Aujourd'hui, place à une belle rencontre, un moment d'échange privilégié avec Renaud Hantson,
écorché vif et vrai rebelle au cœur tendre, une après-midi entière où,
ne voyant pas les minutes passer, nous avons ainsi pu entendre Renaud se
confier sur des sujets forts, parfois douloureux, toujours sincères et
très personnels. Renaud est un véritable artiste en ce sens qu'il fait
partie des gens qui ne savent pas mentir et offrent des purs moments de
vérité.
Voici la première partie de cette interview, encore un grand merci à Renaud de nous avoir fait confiance et de nous avoir ouvert son cœur.
Tu
es né à Paris en 1963 Comment s'est passée ta jeunesse, et quels
souvenirs gardes-tu de tes premières années, l’adolescence, l'école, de
tes amis et ta famille ?
Renaud Hantson - J'ai
commencé la musique à 6 ans grâce à la sœur d'un copain d'école
maternelle qui écoutait du rock des années 70. Elle écoutait Led
Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath, Les Beatles, Les Rolling Stones,
Humble Pie, Grand Funk Railroad, Mountain. Ça, c'est tous les groupes
qui m'ont inspirés. Cactus, Budgie, tous ces groupes, je les ai découverts
grâce à la soeur de Benjamin, mon pote, qui était guitariste. Son père,
d'ailleurs, était guitariste de Jazz. Et moi je chantais par la force
des choses car on ne trouvait pas de chanteur. Je me suis monté une
fausse batterie avec des barils de lessive. Alors, Omo, Dash, Ariel pour
ne citer que quelques marques et on a commencé comme ça. Jusqu'au jour
où mes grands-parents m'ont acheté les premiers éléments d'une batterie.
Une caisse claire et une cymbale. Et la deuxième année c'est chez Paul
Beuscher, pour ne pas les citer, célèbre magasin de musique à la
Bastille qu'ils m'ont acheté le reste de la batterie. C'était une
batterie à mille balles, une Peters! L'année d'après on a voulu
compléter les éléments mais il n'y avait plus la même couleur. Donc, 2/3
ans plus tard j'ai effectué mon premier job d'été et je me suis acheté
ma première batterie. Pour l'école, c'était cursus normal. De la
maternelle au bac, que j'ai brillamment raté, avec mon pote Benjamin qui
est toujours guitariste et musicien de studio. On a fait tout le cursus
normal. A l'époque soit tu faisais C scientifique, D scientifique ou A
littéraire. On était au Lycée Charlemagne, un bahut scientifique et on a
choisi A puisqu'on était des rebelles. Donc c'était la section
dépotoire du Lycée Charlemagne mais nous on faisait de la musique et
aujourd'hui on est des rock stars (rires)
Quelles ont été tes premières découvertes musicales, tes premières influences et tes idoles ?
Renaud Hantson - C'est
ce que je t'ai dit. Mes premières influences c'est ce qu'écoutait la
soeur de Benjamin. Elle écoutait beaucoup de choses, Crosby, Stills,
Nash and Young, Simon And Garfunkel mais nous on a choisi la tendance
dure. Ce qui nous a plu c'est Led Zeppelin et j'ai eu la chance d'avoir
un instituteur avec lequel, j'ai pu reprendre contact il y a dix ans et
que j'ai retrouvé grâce à un ami flic, un vrai ami que j'appelle mon
Profiler car il a réussi à me retrouver mon instituteur grâce à qui, à
l'âge de 9 ans, j'ai pu aller voir Led Zeppelin en 1969 au Palais des
Sports de Saint-Ouen. Alors toi qui sait, puisque l'on s'est connu dans
les conventions du disque, tu sais combien les mecs de notre génération
aiment collectionner. Comme si c'était des figurines Panini avec des
footballeurs sauf que nous on collectionne la musique et, donc, je
recherche toujours des pirates de Led Zeppelin, de Black Sabbath, toute
cette époque là. Parce qu'en fait mon instituteur est venu me voir, il y
a très peu de temps, à Concarneau où je donnais un concert en hommage à
Michel Berger. Il est toujours musicien. Il à 70 ans et c'est un mec
qui nous a fait écouter Deep Purple en classe en 9ème et en 10ème. Il
nous a eu 2 deux ans. J'ai eu la chance d'avoir aussi un truc avec lui.
C'est que l'on a eu droit d'avoir des cours d'anglais avant le bahut car
il était prof d'anglais. Il était instituteur mais avait fait des
études d'anglais. Donc ça a été une chance inouïe. Parce que c'est le
genre de mec qui nous a fait écouter du rock en classe, qui m'a emmené
voir Led Zeppelin en demandant à Benjamin s'il y allait avec sa famille
auquel il a répondu oui et en me disant, et toi Renaud est-ce que tu
veux voir Led Zeppelin? N'ayant personne pour m'emmener, et face à mon
désarroi, il m'a invité avec ses potes qui étaient profs ou étudiants,
je ne me souvient plus. Et voilà ce sont mes influences. On a choisi la
tendance hard rock de tout ce qu'écoutait la soeur de Benjamin.
A quel âge as-tu commencé à apprendre à jouer d'un instrument puis commencé à écrire tes premières chansons ?
Renaud Hantson - J'ai
commencé la batterie à 6 ans. On a été, Benjamin et moi au
conservatoire du 4e arrondissement de Paris de l'âge de 9 ans à 11 ans
puisque nous habitions respectivement dans les 3e et 4e arrondissements.
J'ai refais du conservatoire à 16 ans jusqu'à 19 ans, année de la
sortie de mon premier album de Satan Jokers où j'ai obtenu un prix
d'excellence à la batterie. Là, c'était un gros conservatoire avec un
des plus grands professeurs de batterie et de caisse claire en France.
Paix à son âme, mon prof Guy Lefebvre était un des plus grands. Il
avait conçu des méthodes de caisse claire. Il était tambour major à
l'armée. C'était vraiment un grand musicien qui a formé beaucoup de
batteurs de ma génération. Je crois qu'il m'aimait bien car j'étais son
élément rebelle, le rocker avec les cheveux longs. C'était une belle
époque..
