mardi 16 mars 2021

BARTON HARTSHORN // Interview // Listen For A Change ... 15 Mars 2020.

 



Pour commencer cette interview avec toi Barton, « Listen For A Change » évoque la jeunesse, aujourd'hui, nous aimerions évoquer tes premières années. Quelle a été ta jeunesse en Angleterre, l’adolescence, l'école, tes amis et ta famille ?

Barton Hartshorn. C’était une jeunesse de deux extrêmes, c’est-à-dire la première moitié dans le nord de l’Angleterre, dans « The Lake district », une région de lacs et de montagnes, un endroit magnifique qui ressemble plus à l’Ecosse. Ensuite, on a déménagé dans le sud, les « Home counties », la campagne plate et verte des contés qui touchent Londres. Je suis passé d’une école expérimentale où on appelait les profs par leur prénom et où les devoirs étaient optionnels à une école format classique avec uniforme et une approche très traditionnelle. Donc tout a changé ; l’accent, le temps, l’école, la mentalité, les copains…
Mais j’ai aussi passé des périodes en France, en Gironde avec mes grands-parents. Je suis allé à l'école du village pour apprendre le Français. C’était donc une enfance à plusieurs identités : j’étais du Nord, j’étais du sud, j’étais Anglais, j’étais Français… Par conséquent, je me suis toujours senti chez moi dans plusieurs endroits.

Quelles ont été tes premières découvertes musicales, tes premières influences et tes idoles ?

Barton Hartshorn. Comme pour la plupart, c’était les vinyles de mes parents qui ont servi de premier point d'accès à ce monde. Donc des 45 tours des années 60 - Beatles, Ray Charles… et puis du jazz - Dave Brubeck, Sidney Bechet. Il y avait aussi des albums folks plutôt traditionnels qui m’ont marqué et cette scène-là qui n’a pas traversé les frontières était très riche et dynamique. C’était une scène qui pouvait même atteindre le grand public et le top 40 (on n’allait pas jusqu’à 50 au Royaume Uni !). Les chanteurs folks racontaient des histoires avec pleins de personnages. Des romans en 4 minutes, quoi que parfois ça durait beaucoup plus longtemps ! Mais en tout cas, ils étaient présents, ils jouaient dans des pubs et des salles dans les villes autour de nous. Je pouvais même les rencontrer après un concert. C’était une scène accessible (pas comme la Pop). C’est le chanteur Jake Thackray qui m’a le plus marqué. Un des rares talents à pouvoir condenser un roman en 4 minutes. C’était le Brassens Anglais - ils se connaissaient en plus…

À quel âge as-tu commencé à jouer de la guitare ?  Et de quel autre instrument joues-tu ?

Barton Hartshorn. La guitare à 10 ans, grâce au principal de l’école qui donnait des cours de guitare folk le jeudi midi ! Ensuite, j’ai commencé la batterie à 12 ans. J’ai continué à prendre des cours sur ces deux instruments pendant plusieurs années. Ensuite, une fois dans l’école traditionnelle, j’ai rencontré d’autres musiciens et on a passé tellement de temps ensemble qu’on a tous fini par apprendre les instruments des autres. Les guitaristes ont fini par jouer du piano et vice versa.

Tout commence en 2003 avec le 1er album de ton groupe Dictafone Wrapped up in a five pound note (François Combarieu, Vincent Guibert et Karim Benaziza). Comment s'est passé la création et l'enregistrement de ce premier opus à Paris ?


Barton Hartshorn. Au fait, ce premier opus est presque un album solo. J’ai joué un peu de tous les instruments, même si sur certains titres il y a eu des invités qui figureront plus tard, comme Karim par exemple qui m’a présenté Vincent une fois que le mixage était terminé. C’était aussi un album enregistré entièrement chez moi. La prise de son du quatuor à cordes sur « 10 moons rising » a été faite dans mon salon.

Puis 2 albums (2005 : The chocolate king / 2011 : Home),  raconte-nous ces quelques années au sein de DICTAFONE ?

