor?
Alain : Les rencontres, c'est déjà beaucoup de chance. Il y a eu des rencontres de gens que je vénérais, et que j'ai bien connu, comme Vince Taylor. D'autres que j'ai un peu cotoyé comme Eddy. J'ai eu la chance de rencontrer Johnny Hallyday plusieurs fois. On n'était pas potes, mais on a échangé plusieurs fois dans des moments un peu particuliers. Et j'ai fait de belles rencontre qui sont devenues des amitiés, comme Elliott Murphy, Laura Mayne de Native, Paul Personne, Patrick Verbeke, qui nous a quitté malheureusement. On a été très copain avec Kent, et puis la vie fait que l'on se voit moins, Little Bob aussi. Si ces gens arrivaient, on parlerait comme si on s'était quittés la veille. Avec le Golden Gate Quartet, ça a été très fort, et j'ai développé une amitié avec Clyde Wright, qui était le plus jeune, et qui est toujours parmi nous, et qui est maintenant un vieux monsieur. Il te raconte que en 52 ou 53, il chantait dans un groupe de Doo-wop, alors qu'il avait douze ans. Pour moi, c'est magique, ces histoires là. Et puis, il a les gens que l'on a croisé sur des plateaux, dans les concerts, Fats Domino, The Blue Caps de Gene Vincent, avec Johnny Meeks, Screaming Jay Hawkins, Dick Rivers, qui malheureusement est parti, et beaucoup d'autres. Tout ça, pour moi, c'est beaucoup de chance, et beaucoup de bonheur. Je regrette tous les jours que dans ces années-là, on avait pas les petits portables, parce qu'il y avait des photos à faire. Le premier pionnier que j'ai rencontré, un pionnier du rock français, c'était Danny Logan, le chanteur des Pirates, en 76. J'ai chanté "Blue Suede Shoes" avec lui à Caen. Malheureusement, il est mort peu de temps après. C'était le premier, et après, c'était Vince, avec qui j'ai beaucoup tourné. On l'a accompagné, j'ai vécu des trucs avec lui assez incroyables. Après, j'ai rencontré Jack Scott, Gene Summers, et plein d'autres... Beaucoup de chance!
En janvier 2020 tu reformes 'Les Alligators" avec un line up différent et des influences musicales qui te correcspondent bien. A quand un album ?
Alain : Quelques mois avant le premier confinement, en février 2019, pour mes soixante ans, j'organise un concert de rock'n'roll, au Balajo. Ca fait pas mal de temps que je suis revenu de façon plus "sérieuse" au rock'n'roll de mon adolescence, des années 50. Très souvent, on va au Balajo, à cette époque là, parce que tous les mercredis, il y a une soirée rock'n'roll, avec des danseurs, des DJ, c'est l'ami Turky qui organise ça. On retrouve plein de potes du milieu rock'n'roll, on s'amuse vachement bien, et c'est notre moment à nous. Pour mon anniversaire, j'appelle quelques copains musiciens, on monte un groupe, et on fait un joli concert. A cette époque-là, j'ai pas vraiment le projet en route, mais je me dis, tu as encore la voix, l'énergie, l'envie. Il y a une scène, un circuit, des festivals qui pourraient te permettre de t'exprimer, pourquoi ne pas remonter un groupe de rock'n'roll ? Comme avant, pour boucler la boucle. L'envie me prend, j'y pense, je me mets à penser comment je vais appeler ça. Je me dis pourquoi pas "Les Alligators" ?.
Il y a cinq ans, tu m'aurais dit tu vas reformer "Les Alligators", je t'aurais dit non. C'est loin, c'est fini, on était jeune, même pour moi, c'est presque mythique. Et par respect, pour les gens qui ont aimé ça, par respect pour mes musiciens d'avant, pour l'histoire, tu peux pas refaire un groupe qui s'appelle "Les Alligators". Parce que je sais très bien qu'il n'y aura personne de l'époque, à part moi. Marc Periz, avec qui je suis toujours en contact, n'a plus envie, il n'a plus vraiment l'énergie pour ça. Je lui en parle, mais je sais que ce sera compliqué avec lui. Pascal, son frère, qui était dans PoW Wow, et guitariste rythmique, ne pourra pas non plus, Momo, le guitariste est décédé. Les gens sont plus là, à part moi, et j'ai vraiment envie que ce soit un nouveau groupe d'aujourd'hui, et qu'on soit au top de nos possibilités. Je connais plein de musiciens, un peu plus jeunes que moi, qui feraient l'affaire, et qui permettraient de continuer l'histoire, et donner une nouvelle vie aux "Alligators", en respectant celle d'avant. Et puis, "Les Alligators", c'est moi qui les ait créés, j'ai été le chanteur du début à la fin, c'est mon groupe, c'est mon histoire, finalement, j'arrive au bout de tous mes questionnements, et je refais "Les Alligators". Je sais très bien, et je m'en fous un peu, que les gens qui déjà n'aimaient pas "Les Alligators", dans ce petit milieu, trouvent que j'exagère, que j'ai pas le droit, que ci que ça, mais je m'en fous, c'est mon histoire. Donc on a fait un premier concert au Balajo, juste avant le confinement. Très vite, on a été programmés au Festival de Béthune, Béthune Retro, à l'American Tours Festival, à Tours. Malheureusement, ces deux festivals ont été déprogrammés deux fois de suite. Béthune, on a réussi à le faire l'année dernière, mais l'American Tours Festival n'a pas été reprogrammé. Aujourd'hui, j'ai enregistré quelques titres que j'ai écrit pendant le confinement, je prépare une nouvelle session d'enregistrement, j'ai deux clips en préparation, Je vais bientôt mettre des titres sur les plateforme, sur Facebook, sur Youtube..., et peut-être préparer un vinyle pour assez vite. J'ai trouvé un tourneur en province, et on commence à élaborer une tournée. C'est reparti pour "Les Alligators", j'espère que j'aurais l'énergie.