Mes premières chansons, je les ai écrites avec Benjamin. On déconnait,
moi sur mes barils de lessive, lui avait une petite guitare flamenco,
son père était guitariste de Jazz donc c'était plus facile pour lui. Mes
parents ont divorcé et ma mère était la seule à gagner sa vie pour
m'élever. J'ai vécu dans un HLM, mais je n'ai jamais manqué de rien...
Ma première chanson, c'était à 9 ans. Je crois que j'ai des K7 de ça.
Il faudrait que je sorte les K7 de Renaud Hantson à 9 ans. Je suis sûr
que si on les remasterise, ça devrait être drôle.
Te souviens-tu de tes premières créations ?
Renaud Hantson - Ma
première création c'est ça, à 9 ans ! Je me souviens du premier
concert, on a 14 ans. C'est sur une péniche et c'est catastrophique. A
l'époque on avait pas d'expérience et Benjamin ne savait pas qu'une
guitare, quand il fait très chaud et qu'il y a beaucoup de monde, ça se
désaccorde. Il y avait tous nos copains de classe et c'était blindé.
Donc il a joué avec une guitare désaccordée tout au long du concert.
Moi, je ne savais pas qu'avec la tension nerveuse, j'allais taper comme
un sourd et chanter en même temps. J'étais essoufflé et je commençais a
avoir des crampes. J'étais tétanisé, ce qui n'arrivait jamais tant qu'on
répétait dans le HLM de ma mère. Parce qu'on jouait super léger. Sauf
que là je tape comme un bourrin pour, vraiment, que l'on ait du volume,
que ça soit rock. Et je tétanise. J'ai la main qui se crispe donc je ne
peux plus passer aucun truc difficile. On a toujours aimé depuis l'âge
de 7/8 ans, période ou l'on a commencé la musique. Moi j'ai démarré la
batterie vers 7 ans. A 9 ans nos parents nous inscrivent dans un petit
conservatoire de quartier et toute l'expérience s'est faite dans des
locaux de répétition et lors de ce premier concert, qu'on organise, nous
même, à 14/15 ans. On s'appelait "Wrath", imprononçable pour les
français. Ce qui veut dire colère. Car dans la section littéraire où
nous étions on avait lu "les raisons de la colère" et on avait vu la
traduction. De "Wrath" on est passé à "Tract" car il y avait un
groupe qui cartonnait en France et qui s'appelait "Trust". Groupe qui
nous a énormément inspiré. Et j'ai toujours dit que si j'avais monté
Satan Jokers, c'était le contraire de Trust. C'était plus gothique,
inspiré par Black Sabbath, Judas Priest. C'était pas du tout politisé
comme Trust. Ils ont ouvert la voie, donc on a monté un groupe qui
s'appelait "Track" qui reprenait presque le logo de Trust avec un A
comme anarchie. C'était pas inintéressant. Et sur cette péniche j'ai
compris tout ce qu'il ne fallait pas faire. Avec le guitariste qui
jouait à moitié faux parce que sa guitare était désaccordée, un bassiste
qui faisait ce qu'il pouvait mais qui a mis de l'ordre dans la maison, Laurent Bernat paix à son âme et qui est le mec avec lequel j'ai monté, par la
suite, Satan Jokers. Un grand bassiste. Et moi qui chantait en même
temps que je jouais de la batterie. Donc, il n'y avait pas de jeu de
scène. C'est bien des années plus tard que je suis passé devant et que
j'ai commencé à avoir ce contact avec le public. Jusque là j'étais
bloqué derrière ma batterie et c'était difficile de faire bouger les
gens et d'avoir un contact avec le public. Quels souvenirs !
A 16 ans tu reçois le prix d'excellence du conservatoire, quels souvenirs gardes-tu de ces moments-là ?
Renaud Hantson - C'est
un souvenir un peu spécial parce que j'ai pris 3 cours chez un
particulier... que je peux nommer. Après, il a monté une très grande
école à Paris. Il s'appelle Daniel Pichon. Et il se trouve que le
jour où je passe le prix d'excellence et le prix supérieur, les deux
diplômes les plus importants au conservatoire, je les passe en une seule
fois. Et je vois que c'est Daniel Pichon le président du Jury. Moi,
j'ai pris trois cours privés chez lui et il passait son temps au
téléphone. Donc, si tu veux, il ne m'a pas appris grand chose. Je
préviens Guy Lefebvre mon prof, celui que j'appelle aujourd'hui mon
petit pépé parce qu'il était déjà âgé mais il était tonique. Un mec
d'une énergie incroyable. Quand je me suis inscrit au conservatoire, il
me disait "Hantson, toi tu sais déjà tout faire, t'es un tueur. Alors tu
ne viens pas. Tu viendras juste les deux derniers mois pour qu'on
prépare le diplôme et le reste du temps j'irais au café boire du rouge".
Il a fait ce que je fais aujourd'hui. Il a bu un coup de rouge toute
l'année en pensant à moi et en se disant Ok, on va préparer le diplôme
les deux derniers mois comme ça Hantson il n’emmerdera pas puisque c'est
un rebelle et qu'il est chiant. En même temps j'avais déjà sorti un
premier album et il était très fier. J'avais déjà sorti "Fils du métal"
avec Satan Jokers. Tout ça pour dire qu'on prépare le diplôme pendant un
mois et demi en me disant ce qui risque de tomber comme examen. Et il y
a Daniel Pichon président du jury. Je préviens Guy et lui dit "Ce mec
là, j'ai pris 3 cours avec lui, il ne sait rien faire". Je l'avais
vraiment mauvaise. Alors que Daniel Pichon est, en fait, un vrai
professeur.