Barton Hartshorn. Sur The Chocolate King on s’est pris pour Divine Comedy mais on a oublié qu’on n’avait pas le même budget ! On l'a tenté quand même en allant faire les parties orchestrées à l’Université de Sheffield dans le nord de l’Angleterre. Un album très éclectique ; pop, folk, rock, même une chanson cabaret, très Danny Elfman, « The Gambler’s suite », qui reste une de mes préférées.
Pour Home on avait pris la décision d’écarter les arrangements orchestraux et de se concentrer sur le son du groupe. Enregistré en Normandie au studio Musicopré - là où on vient d’enregistrer le tout dernier album - j’ai transporté mon 24 pistes analogiques et ma console là-bas pour avoir le son de la bande. Ce n’était que le début d’une grande aventure qui nous a emmené à Los Angeles pour mixer avec Ken Scott qui a travaillé avec Bowie, Beatles, Supertramp, Lou Reed etc. Deux semaines de rêve sur le côte ouest avec une vraie légende.

Te souviens-tu du tout premier concert que tu as donné ? De la ville et/ou de la salle ?


Barton Hartshorn. C’était le bal de fin d’année dans mon école à Aylesbury dans le sud de l’Angleterre. Comme celui dans Harry Potter mais en plus petit et sans Jarvis Cocker ! On avait 16 ans et mon groupe a été choisi pour faire la première partie avant un groupe professionnel (Zoot & the Roots). On a joué nos compositions. Sur scène, je tremblais devant le micro et j’avais peur que tout le monde le voie. C’était effrayant, mais une fois descendu de la scène, je ne voulais que remonter. Bowie avait joué sur la même scène au tout début des années 70 et c’était impressionnant de savoir qu’on était là, que nos pieds étaient peut-être posés au même endroit…

Comment procèdes-tu pour écrire tes chansons, entre le moment où vient l'idée d'un texte d'une mélodie et celui de l’écrire ?

Barton Hartshorn. La composition et l’écriture des chansons est quelque chose qui se passe sur 24h. Beaucoup de mes morceaux me viennent la nuit. Dans mes rêves, je suis en train d’écouter la radio ou je suis avec un musicien célèbre. En général, je me réveille après avoir entendu un couplet et un refrain et je l’enregistre sur mon téléphone à côté du lit. Parfois je me lève pour trouver les accords à la guitare à 3h du matin. Ça a commencé vers 14 ans et ça continue. Je compose aussi en journée :) et pour la plupart, ça commence avec une mélodie que je marie ensuite avec des phrases que j’ai notées au fur et à mesure. Certaines paroles restent dans mon carnet pendant des années avant de trouver leur partenaire idéal en musique.

Tu as déjà sorti 4 albums : 2013 Headquarter Café / 2016 I Died of Boredom and Came Back as Me / 2018 Twelvemonth ainsi qu'un EP live à Paris... Aujourd’hui avec ton nouvel album, Not What I Expected to Hope For, on ressent un retour à tes racines Pop Rock, as-tu une manière de travailler et de composer différente des précédents ?

Barton Hartshorn. Quasiment toutes mes chansons ont un caractère assez folk au départ. C’est ensuite selon la direction artistique choisie pour l’album qu’elles sont adaptées et arrangées pour aller dans la bonne direction. Vincent Guibert (clavier et coréalisateur de mes albums) me sort systématiquement la même phrase au première écoute de nouvelles chansons: « C’est très folk tout ça ». Ça devient du déjà vu… Un de ces jours, je vais l’enregistrer comme preuve.


« Like the Sea » : Trouver un remède et partir loin de tout : une prémonition pour ce qui se passe en ce moment ? Raconte-nous comment tu as écrit ce titre ?

Barton Hartshorn. Composée (ou plutôt rêvée) en Australie en 2013, c’est la chanson la plus ancienne de l’album. Voilà un exemple d’une mélodie qui a attendu 3 ans avant d’avoir des paroles sur mesure. Dans le rêve, Paul McCartney chantait “Soon you will be a stranger in Love.” Pas possible de garder ces paroles !! Le fait que les paroles définitives de « Like the Sea » aient une résonance avec ce qui se passe aujourd’hui est une pure coïncidence. Rien d’autre…

« Listen For A Change » évoque de manière très mélancolique mais emplie de vibrations positives les questions d'une jeunesse pleine d'espoirs sur son avenir, as-tu voulu exprimer la nécessité de garder le contact avec l’enfant qui sommeille en nous ?

