Mandoki Soulmates est un projet unique et original oscillant musicalement entre le Jazz et le Rock Progressif née de l'esprit créatif de Leslie Mandoki musicien polyvalent à la fois chanteur, batteur mais aussi producteur ce qui lui à permis de travailler avec des artistes aussi prestigieux que Phil Collins ou Lionel Ritchie pour n’en citer que quelques-uns.
D'origine Hongroise il fuit son pays en Juillet 1975 pour échapper au régime communiste après avoir été emprisonné 17 fois et s'installe à Munich en Allemagne pour développer ses activités musicales. Il participera aux cotés de Dschinghis Khan un groupe de Pop Rock au concours de l'Eurovision en 1979 et atteindra la quatrième place, le titre du même nom sera un succès en Europe et lui permettra de débuter sa carrière musicale et de se faire un nom rapidement.
Il entamera par la suite une carrière solo et publiera six albums de 1982 à 1997 tout en développant son activité de producteur. En 1993 il crée Mandoki Soulmates suite à une conversation avec Jon Lord (Deep Purple, Whitesnake) un projet pharaonique regroupant des musiciens prestigieux tel Ian Anderson (Jethro Tull), John Helliwell (Supertramp), Al Di Meola, Peter Maffay et Jesse Siebenberg (Supertramp), Jack Bruce (Cream), Nick van Eede (Cutting Crew), Chris Thompson (Manfred Mann’s Earth Band), Bobby Kimball (Toto), David Clayton-Thomas (Blood, Sweat and Tears).
Un casting impressionnant avec lequel il enregistrera pas moins de onze albums avec des line up différents mais toujours de très grande classe. Le dernier en date étant Utopia for Realists sorti en 2019, un album concept très ambitieux et complexe. Le voilà de retour avec Utopia For Realists : Hungarian Pictures" une œuvre magistrale enregistré en public à Berlin et suite logique de l'opus précédent . Pour en savoir un peu plus sur Leslie Mandoki et sa carrière impressionnante nous avons soumis à la question ce musicien sympathique, très engagé politiquement luttant contre l'oppression et la censure la liberté étant un étendard qu’il défendra tout au long de sa carrière, pour qu'il nous présente ce combo hors norme qui risque de faire très rapidement des émules au sein de l'hexagone au vu de la qualité exceptionnelle de cette galette et de son passage très remarqué à l'Olympia le 1 mars 2017.
Un entretien enrichissant qui nous permet de découvrir un personnage complexe et profondément humain pour qui le Jazz Rock est un sacerdoce. Magnéto Leslie c'est à toi !
Le 21 Août 2021 vous avez donné un concert à Budapest dans la basilique St. Stephen je suppose que c’est un des premiers que vous ayez donné quel souvenir en gardes tu ?
Leslie Mandoki. C’était un concert très spécial, un moment de vie car nous n’avions pas donné de show depuis un long moment en raison de la pandémie. C’était très beau de pouvoir enfin ressortir et jouer devant 33 000 personnes. On a choisi de n’interpréter que des nouveaux morceaux, de la nouvelle musique du nouvel album. Il y avait vraiment une ambiance magnifique.
Tu as écrit un titre à propos de Budapest, « Return To Budapest » qu’avais tu envie d’exprimer par rapport à ce titre ?
Leslie Mandoki. Je suis née à Budapest et j’y ai passé toute mon enfance, c’est gravé dans ma mémoire. C’est aussi là que j’ai débuté en tant que musicien, j’y ai eu mes premiers succès avec mon groupe qui est un mixte de Jazz et de prog Rock. Nous avons aussi beaucoup expérimenté. Ça a été un moment merveilleux dans ma vie de retourner dans ma ville surtout avec ce nouvel album. C’était assez surréaliste, fantastique de revenir avec ces chansons en Anglais qui sont assez complexe et ce combo.
Comment décrirais-tu Mandoki Soulmates ?
Leslie Mandoki. C’est un groupe cela fait plus de 20 ans que nous sommes ensemble.
Tout a débuté avec la rencontre de Jon Lord ?