Le problème c'est qu'il a saqué tout le monde. Et des 80
familles qui étaient présentes pour voir leurs gosses obtenir un
diplôme, tu as 74 ou 76 candidats qui n'ont pas eu de diplôme ce
jour-là. Il a dit un truc en remettant le prix supérieur et le prix
d'excellence à la dernière seconde, puisque l'on était au moment du
dernier examen que toutes les familles regardaient. Les 4 élèves qui ont
passé les diplômes ce jour-là étaient le haut du panier et Daniel Pichon a dit "Je sais que j'ai déçu
beaucoup d'entre-vous mais ma présence, aujourd'hui, signifie que les
conservatoires parisiens, de banlieue et de province ne doivent plus
donner, à l'emporte-pièce, des diplômes à des gens qui ne le méritent
pas. Il y a aucune raison pour que ça se passe comme ça. C'est pourquoi
cette année !.. Et là je regarde Guy et je lui dit "Je vais lui péter la
gueule". A l'époque je faisais du Kung Fu. Et là il rajoute un truc
tout à fait honorable. "C'est pourquoi, aujourd'hui, le seul élève qui
aura le prix d'excellence, c'est Renaud Hantson. Donc j'ai compris la
démarche. J'ai été attristé par tous les élèves qui étaient là et qui
ont raté leur examen et les familles surtout.
Moi, j'étais au conservatoire de Fontenay-sous-Bois et Guy était un
grand professeur. Il faut savoir que c'est lui qui a fait que dans les
conservatoires nationaux la batterie existe, désormais, en tant que
telle. Avant c'était les percussions, la batterie n'existait pas. Tu
vois, on aborde un peu de culture dans cet interview qui n'est pas
seulement qu'à ma gloire. Un hommage à Guy Lefebvre mais également à Daniel Pichon Parce que, quelque part, il a toujours son école de
batterie. Je pense qu'il ne passe plus son temps au téléphone. Je pense
qu'il donne de vrais cours et j'étais très fier, ce jour-là
effectivement, que le seul à obtenir le prix supérieur et le prix
d'excellence ce soit moi. Mais il a tellement fait durer le suspense et
il l'a dit d'une telle manière que j'ai été voir Lefebvre et lui ai dit
que j'allais lui péter les dents. Ca veut dire que personne n'avait le
diplôme. Il y en avait deux autres qui ont obtenu un diplôme dans le
moyen 1 et le moyen 2, un autre le prix supérieur et c'est pour ça
qu'aujourd'hui, sur les 3 élèves qui ont passé le concours il n'y aura
que ... J'étais heureux. Ça fait longtemps que je n'ai pas raconté cette
histoire. Tu m'as replongé dans un passé lointain
Te souviens-tu du tout premier concert que tu as donné ? De la ville et/ou de la salle ?
Renaud Hantson - Je
te l'ai dit. Le premier vrai concert c'est sur une péniche avec tous
les problèmes qu'il y a eu. Je crois me souvenir que ce concert était
organisé par Blasphème Un groupe de Hard Rock, des potes à moi.
Enfin c'était un festival très bancal et nous on était les jeunes du
festival, du moins le groupe le plus jeune. On avait 15 ans. Mais ma
première vraie scène, c'était dans un club méditerranée. Ma mère avait
divorcé de mon père que je n'ai revu que 20 ans plus tard et à l'âge de 9
ans j'ai joué "Satisfaction" avec des GM, des gentils membres, c'était
organisé par des GO, des gentils organisateurs. C'était une soirée
dédiée au rock. Il n'y avait que des jeunes de 25/30 ans et personne ne
s'inscrivait pour la batterie. Du coup, je dis "ben moi". Les mecs me
regardent en disant "Pas toi, on va jouer les Stones" et je répond "ben
ouais". Et donc on fait une répétition. Là, tout le monde me regarde et
me porte déjà en triomphe en me disant que je suis la valeur sûre du
concert de ce soir. Et il y en a eu que pour moi. Et le truc incroyable
c'est que faire de la musique attire le regard. Mon premier flirt a eu
lieu deux jours après avec une petite belge qui m'a fait un bisou sur la
bouche sur un tatami, la nuit. Il y avait des cours de Judo, d'Aïkido
car le club Med, c'est plein d'activités. Ma mère voulait bien faire et
voulait que je sois occupé. Et puis ça lui permettait peut-être de faire
des rencontres. Ce que je ne crois pas car je ne l'ai jamais vue avec
un homme après le divorce. Elle en a connu paraît-il, c'est ce qu'elle
me dit. J'ai toujours du mal à la croire mais je pense qu'elle ne me
ment pas. Tout ça pour dire que j'ai joué "Satisfaction" à l'âge de 9
ans dans un club méditerranée en Yougoslavie. Donc mon premier concert
c'était déjà une tournée mondiale (rires).
En 1983 tu fondes Satan Jokers, raconte-nous ta rencontre avec les autres membres du groupe et vos débuts ?
Renaud Hantson - En
fait c'est le fameux bassiste qui a joué sur la péniche. C'est
d'ailleurs le seul qui s'en est sorti royalement. Il avait un gros ampli
orange, de la marque du même nom. Il avait une basse Laurent Bernazzani. Laurent Bernazzani qu'on a
appelé ensuite Laurent Bernat
pour sa façon Italo quelque chose... J'ai monté un groupe qui
s'appelait Jarretelle avec lui et qui est devenu, avec le fils de
l'intendant du lycée
Charlemagne, Satan Jokers. Il y avait un mec qui s'appelait Herve Perrault à la
guitare, Laurent Bernat à la basse et moi au chant et à la batterie. Et là, je leur
dit que Satan Jokers ne peut être un trio. J'adore pourtant, Cream, West Bruce and Lane, Grand Funk Railroad, Hendrix. La formule trio c'est la base du rock'n'roll mais il y
avait besoin d'un showman, besoin d'un mec devant. Et moi, je ne me
sentais pas lâcher les baguettes. Je n'arrivais pas à trouver un mec qui
puisse apporter la même pulsation et la même technicité que ce que je
mettais, à l'époque, dans le jeu de batterie. Et puis je voulais quelque
chose qui soit un mélange de hard rock et de Jazz rock. Je voulais un
truc entre Magma et Led Zeppelin. Mais surtout, je voulais quelque chose
techniquement au dessus de la norme, enfin c'est ce à quoi j'aspirais.
Des fois c'était un peu naïf et ça a mal vieilli parfois mais c'était
pas si mal que ça. C'était en avance...
