dimanche 28 mars 2021

MIKE ZITO // Interview // Quarantine Blues ... Mars 2021.

 
C'est avec un très grand plaisir que nous avons pu nous entretenir avec Mike Zito et revenir un peu sur son parcours, sa jeunesse et sa carrière.

Grâce à ce moment privilégié, nous avons pu recueillir lors de cet entretien quelques anecdotes sur ce grand guitariste qui se fait trop rare à notre goût dans notre pays.

En attendant de pouvoir le revoir très vite ici en France, voici cette interview que nous avons le plaisir de partager  avec vous.


Pour commencer cette interview avec toi Mike, nous aimerions d’abord évoquer tes premières années. Tu as grandi à  St. Louis dans le Missouri, comment s'est passée ta jeunesse ?

Mike Zito.
Oui, je suis né et j'ai grandi dans les quartiers sud de St. Louis. Ma jeunesse a été globalement amusante. Nous étions pauvres et nous vivions à 5 dans un petit appartement de 4 chambres.

Quels souvenirs gardes-tu de ces premières années, l’adolescence, l'école, de tes amis et ta famille ?

Mike Zito.  J'ai reçu une éducation catholique, je suis allé à l'église du lundi au vendredi avant l'école, puis à nouveau le dimanche.
Mon père adore la musique de big band et nous en avons beaucoup écouté quand j'étais jeune. Mes frères et sœurs sont tous beaucoup plus âgés que moi et mes parents sont nés dans les années 1920. je me suis épanoui un peu tardivement dans le monde qui m'entourait.

Quelles ont été tes premières découvertes musicales, tes premières influences et tes idoles ?

Mike Zito. Michael Jackson et Frank Sinatra ont été mes premières influences. J'ai regardé le Jackson 5 à la télé quand j'étais enfant et mon père adorait Frank Sinatra.
J'ai entendu une guitare pour la première fois à 8 ans - c'était Eddie Van Halen qui jouait "Eruption". Cela a tout changé.

Tu commences très tôt à jouer de la guitare et à la fin de ton adolescence, tu fais partie de la scène musicale locale de Saint-Louis. Comment tout cela c'est il passé ?

Mike Zito. J'ai commencé à jouer de la guitare à l'âge de 8 ans. Je n'ai pas pris beaucoup de leçons, j'ai quasiment tout appris par moi-même.
J'ai chanté dans des groupes à l'école et j'ai commencé à travailler dans un magasin de musique à 18 ans. C'est là que j'ai reçu ma véritable éducation musicale.
J'y ai travaillé pendant 10 ans et j'ai commencé à jouer sur la scène locale à St. Louis.
Des groupes de rock, des groupes de country, du rythme et du blues - j'ai joué tout ce que je pouvais.

 Après avoir joué et sorti ta musique de manière indépendante (notamment l'album "Blue Room" retravaillé récemment et ressorti chez Ruff Records) tu travailles en même temps au Guitar Center de St. Louis. Comment gérais-tu le travail et la musique ?

Mike Zito. J'ai sorti mon premier album en 1998 - "Blue Room". Après cette sortie, j'ai commencé à travailler au Guitar Center. J'ai toujours travaillé le jour et joué de la musique la nuit.
Je n'ai quitté mon travail que bien plus tard dans la vie :)

Te souviens-tu du tout premier concert que tu as donné ? De la ville et/ou de la salle ?

Mike Zito. La première fois que j'ai joué devant des gens et que j'ai été payé, j'avais 18 ans et j'ai joué dans un groupe de reprises de R&B à St. Louis dans un bar appelé "Caleco's".

Tu as rencontré Devon Allman quand tu travaillais au Guitar Center de St. Louis et en 2008 vous fondez la Royal Southern Brotherhood, un supergroupe de blues et de blues rock américain qui comprend Cyril Neville, Devon Allman, Charlie Wooton et Yonrico Scott. Comment s'est passée cette collaboration tant en concert qu'en studio ? As-tu quelques anecdotes sur ces annnés-là ?

Mike Zito. Je connaissais Devon Allman depuis quelques années avant de travailler avec lui au Guitar Center, mais nous sommes devenus des amis plus proches à cette époque.
Nous avons fondé la Royal Southern Brotherhood en 2012. C'était un merveilleux groupe de musiciens qui a changé ma vie pour toujours - musicalement et spirituellement.
C'était un moment merveilleux qui ressemble maintenant à un rêve. Parfois, nous nous sommes battus, parfois nous avons pleuré - mais nous avons beaucoup ri et joué beaucoup de bonne musique partout dans le monde.