Barton Hartshorn. Tout à fait. Je pense que si on perd ce lien, on est perdu en tant qu’espèce. On a besoin de grandir et d’évoluer mais pas au détriment de la magie et de l’émerveillement qu’on possédait pendant ces années formatives. Et en tant que créatif, c’est essentiel de ne jamais perdre le contact avec cette jeune âme. C’est elle qui n’a pas peur de dire la vérité quand l’adulte est prêt à la mettre de côté pour passer à autre chose.

« Forbidden Days » est une très belle chanson très nostalgique, était-ce un besoin pour toi de revenir vers tout ce qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui ?


Barton Hartshorn. Je ne sais pas si c'est un besoin, mais en tout cas les souvenirs d’enfance et d’adolescence sont beaucoup plus figés que, par exemple, les souvenirs d’il y a 5 ans. Des scènes vécues par l’adolescent restent donc très présentes. C’est très utile pour un artiste d’avoir ce stock d'émotions et des souvenirs accessibles en replay ! Je me souviens d’une interview avec l’écrivain Gabriel Garcia Marquez où il disait que tous ses livres n’étaient à la base que des souvenirs d’enfance. C’est un puit sans fond…

En concert ou en studio, comment te prépares-tu et as-tu une approche différente dans ta façon de travailler ?

Barton Hartshorn. Je trouve que le storytelling est aussi important en concert qu'à l'intérieur des chansons mêmes. Ça peut être la meilleure mélodie au monde, mais si le public ne la connaît pas, il faut présenter le morceau d’une façon où ils vont prêter plus d’attention qu’ils ne le feraient d’habitude. Trouver les quelques phrases, ou l’anecdote qui précèdent chaque chanson est une grande partie de ma préparation pour le live. En studio, je me fie beaucoup à la première écoute de la chanson dans sa forme la plus simple, guitare-voix ou piano-voix. Et ensuite, avec Vincent (co-réalisateur), on fait une liste d’instruments pour l’arrangement et on les coche un par un jusqu'à la fin de façon très administrative ! Mais certains titres peuvent être enregistrés deux ou trois fois avant de trouver l’arrangement qui marche. Il nous est même arrivé de nous rendre compte que la première version était finalement la bonne. Comme pour beaucoup de choses, il faut parfois s’éloigner pour mieux voir.

Comment as-tu vécu la période de confinement ?

Barton Hartshorn. Le confinement lui-même ne m’a pas trop troublé, puisque j’avais tellement de projets musique/écriture qui trainaient dans les tiroirs depuis des années. J’avais largement de quoi m’occuper. Ce que j’ai trouvé dur, c’est de ne pas pouvoir voyager. Depuis que je suis né, je n’ai jamais passé plus que 12 mois sans traverser une frontière quelque part. Je ne me sens pas chez moi à un endroit précis et j’ai donc besoin de régulièrement passer du temps dans plusieurs pays pour compléter ma collection. Ne pas voyager devient un manque physique.

Y a-t-il un artiste ou un groupe avec lequel tu aurais aimé jouer?

Barton Hartshorn. Ado, j' imaginais des scénarios ou le batteur de It Bites (pop/prog-rock) quittait le groupe, il y avait donc des auditions ! Mais assez rapidement, mon seul focus était de composer et de jouer mes propres morceaux. J’ai quelques chansons prévues pour des chanteuses ou chanteurs précis. J’en ai une pour Springsteen et une autre pour Rickie Lee Jones. Un jour peut-être. Faut pas que ça traîne…

Si tu devais te définir, quelle serait ta phrase ou ta devise ?

Barton Hartshorn. Songwriter tout simplement. Il y a tout là-dedans…

Merci a toi Barton et a très vite sur une scène.


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Th Cattier - Photos :  Thierry Cattier / Shooting Idols