Donc, je passe une annonce dans le magazine Best. J'avais mis "Groupe
aimant Black Sabbath, Led Zeppelin, Judas Priest cherche chanteur
visuellement présent en vue d'album et de concert". Et il y a un mec Pierre Guiraud qui répond, un mec de Toulouse qui vivait à Paris à ce moment là
puisqu'il bossait pour la SNCF. Il a tout lâché et s'est donné à 100%
dans le groupe. C'était pas un grand chanteur mais c'était un grand
showman. On a appris ensemble. Je lui ai appris des trucs, il m'a appris
d'autres choses. Nos idoles étaient David Coverdale pour lui et Glenn
Hughes pour moi. C'était mon super pote. On aimait les indiens tous les
deux et on aurait aimé l'être. On ne l'as pas été mais on est devenu des
rockers et on a monté Satan Jokers.
Satan Jokers a existé dès que Pierre Guiraud est entré dans le groupe.
D'ou viens le nom de Satan Jokers ?
Renaud Hantson - C'est
marrant que tu me poses cette question car, comme tu peux le voir, j'ai
sorti ce sweat shirt qui est à l'honneur des Hell's angels. 8, ça veut
dire H. C'est la huitième lettre de l'alphabet. 1, c'est la première
lettre. Ça veut dire Hell's angels. En fait ça veut dire que tu soutiens
ton club de Hell's angels local. Je suis ami avec certains membres de
ce club de motos célèbre. J'avais le livre de Hunter S. Thompson un américain qui avait
mené une enquête sur le gang des hell's angels aux États-unis à la
création du gang des motards. C'était très sulfureux à cette époque.
D'ailleurs je crois que ça s'est mal terminé pour lui mais en tout cas,
il a sorti son bouquin. Il y relatait le parcours de deux bandes de
motards plus ou moins amis/ennemis des Hell's. C'était les Satan Slaves
et les Gypsy Jokers. J'ai contracté les deux noms, donc Satan Jokers et
c'est devenu le nom du groupe. Je cherchais un nom qui sonne un peu
comme Judas Priest ou Black Sabbath. Un nom qui sonne français et
anglais. Et j'ai trouvé le logo durant les trois jours que j'ai passé à
l'hôpital pour une appendicite. Donc comme je n'avais rien d'autre à
faire que d'avoir mal au ventre j'ai dessiné le logo du groupe en
m'inspirant du tatouage que j'avais depuis des années avec le S et le
J... c'est des souvenirs tout ça !! Et c'est marrant que tu me poses
cette question le jour où je porte ce sweat shirt. Un hommage à ceux
pour qui j'ai fait plusieurs concerts et au plus grand club de motos au
monde.
En 1986 tu choisis de démarrer une carrière en solo : pourquoi ce choix ?
Renaud Hantson - C'est
très simple. J'ai toujours écrit les mélodies et la plupart des textes
de Satan Jokers et même quelques musiques. On a eu beaucoup de critiques
sur Pierre dans certains magazines au début de la carrière du groupe.
Et puis tout le monde s'est accordé à dire qu'on était en avance et que
Pierre était un grand showman et un chanteur intéressant avec cette
manière très "déglingue" d'interpréter du métal. Même s'il aimait le
hard FM et des groupes comme Queen. On était un groupe très cultivé en
matière de rock music avec une ouverture très large. Moi, j'écoutais
Kate Bush, Peter Gabriel, Michel Jonasz, Daniel Balavoine, Al Jarreau,
Prince... Donc, j'ai eu envie d'écrire des chansons plus pop, plus
mélodiques où je ne sois pas obligé de gueuler pour faire passer un
message. Je voulais chanter tout simplement. Je voulais continuer à
faire de la batterie en studio mais lâcher les baguettes sur scène pour
passer devant. Donc, j'ai fait deux premiers concerts dans une petite
salle parisienne. J'ai eu la chance dans ma vie de faire, une fois dans ma vie, le
Stade de France grâce à Jean-Marie Bigard où j'ai interprété 6 ou 7
chansons et faire la plus petite salle de Paris Le Cithéa Où il y avait pas
plus de 90 places. J'en garde un super souvenir. C'est la première fois
où je me suis produit avec mon propre répertoire en tant que chanteur.
J'allais deux fois à la batterie, ce que j'ai fait souvent dans ma
carrière après. Et il y a un premier 45t solo qui sort en 1986. La durée
de Satan Jokers a été une fulgurance comme disait Michel Berger. 1983,
"Les fils du métal, 1984, "Trop fou pour toi", 1985, le troisième album
qui est un LP de 6 titres. En 1986, je sors "Ta voix sur le répondeur
"un premier 45t chez Phonogram. En fait je suis resté sur le même label.
On a pas eu beaucoup de succès mais ça a marché en club car, à l'époque
en discothèque, il y avait encore les slows. C'était une ballade donc
ça a bien marché dans les clubs et j'ai même occupé les premières places
des classements de slows. Mais, j'ai gagné zéro centimes. C'était sympa
et ça reste un bon souvenir en tout cas. En fait on s'est séparés parce
qu'on en avait marre.
Je crois que lorsque tu te lances dans un projet
de qualité et que tu te rend compte qu'en France, même un groupe comme
Trust
commence à ne plus vendre de disques, qu'il y a un désintérêt du
public pour les groupes de Hard rock français. Moi, ce qui m'a miné le
moral c'est que l'on a fait un festival qui s'appelait France-Festival à
Choisy le Roi en 1985. Et on fait péniblement, avec en tête
d'affiche, Satan Jokers le premier jour et Trust le deuxième jour. A
l'intérieur de l'affiche il y avait plein de groupes, Warning, Vulcain,
Blasphème. Enfin, on était tous là. Et tu te rend compte que l'on fait
2000 personnes alors que trois jours après, tu en as 16000 pour Deep
Purple à Bercy ! On se dit Ok, il y a peut-être quelque chose qu'on a
pas compris. Les français aiment le Hard rock quand il est Anglo-Saxon.
donc, dans ce cas-là, pourquoi je n'ai pas chanté en anglais, pourquoi
je me suis fait chier à écrire des textes en français. Je souhaitais
être créatif et, quelque part, Bernie Bonvoisin avait ouvert la voie
avec "Antisocial", "Le mitard""Bosser Huit Heures" et a prouvé qu'on pouvait faire du hard
rock en Français. Donc on était toute une génération de musiciens à
avoir crû à cette mouvance en pensant qu'on serait plus soutenus par le
public français. Quand tu vois que tu fais 2000/2500 personnes dans un
festival où tu as tous les plus grands groupes de hard rock français, à
l'exception de 1 ou 2 qui n'étaient pas sur l'affiche, tu te dis que ça
fait mal au c... Et là j'ai décidé d'arrêter. J'ai décidé que ma
carrière solo allait démarrer là. De faire quelque chose de plus pop et
de plus accessible destiné à un public plus large. Il se trouve que dans
l'année qui a suivi, j'ai rencontré Michel Berger et que ma carrière a
pris un essor plus important car je suis rentré dans Starmania.