Comment procèdes-tu pour écrire tes chansons, entre le moment où vient l'idée d'un texte, d'une mélodie, et celui de l’écrire ?


Mike Zito. Ca dépend en quelque sorte. J'écris des chansons de différentes manières, je prends ce que le bon Dieu me donne. En général, je pars sur un texte qui me plait ou une partie de guitare, et ça roule.

En 2012 "The Wheel" tu fondes ton nouveau groupe, avec Scot Sutherland à la basse, Lewis Stephens aux claviers, le batteur Rob Lee et Jimmy Carpenter au saxophone et tu signes avec Ruf Records, plus qu'un label, une famille, et tu sors "Gone to Texas" avec entre autres en invités, Sonny Landreth et Delbert McClinton au chant et l'harmonica. Un CD dédié à l'État du Texas, certains parlent d'un tournant dans ta carrière, parle-nous de tout ca?


Mike Zito. Oui, en même temps que j'étais dans la Royal Southern Brotherhood, j'ai commencé mon groupe solo avec The Wheel, un groupe de musiciens avec qui j'avais aimé travailler.
Le premier album était "Gone to Texas" en 2013, où je raconte mon arrivée au Texas, le fait de devenir clean, sobre et de changer ma vie.
Je pense que mes textes sont devenus plus ouverts, les gens ont pu comprendre les luttes que j'avais traversées et que j'étais joyeux d'être libéré d'une vie de dépendance.

En concert, en studio ou en tant que producteur, comment te prépares-tu, y a-t-il une différence dans l'approche ou ta façon de travailler ?

Mike Zito. Oui, tous très différents mais pareils. En live, j'essaie d'être physiquement et mentalement prêt à écouter et à être ouvert, mais aussi à rester concentré dans l'instant présent.
En tant qu'artiste en studio, j'essaie de prendre conscience de la magie qui pourrait se produire et d'écouter mes ressentis. J'écoute mon producteur et je prends une direction du mieux que je peux.
Je veux toujours que la musique sonne et se sente bien.
En tant que producteur - c'est un travail différent, on est tous ensemble. Être producteur signifie surtout être responsable du projet d'album tout entier, dans les délais que nous avons fixés.
Ce n'est pas aussi artistique, c'est plus un travail. Parfois, j'arrive à aider l'artiste à faire quelque chose de créatif, mais surtout je suis une deuxième paire d'oreilles pour assurer l'artiste que la musique sonne bien ou pas. Tout dépend du projet. Certains artistes me donneront beaucoup d'espace pour être créatif et d'autres non.

Tu as produit les albums de Samantha Fish, Albert Castiglia, Ally Venable, Jeremiah Johnson, Jimmy Carpenter entre autres... Comment choisis-tu les groupes que tu produis ?

Mike Zito. Eh bien, j'ai généralement de la chance de travailler avec eux. La plupart du temps, ce sont les artistes ou les maisons de disques qui me choisissent.

Tu as aménagé un studio d'enregistrement, le studio Marz près de chez toi dans une petite ville au Texas : travailler dans ton propre studio, pour toi ou pour d'autres groupes a-t-il changé ta façon de travailler ?

Mike Zito. Cela m'a certainement donné du temps. Du temps pour être créatif et prendre des risques que je ne pourrais pas prendre lorsque le temps est limité dans un autre studio.

Tu viens de créer ton propre label "Gulf Coast Records" basé au Texas avec entre autres Albert Castiglia, John Blues Boyd, Billy Price, Jimmy Carpenter, Tony Campanella, Kat Riggins, Diana Rein, Kat Riggins, Sayer & Joyce, et bien d'autres à venir. Comment te sens-tu en patron de Label ? Tu dois gérer différement le côté artistique et le business musical ?

Mike Zito. Certainement... J'ai beaucoup appris tout au long de mon parcours - Thomas Ruf m'a beaucoup appris sur le fonctionnement des maisons de disques. C'est un mélange entre s'assurer de ne pas perdre d'argent et continuer à faire la musique que nous voulons faire et promouvoir. J'aime diriger le label avec mon partenaire, Guy Hale. Nous formons une très bonne équipe. J'aime toujours faire des disques et sortir de la nouvelle musique.