Leslie Mandoki. Oui c’était il y a 18 ans pour les 50 ans du Rock. On avait monté ce projet Legend Of Rocks Mandoki Soulmates All Stars il y avait Peter Frampton, Ian Anderson, Jack Bruce, Steve Lukather, Chris Thompson, Bobby Kimball, Jon Lord et beaucoup d’autres. Jon m’a fait écouter quelques morceaux, il avait en tête un projet dans cet esprit et il m’a demandé si j’étais intéressé. On s’est retrouvé à Londres pour en parler, il m’a fait écouter les premiers morceaux qu’il avait composé et ils étaient tous excellent. On a réalisé alors qu’on pouvait développer ce projet mais nous eut des problèmes de copyright que nous n’avons pas pu obtenir notamment pour les morceaux de classiques qui étaient tombé dans le domaine public et ça a compliqué tout. On pensait inviter tous ces musiciens prestigieux avec qui on avait joué pour Legend Of Rock puis Jon Lord a perdu sa bataille contre le cancer et ça a donné par la suite un album très spécial certainement un de mes meilleurs.
Sur scène vous jouez plus de quatre heures comment arrivez-vous à réaliser de telle performances chaque soir ?
Leslie Mandoki. Oui, c’est parce qu’on est plein d’énergie et que l’on est des jeunes musiciens Rires. On adore jouer live, les gens adorent ce genre de prestations, on fait sept rappels parfois, ça vient tout simplement du plaisir de jouer.
Est-ce que cela vous demande beaucoup de préparation en amont ?
Leslie Mandoki. Non, d’abord tout est écrit sur des partitions et puis j’organise tout. J’envoie à chaque musicien les parties musicales. Lorsqu’ils viennent répéter ils sont prêts. Finalement avec cette méthode c’est assez facile.
Comment s’est déroulé le processus de composition de Utopia For Realists ?
Leslie Mandoki. C’est très spécial. On a été joué à New York invité par l’organisateur des Grammy Awards. On a joué et on a donné un très bon concert. On a eu 7 rappels, une standing ovation. Le New York Time a écrit un article sur nous pour dire qu’il venait de faire une belle découverte. Tout le monde a été enthousiasmé par ce que l’on a fait, ils ont été impressionnés. Ça été un moment très fort pour nous. C’était un honneur de jouer à New York pour nous. Ensuite je suis retourné à Los Angeles, j’ai retrouvé ma maison, mes enfants et j’ai passé un très bon moment. J’ai parlé avec mes enfants, je leur ai dit que j’avais quelque chose en tête et c’était Utopia For Realists. Je me suis donc mis à travailler dans mon studio puis je suis parti en chine en tourné. J’étais assis à l’arrière d’une limousine, très fatigué et on me conduisait à l’aéroport de Beijing. Mon fils m’a appelé il était au studio, je lui ai dit que je rentrais à la maison et que je serai là dans 12 heures. Lui m’a répondu qu’il fallait que je me rende à Bali pour travailler et enregistrer. Pour lui c’était beaucoup mieux pour composer, c’est ce que j’ai fait, j’ai trouvé de merveilleux musiciens et j’ai travaillé 20h par jour sur cet opus, c’est ainsi que nous l’avons conçu.
Finalement l’écriture est une phase de travail assez facile pour toi !
Leslie Mandoki. Oui mais ça dépend vraiment du moment. Il faut comprendre quand le temps d’écrire est venu et là tu as tout à coup un tas d’idées, tu sens que musicalement tu as quelque chose à dire. Tu as les mélodies qui et viennent et les rythme qu’il te faut. Il faut combiner tout ça tout en apportant quelque chose de neuf au niveau Jazz et Prog Rock. Pour moi ce qui est important c’est de combiner les deux.
Tu as débuté en 1975 en Hongrie je suppose qu’à l’époque ce n’était pas simple d’assumer une vie de musicien !