Certaines personnes du circuit hard rock m'en ont voulu alors que tous
les musiciens de hard auraient rêvé d'avoir ma carrière. C'est ça qui
est fou. Aujourd'hui les gens le savent et le disent. A l'époque je
passais pour un traître. J'aime pas LA musique, j'aime LES musiques !!
J'ai jamais dit que je me contentais d'écouter Pantera au réveil,
Motorhead à midi et Black Sabbath à 20h pour aller dormir. Je suis
désolé.
Puis
tu participes à deux comédies musicales "opera Rock" (Starmania de 88 a
90) et La légende de Jimmy (90 a 91) de Michel Berger et Luc Plamondon,
comment s'est passé cette rencontre ?
Renaud Hantson - A
l'époque je sors avec une femme qui s'appelle Sophie Tellier Elle
est chorégraphe de Mylene Farmer et grand amour de ma vie passée il y a longtemps ... qui me
dit "écoute cet album, je suis sûre que tu pourrais intégrer cette
équipe". Michel Berger est en train de remonter Starmania. Moi, je
connaissais les trois gros tubes "Quand on arrive en ville", Le blues du
businessman", "Les uns contre les autres"..et aussi "SOS d'un terrien
en détresse" mais je ne connaissais pas le reste. J'appelle mon manager Robert Bialek
qui s'avérait être l'ancien tourneur de Daniel Balavoine. Et Robert Bialek me dit,
"Renaud, formidable que tu souhaites faire ce spectacle mais aucun
chanteur ne remplacera Daniel Balavoine dans le cœur des français. Donc
oublie et trouve un personnage où tu peux éclater et lui apporter ses
lettres de noblesse. Trouve quelque chose où tu puisses transcender ta
voix et ton physique. J'écoute l'album et je vois Ziggy. Ziggy c'est ma
culture, c'est David Bowie, j'ai les jambes fines, je fais androgyne
parce que je suis mince. Je lui dit que je ferais un parfait personnage
gay. Et je vais t'avouer quelque chose. Moi qui suis profondément
hétérosexuel je l'avoue aujourd'hui. Je sais que ça va désoler tout le
circuit homo qui m'adore et que j'aime énormément. Quand tu joues un
personnage gay, tu n'es jamais autant dragué par les gonzesses. C'est un
truc de fou. Plus tu joues un personnage homo plus les femmes viennent
te draguer à la sortie. J'ai jamais compris le phénomène. Donc, je
m'attaque à Ziggy et Robert Bialek me fait rencontrer Michel Berger dans un studio
d'enregistrement qui s'appelle "Le studio des dames" à Paris. Et en
fait, je fais une sorte d'audition. Il y avait déjà un chanteur sur le
coup Erikarol qui avait sorti un single
"Partir", ou "Je viens de partir".
Il était pas
mal, bon physique, bonne voix. Le mec est sensé faire le personnage et
je rencontre Michel Berger dans le studio. Luc Plamondon est au
téléphone et ne le lâche pas durant toute l'audition. Il l'a juste posé à
la fin pour me dire "Ça serait bien que tu fasses un numéro de batterie
plutôt que de faire le danseur à la fin". Et Michel, je sens dans ses
yeux que c'est moi, que j'ai explosé le truc. Il n'y a plus d'audition,
plus de compétition, plus de match. Il me veut et je sais que c'est moi.
Et il se passe ce truc très filial qu'il y a eu pendant trois années.
Avec lui on se comprenait sans avoir à se parler et il m'a dit une chose
extraordinaire à la fin de l'audition avec sa manière à lui, très
bourgeoise car il avait une éducation très bourgeoise. C'est pour ça
qu'il aimait autant Hallyday, Balavoine ou moi. C'est parce qu'on était
des rockers et qu'on pouvait exprimer ses mélodies de manière très
différente de ce que lui faisait lorsqu'il les chantait lui-même. Là, il
me dit "il y a qu'une seule chose qui me dérange avec toi c'est que tu
pourrais aussi bien faire Johnny Rockfort" alors que moi, dans ma tête,
j'avais qu'une envie c'était de faire Johnny Rockfort. Et Ziggy, je le
faisais en désespoir de cause parce que mon manager m'avait dit qu'aucun
chanteur ne remplacerait Daniel Balavoine dans le cœur des français.
Et j'ai explosé dans Ziggy. Je lui ai donné de l'importance dans le
spectacle mais c'est aussi une grande chance si ce personnage est devenu
important en 1988. Ce n'est pas seulement grâce à moi mais le fait
d'avoir, comme partenaire directe, Maurane, dans le rôle de
Marie-Jeanne. Maurane reste à mon sens la plus grande chanteuse
francophone de tous les temps. Céline, tu ne m'en veux pas, Je t'adore !
mais Maurane avait ce supplément d'âme que n'ont pas beaucoup de
chanteurs. On ne va pas faire un interview larmoyant mais toi, tu le
sais puisque tu me questionnes et que tu es un ami. Je suis en plein
divorce. La femme que j'aime est partie de la maison où je suis. Autour
de moi, tout m'évoque ma femme, mais tout m'évoque aussi Michel Berger,
Maurane, Daniel Balavoine, France Gall. Plein de gens que j'ai perdu
dans cette profession et qui étaient mes seuls repères. Donc Maurane
c'était une grande chance de l'avoir comme partenaire directe car c'est
ça qui a fait éclater Ziggy. Le personnage est devenu important. Alors,
bien sûr, quand Céline Dion reprend "Ziggy !.." ça devient un succès
planétaire.. Merci Céline de m'avoir rendu célèbre. Mais bon, voilà.... C'est des super souvenirs.