Pour finir, si tu devais te rendre sur une île déserte, et ne garder que 3 choses : un disque, un film et un troisième choix, quelle serait ta sélection et pourquoi ?
Alain : Le film, ce serait Frankenstein, de Boris Karloff, de 1931. Le disque, ce serait une compil, où il y aurait Elvis, Sam Cooke, les Everly Brothers, les Beatles, Marty Robbins. C'est une compil, je suis malin! et deux photos, une de ma femme, et une de ma fille.
Si tu devais te définir, quelle serait ta phrase ou ta devise?
Alain : Peut mieux faire! Je le pense vraiment. Je m'en veux de n'avoir rien sorti, même en indépendant, entre PoW Wow et aujourd'hui. C'était parce qu'on était tellement haut avec PoW WoW, que l'impression était "A quoi bon?", quoi. Et sortir un CD pour en vendre 20 ou 30, je me suis un peu dégonflé sur mes quelques aventures. Je pense qu'un jour je vais sortir un coffret grand comme ça, Parce que des morceaux et des maquettes, j'en ai. Là, il y aura tout, parce que j'en ai plein, plein, plein, des chansons, dans des styles un peu différents. et pour moi, PoW WoW, ce n'est pas différent des "Alligators". Les premiers concerts de Pow Wow, on faisait a capella "Crying in the chapel", des morceaux de Gene Vincent, des Beatles, du Elvis, et c'était rock'n'roll. On faisait "Louie, Louie", "Iko, Iko", en gros on avait juste enlevé les instruments, et il y avait plus de voix. Après, le succès de Pow Wow a fait qu'on est allé vers quelque chose d'un peu plus variété, aussi bien dans l'image que pour certaines chansons. Mais pour moi, Pow Wow, c'était un groupe de rock'n'roll. Tout ça, c'est logique et cohérent. C'est pour ça que je repense à mes cahiers d'école, où il y avait marqué peut mieux faire. J'ai eu la possibilité, mais je ne l'ai pas fait. Maintenant, je sais que j'ai accompli des choses, pas si mal que ça, et les gens me le renvoient tout le temps, donc, c'est important aussi. Je sais que Pow Wow, c'est important pour les gens, je sais que "Les Alligators", c'est important pour les gens. Rien que ça, c'est fait, et tant mieux. Mais je me juge de façon clairvoyante, et je sais que je n'aurais pas forcement fait mieux, mais j'aurais pu faire plus.
As-tu des regrets ?
Alain : Les hauts et les bas, les moments d'absence que j'ai eus, on fait ce que je suis aujourd'hui. Si j'avais des choses à refaire, il y en a que je ferais différemment, mais, je ne peux pas dire que j'ai des regrets. A part de ne pas avoir d'appareil photo quand je rencontrais toutes ces belles personnes. J'aurais aimé voir Gene Vincent sur scène, par exemple, et j'aimerais beaucoup rencontrer Paul McCartney. A part ça, non.
As-tu un message à faire passer à qui te regarde ?
Alain : Le vieux sage! J'ai envie de parler de quelque chose d'un peu plus large que la musique ou le dessin. Je trouve que l'époque est bizarre, et je comprends que des tas de gens cherches des raisons, des ennemis, pour expliquer ce qui leur arrive, pourquoi leur vie est de plus en plus difficile, mais je crois que c'est dangereux. La solution, elle est plutôt dans le respect mutuel, l'écoute, la compréhension de l'autre quel qu'il soit, et surtout pas chercher les causes de son malheur ailleurs. Même si la conjoncture économique, les boulots qui ne sont pas assez payées... C'est pas si simple que ça. En tout cas, si, au jour le jour, chacun se dit bonjour, se serre la main, ou se check, et respecte l'autre, il faut privilégier le dialogue, encore et toujours. Je trouve qu'il y a trop de dureté et de haines, maintenant, et je pensais pas qu'on en arriverait là. C'est peut-être un message un peu baba cool, mais je suis un vieux baba cool, je suis de cette génération. Franchement, quand j'avais 15 ans, je ne me voyais pas en l'an 2020 comme ça. Serrons nous les coudes, et soyons, bons, gentils, altruistes, et peut-être que les choses, petit à petit, s'amélioreront. Allez en paix.
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