Leslie Mandoki. C’était très difficile. Mais on savait tous que le Rock Progressif était une musique pour une nouvelle génération mais il y avait beaucoup de gens qui n’appréciait pas et qui essayait de tout faire pour empêcher cette musique d’émerger. On n’était pas très apprécié, il y avait des gens qui nous haïssaient. C’était très compliqué d’être un musicien de Jazz Prog Rock par que finalement cette musique c’est un peu un symbole de liberté. On n’a jamais réussi à obtenir un passeport pour sortir de nos frontières afin de jouer dans d’autres pays, on n’avait pas de liberté, on ne pouvait pas aller jouer à Paris ou Amsterdam, Londres, New York, Los Angeles, Berlin. C’est pourquoi nous avons quitté notre pays en nous échappant, en creusant un tunnel avec un de mes meilleurs amis Gábor Csupó et d’autres opposants au régime. Par la suite Gábor a eu du succès aux Usa, à Hollywood comme animateur, scénariste, réalisateur, producteur et graphiste. Un de ses premier grand succès a été sa collaboration sur la série The Simpsons. On devait s’échapper, je suis arrivé en Allemagne à l’âge de 22 ans comme réfugié. J’ai dû recommencer ma vie à zéro.
Je suppose qu’aujourd’hui tu dois être fier de revenir dans ton pays en homme libre !
Leslie Mandoki. Oui bien sûr. Je vis en Allemagne et aussi parfois à Los Angeles mais je suis toujours très heureux de revenir en Hongrie, de jouer là-bas et de rencontrer des amis, des gens de ce pays, j’adore ça. Mon retour a été un très beau moment de ma vie et j’apprécie cette situation.
Tu es aussi producteur depuis de nombreuses années tu possèdes ton propre studio au lac Starnberg en Allemagne, tu as eu l’opportunité de travailler avec des artistes prestigieux comme Phil Collins !
Leslie Mandoki. Phil est une personne extrêmement gentille, il a un talent incroyable en tant que musicien. Pour moi c’est un génie de différentes manières. Travailler avec Phil a été exceptionnel, on a passé des moments merveilleux ensemble. C’est une légende du Rock. C’était assez unique d’avoir un tel compositeur a mes coté dans mon studio, j’ai vécu des moments magiques. On avait installé deux batteries et on a joué ensemble, ce sont des moments importants de me vie de musicien et producteur. Phil et moi sommes resté très proches, c’est un génie ! On a pu aborder tant d’aspects différents de la vie, sa façon de chanter, de composer, toutes ces formes de talents. Cette rencontre a été merveilleuse.
Tu es un musicien accompli et polyvalent à la fois chanteur, batteur compositeur, producteur !
Leslie Mandoki. J’ai une situation très privilégiée car j’ai la chance de travailler avec des musiciens extrêmement talentueux. C’est un privilège pour moi de collaborer avec toutes légendes, ce sont des icones du Rock. (Ndr : Ian Anderson (Jethro Tull), Jack Bruce (Cream), Nick van Eede (Cutting Crew), Chris Thompson (Manfred Mann’s Earth Band), Bobby Kimball (Toto), David Clayton-Thomas (Blood, Sweat and Tears), John Helliwell (Supertramp), Al di Meola, Mike Stern, Randy Brecker, Till Brönner, Bill Evans, Cory Henry, Richard Bona, Tony Carey (Ritchie Blackmores Rainbow), Jesse Siebenberg (Supertramp), Steve Bailey et Julia Mandoki). C’est merveilleux d’avoir un tel line up. Cet opus est le meilleur que j’ai jamais réalisé.
En 2012 tu as été décoré de l’Ordre du Mérite de la République Hongroise qu’as-tu ressenti toi qui avait fui ce pays 37 ans plus tôt ?
Leslie Mandoki. Oui lors de la cérémonie j’ai ressenti un sentiment merveilleux. La réception était fantastique, c’était une période de ma vie ou j’étais heureux. J’étais aussi très impressionné et très fier.
Le 1 Mars 2017 vous avez joué à l’Olympia , qu’essayes tu de transmettre lorsque tu es sur scène ?
Leslie Mandoki. J’essaye de transmettre de l’humanité. On est pris par toutes ces nouvelles technologies, les réseaux sociaux, il faut revenir a plus d’humanité, c’est ce que j’essaye d’exprimer à travers ma musique pour moi c’est important.