Puis
tu enchaines avec la deuxième saison de Notre Dame de Paris, de 99 a
2001, comment as-tu vecu ces expériences, que t'ont-elles apporté ?
Renaud Hantson - Entre-temps,
il ya eu "La légende de Jimmy " juste après en 1990. Michel Berger et
Luc Plamondon m'ont renouvelé leur confiance. Et effectivement en 2000,
Luc m’appelle parce que Garou, Patrick Fiori et Bruno Pelletier
commencent à "sécher l'école". En fait ils commencent à en avoir un peu
marre. Au bout de huit mois de spectacle ils sont un peu fatigués et lis
veulent vivre un peu leur vie. Patrick Fiori, à cette époque, a une
relation avec Lara Fabian et est régulièrement absent. Et il n'y a pas
vraiment de doublure. Pour tout dire ils ne l'ont pas trouvé. Donc la
production commence à se dire qu'il serait bien qu'elle trouve une
deuxième équipe parce que le spectacle est un tel triomphe qu'il serait
inconcevable de laisser tomber la poule aux œufs d'or comme on dit dans
ce métier. Du coup ils engagent Herbert Léonard et moi parce qu'en fait,
les premières personnes qu'ils avaient sélectionnées étaient totalement
inconnues et le public gueulait aux guichets parce qu'il voulait voir
l'équipe qui avait créé le spectacle et pas des doublures. Sauf que
lorsque Herbert et moi entrons dans le spectacle, on a des noms. Et, là,
ça ne râle plus aux guichets. Donc je l'ai fait deux ans. Initialement
Luc Plamondon m'avait appelé pour que je remplace Patrick Fiori dans le
rôle de Phoebus mais ce personnage ne m'intéressait pas. Je trouvais
qu'il était très secondaire alors que j'avais été fortement impressionné
par la prestation de mon pote Bruno Pelletier qui l'avait déjà remplacé
dans "Starmania" et "la légende de Jimmy" au Canada. C'est d'ailleurs
avec ce dernier qu'il est devenu une star dans son pays. Ça me reste en
travers de la gorge car ce n'est pas mon pays mais j'étais venu faire de
la promo et c'est Bruno qui est devenu une vedette en faisant le
spectacle là-bas. Bruno c'est un mec que j'adore. On a plein de choses
en commun. Le rock, la batterie, les arts martiaux, Gino Vannelli et c'est un
super chanteur. Je l'adore vraiment et il m'a énormément impressionné
dans "Notre dame de Paris". Sa gestuelle, sa voix, cet espèce de mélange
de Robert Plant et Baudelaire, ses cheveux longs. Moi, à l'époque, je
m'étais coupé les cheveux. Je n'avais plus les cheveux longs mais j'en
ai fait autre chose. J'ai gardé sa gestuelle et j'y ai mis ma voix un
peu plus soul que la sienne et ça a fait l'affaire. Comme disent tous
ceux qui nous ont remplacés par la suite, il y a deux écoles. Il y a
Pelletier et Hantson.
Moi, c'était un Grégoire plus "déglingue" et
Bruno, presque opératique. C'est pour ça que je pense qu'il sera parfait
dans "Al Capone" de mon ami Jean-Felix Lalanne. Il sera parfait pour
faire Eliott Ness face à un grand chanteur comme Roberto Alagna. Il est
vraiment dans son élément, je pense. Mais oui, c'est venu comme ça. Deux
années. Je n'en garde pas de supers souvenirs car j'étais à un de mes
premiers pics d'addiction. J'en ai parlé dans trois livres donc il y a
prescription. Et puis je sens que le tatouage que j'ai sur le bras est
vraiment ce que je vis aujourd'hui. Vraiment dans une rédemption puisque
j'arrête la drogue et je perd ma femme. Est-ce que c'est le prix à
payer ? J'aimerais pas. Mais à l'époque j'avais du mal à lever le pied.
Tu fais cet interview aujourd'hui où je suis à soixante jours sans
substances. Pour les gens ça peut paraître dérisoire mais soixante jours
c'est énorme pour quelqu'un qui a été sous substances pendant 27 ans.
Il m'a fallu cet électrochoc là. A l'époque je faisais la fête avec les
techniciens jusqu'à 9h du matin et ils étaient inquiets pour ma voix le
soir. Même.
Et ils me disaient "tu ne pourras pas chanter ce soir vu comment t'es
défoncé" et je leurs disait "On en reparlera ce soir". Mais j'étais pas
bien. Pourquoi je te parle de ça ? Parce que c'est deux années troubles.
Ce sont des souvenirs bizarres. Je crois que j'ai été le plus gros
salaire sur "Notre dame de Paris" et je ne leur ai fait aucun cadeau
parce qu'en fait ils m'ont fait patienter pendant trois mois à la
production. Et mon manager de l'époque Stephane Ellia s'était renseigné pour savoir
combien touchait les québécois et on leur a fait le coup de prendre le
même salaire mais avec 3000 balles de plus. Donc ça leur a coûté un peu
d'argent. Mais au moins ça ne gueulait plus aux guichets. Et ils avaient
un chanteur qui faisait le boulot. Mais ce sont des souvenirs mitigés.
"Notre dame de Paris", pour moi, ça reste la première équipe. Autant
j'ai envie de dire que Pour "Starmania", la version pour les fans, qui
correspond le plus à ce qu'aiment les fans c'est celle de 1988 dont j'ai
fait partie. Parce que c'est Michel Berger et Luc Plamondon qui l'ont
mise en scène. Autant je sais que, populairement parlant, c'est la
première version qui est la plus connue et celle qui reste la référence
avec Fabienne Thibault, ma copine, Daniel Balavoine, France Gall, Claude
Dubois, Nanette Workman, une autre amie du Canada avec laquelle j'ai
travaillé sur "La légende de Jimmy". Un privilège car pour moi c'est la
plus grande chanteuse du monde Nanette I Love You... Notre Dame de Paris" c'était un peu le "Bureau".