Tu as tourné un peu partout dans divers pays, as-tu déjà constaté une différence dans les réactions ou au travers de tes rapport avant ou après concert entre le public Américain, Européen ... Français, Allemand ou autres ? Gardes-tu quelques anecdotes sur certains concerts, et notamment te souviens-tu de ta premiere scène en France ?


Mike Zito. Parfois, aux États-Unis, le public est bruyant et peut-être pas toujours à l'écoute - cela dépend du lieu. En Europe, je dirais que le public écoute plus attentivement.
C'était un peu étrange au début parce que tout le monde est très calme pendant que le groupe joue - je n'étais pas habitué à ça.
Un de mes premiers spectacles en France dont je me souviens était à Paris avec RSB - près du Moulin Rouge. C'était un vieux théâtre très cool. J'ai trouvé le public français très réceptif, pas trop calme.
Mon tout premier concert était en Suisse - pas un bruit dans le public jusqu'à la fin du spectacle, personne n'applaudissait après les chansons - ils ont attendu que le spectacle soit terminé, puis ils se sont levés et ont applaudi. J'étais sûr qu'ils ne m'aimaient pas, ni ma musique :)

En Mars 2020, ta tournée en Europe est annulée suite à la pandémie, tu rentres au Texas et en 14 jours tu composes, enregistres et mixes l'album "Quarantine Blues" avec des musiciens comme Joe Bonamassa, Walter Trout, Eric Gales, Robben Ford, Sonny Landreth, Luther Dickinson, Albert Castiglia, Anders Osborne et, de manière significative, Chuck's petit-fils, Charles Berry III. Comment as-tu vécu cette période trouble ?

Mike Zito. J'ai fait un album intitulé "Rock n Roll: A Tribute to Chuck Berry" sur Ruf records en 2019 et c'est l'album qui présente tous ces merveilleux guitaristes.
J'ai fait un album gratuit intitulé "Quarantine Blues" au printemps dernier lorsque notre tournée a été annulée.

En ce mois de Février 2021, tu repars sur les routes pour de vrais concerts avec un vrai public : comment appréhendes-tu cela avec les distanciations etc etc ?

Mike Zito. Eh bien, nous n'avons que quelques spectacles que nous pouvons assurer en ce moment - pas vraiment une tournée. Les spectacles au Texas ont été plutôt bons - mais oui, distanciés et masqués.

En ce moment, plus les années passent, plus le monde va de travers... Crises sanitaires, mouvements sociaux… Que penses-tu de tout cela ?

Mike Zito. Je pense que les temps changent constamment. Nous vieillissons et les jeunes s'approprient le monde - c'est le leur, pas le nôtre.
J'essaye d'être ouvert d'esprit - mais je continue à faire ce que j'aime, je ne change pas ma voie musicale.

Si tu devais te définir, quelle serait ta phrase ou ta devise ?

Mike Zito. "Laisse ton ego, joue de la musique, aime les gens." - Luther Allison.

Aujourd'hui, quels sont tes groupes préférés ? Sont-ils les mêmes qu'avant ? Quel genre de musique préfères-tu écouter ? Y a-t-il une chanson ou un album qui restera pour toujours ?

Mike Zito. J'écoute Johnny Winter, Kenny Burrell, Lyle Lovett, John Hiatt, John Scofield, Muddy Waters - tous les jours - chaque semaine.
Van Halen "1" - sera toujours l'album préféré de ma jeunesse.

Qu’est-ce que tu fais lorsque tu ne travailles pas? Quels sont tes passions et tes passe-temps?

Mike Zito. J'apprécie vraiment ma famille. J'ai une femme merveilleuse et 5 enfants de 10 à 26 ans. Nous voyageons, nous jouons, nous profitons - c'est ce que j'aime faire.

Pour finir, si tu devais te rendre sur une île déserte et ne garder que 3 choses : un disque, un film et un troisième choix, quelle serait ta sélection et pourquoi?

Mike Zito. Muddy Waters - "Hard Again" - pour moi il a tout, des chansons, du chant et de la guitare - une musique merveilleuse.
"Raging Bull" - mon film préféré de tous les temps - en noir et blanc, et le meilleur jeu d'acteur qui soit.
Ma femme - Laura. C'est ma meilleure amie dans ce monde et j'adore passer du temps avec elle - je dois l'emmener (même si elle ne serait pas contente de la musique et du film que j'ai choisis !)

Merci a toi Mike et à très vite.


Th Cattier
Photo : Th. Cattier /
Shooting Idols