Le monde devient selon toi de plus en plus inhumain, l’être humain étant totalement relégué au second plan en quelque sorte !
Leslie Mandoki. Oui on est tous dans une chambre d’écho, un flot d’infos qui ne s’arrête jamais dans une société sans humanité. Cet album célèbre aussi la fin de cette sombre crise du Covid.
Justement comment as-tu vécu la situation sanitaire et le confinement ?
Leslie Mandoki. Ça a totalement changé ma vie. Pour moi et tout le monde autour de moi. Nous ne pouvions pas sortir, c’était un problème très sérieux. Ça a touché tout le monde artistique que tu sois peintre, écrivain, réalisateur, cinéaste. Il faut un contact direct avec ton public, un échange. Pour nous les musiciens c’est un privilège merveilleux que les gens nous laissent pénétrer leur âme, ils sont en communion avec nous, c’est une relation très profonde. Maintenant le temps est venu pour nous de leur donner quelque chose en échange.
Que retires tu de l’expérience des shows virtuels que tu as donné dans ton studio ?
Leslie Mandoki. C’était intéressant, je devais imaginer d’une façon très forte que le public était présent. Il fallait faire jouer son imagination, j’essayais de faire comme si je jouai devant et pour un public.
Vous avez enregistré un concert pour célébrer le trentième anniversaire de la chute de Berlin c’était un évènement important pour toi ?
Leslie Mandoki. Je suis née et j’ai vécu derrière ce mur. J’ai pu m’en échapper. Quand mon père est décédé alors que j'avais l’âge de 16 ans, il m’a dit : « Mon fils s’il te plait promet moi que mes petits enfants n’auront pas à vivre cela, qu’ils seront libres et que la presse et les médias seront libre aussi ». Je lui ai dit père on vit derrière ce rideau de fer ! Mon père m’a répondu : « Regarde ce n’est pas pour toi ce rideau de fer, trouve ton chemin, vie tes rêves et ne rêve pas ta vie ! » C’est une phrase mais pour moi cette vision devait se réaliser un jour, le mur devait tomber et c’est arrivé. C’était si unique, si beau, un moment historique lorsque le mur est tombé, c’était un rêve. Maintenant jouer 30 ans après à Berlin pour célébrer cet évènement historique d’une manière officielle…. A la fin du concert ça a été un instant merveilleux, très fort émotionnellement. J’ai adoré le faire et je suis très heureux d’avoir joué ce jour-là.
En 1979 tu as participé au concours de l’Eurovision avec Dschinghis Khan ton premier groupe vous êtes arrivé quatrième quel souvenir gardes-tu de cette période ?
Leslie Mandoki. Oui. Rires. Je ne parlais pas Allemand à l’époque. Je voulais créer un grand studio pour enregistrer des albums de Jazz Rock j’ai collaboré avec cette formation et nous avons été numéro 1. Ce n’étais pas vraiment quelque chose de sérieux car je suis avant tout un musicien de Jazz Rock et là nous faisions de la Pop.
Quels sont les évènements qui ont été les plus marquants tout au long de ta carrière musicale ?
Leslie Mandoki. Avoir pu rencontrer Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev. C’est cette rencontre qui m’a le plus impressionné. Il est venu dans mon studio car à l’époque je travaillais sur un projet de charité pour lui. C’était très émouvant de le rencontrer.
Pour conclure que souhaites tu rajouter qui te parait important ?
Leslie Mandoki. Utopia For Realists est de loin notre meilleur album et ce qui est très spécial c’est que c’est un peu la bande son de la fin de l’ère du Covid. On a fourni un énorme travail sur ces compositions, j’ai toujours cherché a enregistrer cette musique un peu Folk. C’est un rêve qui se réalise, que le Rock Prog puisse être joué avec la virtuosité du Jazz Rock. Un autre aspect c’est ce Dvd qui montre toute cette animation incroyable qui arrive, l’enregistrement du concert…. C’est quelque chose de très spécial. Ce n’est pas seulement notre meilleur album mais c’est aussi un opus unique et typique avec un public adorable.
Pascal Beaumont
Photos DR