Ça avait un côté fonctionnaire et je ne prenais aucun plaisir à y aller.
J'étais content du chèque, de plaire aux gens et de me refaire une
santé vocale mais c'est pas des supers souvenirs. C'est bizarre ce que
je te dis là. C'est certainement la première fois que j'en parle avec
autant de détails. Mais ça c'est parce que tu me fait boire du vin !! (Rires)
En 2005 tu montes Furious Zoo et tu pars écrémer les clubs, bars, et petites salles : un besoin de retour aux sources ?
Renaud Hantson - Alors, il y a une raison très simple à cela. Beaucoup de mes idoles sont passées par ce chemin là. Je pense à Todd Rundgren par exemple. Il avait sorti un album live "Back to the Bars" enregistré dans plusieurs clubs. Glenn Hughes qui a joué dans Deep Purple et
qui, lorsqu'il a démarré sa carrière solo, a touché le fond. Il est
remonté petit à petit en jouant dans des clubs et s'est refait une
santé. Glenn,
c'est 20 ans de cocaïne, une très grosse addiction. un infarctus puis
part dans le désert pour mettre fin à son addiction. Et tous ces mecs
sont des modèles pour moi. Des modèles de rédemption et de carrière. Tu
peux pas tricher dans un club. Tu es à poil. Les gens te voient comme tu
me vois là, derrière ta caméra. Il n'y a aucun artifice. Il n'y a pas
cinquante tonnes de matos où tu caches la misère. Parce que dans
certains cas, ce que tu fais n'est pas top. Alors tu masques avec de la
fumée, des éclairages et un très gros son. Dans un club, tu te bats avec
le son. Il faut y aller. Il faut être un guerrier, un mercenaire. Donc
en 2005 je veux faire ça car je suis, depuis 1994, dans une lourde
addiction et je sens que je me fais du mal. Je sens aussi que j'ai envie
de rejouer de la batterie et je veux savoir si physiquement je suis
capable, comme lorsque j'étais gamin, de chanter et de jouer de la
batterie.
Donc je monte Furious Zoo en
trio. Parce que pour moi, et comme je te l'ai dit, c'est la
quintessence du rock'n'roll. Je me dis que visuellement ça sera
peut-être chiant, quoique j'engage deux mecs qui seront super à ce
niveau là. Benoit Cousin et Cédric Le Coz que
je rencontre lors d'un concert à proximité d'une ferme que j'avais
acheté en 2000 par ce que mon père vivait, à cette époque, dans le
Limousin. Mes parents avaient une maison à la campagne et je remonte
cette ferme avec mon père. Il y a un concert dans le village à
Saint-Julien-le-Petit à côté de Limoges. Et je vois un groupe de Hard
rock, Spectrum, avec deux musiciens russes, un chanteur et un batteur supers ainsi que Benoit Cousin à la guitare et Cédric Le Coz
à la basse. Et là je leur dit "Je vous engage" puis rajoute "mais
n'arrêtez pas votre groupe pour autant" et ils me répondent qu'ils ne
s'entendent pas très bien avec ces gars et que ça les arrangent bien
s'ils doivent se lancer dans un autre projet. Je leur fait remarquer que
je suis parisien et qu'il vont devoir se déplacer sans arrêt et que ça
va leur coûter du fric du fait qu'ils sont de Limoges. ils me répondent
que ce n'est pas grave et qu'ils ne sont qu'à deux heures de Paris. J'ai
dis "Ok" et on a fait le premier album de Furious Zoo. Pourquoi Furious Zoo Parce qu'en 1992 j'avais sorti un album où j'avais produit Thibault Abrial, guitariste de Johnny Hallyday et du groupe "Abrial's" avec son père Patrick et qui était un ami depuis que j'avais 19 ans. Thibault,
pour moi, est certainement le plus grand guitariste français. En tout
cas celui qui a apporté des choses avant les autres. Et donc on sort un
album qui s'appelle "Furioso" dans lequel on est en vedette tous les
deux avec plein d'invités. Nono de Trust, Le chanteur de Sortilège, le guitariste de Warning, le guitariste de Stocks, Vulcain.
Il y a une chanson qui s'appelle"Ten Screaming Guitars" et qui veut
dire "Dix guitares hurlantes". Ils sont dix à s’escrimer sur cette
chanson écrite par Thibault. Et puis, j'aimais bien l'idée de "Furioso" mais comme ce nom évoquait quelque chose à Thibault je ne voulais pas lui voler son idée. J'ai donc détourné l'idée en faisant "Furious Zoo". Et tous les albums qui ont suivi se sont appelés "Furious Zoo 1", "Furious Zoo 2"... Et là, je sors le "Furious Zoo 10" en février. "Fishnet" qui veut dire "Résille". N'y voyez aucune connotation sexuelle ! (rires)...
Et Thibault... un hommage total à Thibault Abrial.
A mon sens le plus complet des guitaristes français. Un frère pour moi
que je ne vois jamais, malheureusement, mais que j'adore et que
j'admire. Qui occupe sa vie, aujourd'hui, à donner des cours et à
enseigner la guitare. Il est excellent dans ce domaine. Et quel meilleur
professeur que le meilleur guitariste français. Il est magistral. Et
donc, je monte ce projet avec ces deux gars de Limoges et ça devient "Furious Zoo".
Un Zoo furieux. Et on en est à 10 albums en février. Voilà l'histoire.
Mais à la base c'était pour me refaire une santé et voir si j'étais
capable physiquement ... mais le corps est résistant en fait ..
En 2008, reformation de Satan Jokers avec d'autres membres du
coup tu joues au HellFest comment as tu vécu ce moment face à ce public
quels sont tes souvenirs ?
Renaud Hantson - La
reformation de Satan Jokers, c'est totalement inattendu. J'avais dis
une phrase mégalo. D'ailleurs avec Satan Jokers on a toujours eu des
phrases mégalo. Je reprenais en partie une phrase de Paul Mc Cartney qui
disait, "Tant que John Lennon sera mort je ne remonterais pas les
Beatles". Et on me disait tout le temps, "Regardes, il y a plein de
groupes des années 80 qui se reforment. Tu devrais remonter Satan
Jokers". Mais moi j'en avais rien à faire de remonter le groupe, que
Blasphème ou que Vulcain se reforment. C'était sans espoir. Donc ça ne
m'intéressait pas. Sauf que derrière tout ça, il y a la passion et on ne
peut rien contre ça. Quand tu es passionné et que tu aimes ce qui a été
ton premier projet professionnel et que tu as la chance de croiser sur
ta route un bassiste du talent de Pascal Mulot et que tu vas en studio
chez un mec qui s'appelle Olivier SPITZER qui, aujourd'hui, dirige la destinée du
renouveau de Sortilège, que tu fais une maquette et que tu proposes un
texte en anglais et que Mulot et SPITZER te disent "Non fait un texte en
français, Renaud. Ça pourrait presque sonner Satan Jokers". Et là, je
dis "On s'en fout de Satan Jokers. Le groupe a splitté et il est juste
question d'une reformation pour un concert dans un festival. Vous
n'allez pas m'emmerder pour faire un texte en français"... Et j'écris un
truc rapide, "Vaudou", qui parle de la relation entre un père et son
fils. J'y ai pas vu de relations entre mon père et moi. Mais en fait, çà
pourrait vouloir dire ça! et je regarde les mecs lorsque l'on mixe le
titre. Je regarde Pascal et Olivier et je fais "Putain, c'est du Satan Jokers d'aujourd'hui". Et, donc, on remonte le groupe. Olivier SPITZER à la
guitare rythmique, Pascal Mulot à la basse, moi à la batterie et au
chant. Mais j'avais décidé que je ferais pas de batterie. Donc on hésite
entre l'ancien batteur de Warning Gérald Manceau et Marc Varez de Vulcain qui était mon
batteur à ce moment là. On prend le moins techniquement compétitif des
deux, mais qui, lui, arrivait à l'heure en studio. On engage Marc Varez Qui ne
correspondait pas à Satan Jokers mais qui était un mec sympa avec lequel
je me suis très bien entendu pendant de nombreuses années avant qu'on
se fâche pour des raisons idiotes. C'était un bon batteur et un mec
bien. Jaime les mecs bien et je suis moi-même un mec bien. C'est pour ça
que c'est dommage de me fâcher avec des gens bêtement. Mais
aujourd'hui, il y a prescription. Parce que Gérald Manceau est décédé il y a deux
ans. Paix à son âme...
La vie passe si vite et
j'ai pas envie d'être en froid avec des gens quand c'est inutile. J'ai
vu qu'en plus Gérald Manceau avait monté un tribute à Grand Funk Railroad qui est
un groupe que j'adore par dessus tout. Donc on a la même culture. Enfin,
tout ça pour dire qu'il nous manquait un guitariste et Pascal me dit
"je vais m'en occuper". Dans ma tête je me dis qu'il va peut-être
brancher Patrick Rondat, un mec que j'adore et qui est devenu un ami.
Mais j'ai dans le collimateur Michaël Zurita du groupe BigBen rencontré grâce à
l'ancien batteur de Furious Zoo. Et je l'engage. C'est lui qu'il faut.
C'est un tueur et certainement le mec le plus complet que j'ai jamais
rencontré dans ce circuit du rock français. Il sait tout faire. De la
guitare flamenco, de la variété, de la pop, du Jazz rock, de la Bossa
Nova, du métal, du Jazz. Et comme Thibault il est professeur de guitare.Michaël Zurita a fait mon bonheur pendant 12 ans et a été dans tous mes projets.
Et donc Satan Jokers renaît de ses cendres avec ce Line-up. Pascal Mulot, Michaël Zurita.
On se sépare de Marc Varez, on engage Aurelien Ouzoulias et le groupe redevient un quatuor.
Donc un trio derrière le chanteur. Pour que la basse prenne toute sa
place car Laurent BERNAT est un grand bassiste. Et pour que la batterie soit prédominante aussi. Et quand j'engage Aurelien Ouzoulias Je me dis "Là c'est le nouveau Satan Jokers", le Satan Jokers
d'aujourd'hui ! Ça doit rester un groupe de tueurs techniquement. Un
groupe avant-gardiste si possible. C'est plus dur d'être d'avant-garde
en 2009 quand on remonte le groupe. Mais il y a quand même des albums
avant-gardistes puisque je fais une première thérapie avec Laurent Karila le
célèbre psychiatre. Ensemble, on fait trois albums qui sont des pièces
d'anthologie. "Addictions" est un album sur la cocaïne validé par une
mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites
addictives. Donc le premier album de Hard rock au monde à être validé
par une mission gouvernementale. La Mildeca ... Un truc de fou ! 2e
album "Psychiatric" sur 12 maladies psychiatriques. 3e album "Sex Opéra"
sur ma deuxième addiction, le sexe. Et voilà, on monte un truc
aujourd'hui encore plus culte qu'en 1980. Mais tout ça c'est du travail.
C'est une envie mentale de rester, peut-être, dans une niche et être à
la fois underground et culte. Et surtout d'être au dessus de la norme de
ce qui se fait commercialement. C'est pour ça que j'ai toujours aimé
cette notion d'être un artisan. Car l'artisan fait mieux son travail que
ce qui est fait à la chaîne. Alors, bien sûr, l'artisan n'a pas la
communication, il n'a pas l'exposition ni la promo. Il n'a pas accès à
un chiffre de vente aussi considérable que ce qu'obtiennent certains
trucs de merde. Je ne veux pas être méchant mais lorsque j'écoute la
radio c'est que de la merde. Mais je m'en fous. Je peux aller pousser un
caddie chez Leclerc, personne m'emmerde. De temps en temps 2/3
personnes qui me reconnaissent me disent "Vous chantez tellement mieux
que la moyenne. Pourquoi on ne vous voit plus à la télévision" ? Et je
leur répond "Regardez ce qu'il y a à la télé, madame..."
Fin de la Partie 1
Voir la deuxieme partie ICI
Thierry CATTIER
Photos DR et Th CATTIER / SHOOTING IDOLS
William CHOPIN (Retranscription)
Interview en VIDEO Cliquez ICI