samedi 22 février 2020

BLIND GUARDIAN (André Olbrich) // Interview // Novembre 2019.


BLIND GUARDIAN version Twilight Orchestra est de retour avec "The Legacy Of The Dark Lands" un album qui va surprendre tout le monde même si nos teutons en parlent depuis plusieurs années et certainement désarçonner quelques fans purs et durs, imaginer un opus sans guitare, sans basse et sans batterie de quoi en étonner plus d'un.
Un rêve devenu réalité sur lequel ils on travaillé près de 23 ans ! Un projet ambitieux et complexe toujours fortement inspiré par de l’univers de l’Heroic Fantasy, démesuré qui prouve à quel point nos teutons ont du talent à revendre !
L'arlésienne n'est plus et l'opus est bien là et s'avère comme un événement en soi .
On ne peut qu'être qu'impressionné devant le travail titanesque réalisé par André Olbrich et Hansi Kürsch qui ont intégralement composé cet opus gargantuesque .
Peu de formation ont acquis cette dimension qui leur permet de s'aventurer dans un projet classique aussi colossal qui s'éloigne autant de leurs racines car on est à des années lumières du Métal.
Ici il s'agit d'un véritable album classique ou ne figure que l’orchestre Filmharmonic de Prague dirigé par Adam Klemens (Déjà sollicité par BLIND GUARDIAN sur Beyond The Red Mirror) et le chant de Hansi Kürsch qui semble littéralement possédé par l'histoire ici narré qui est la suite du roman de Markus Heitz Die Dunklen Lande (Les Terres Sombres) paru quelques mois plus tôt . Il faut pour rentrer dans cet opus une grande ouverture d'esprit même si la touche BLIND GUARDIAN est toujours présente notamment grâce aux parties vocales proprement hallucinantes de Hansi Kürsch qui prouve qu'il est bien plus qu'un chanteur de Métal.
Certainement la grande révélation de "The Legacy Of The Dark Lands" tant son talent inonde chaque morceaux de cet opus par son chant magnétique et envoutant soutenu par des chœurs surpuissants.
Du grand art ! Chapeau bas Mr Hansi ! Au final douze morceaux auquel s'ajoute douze interludes narratif enregistrés par des acteurs britanniques.
Un seul mot vient à l'esprit devant cet œuvre épique et grandiloquente Respect !
C'est avec André Olbrich un des géniteurs de Orchestra "The Legacy Of The Dark Lands" que votre serviteur à pu s'entretenir pour découvrir et comprendre la genèse d'un tel projet qui frise la mégalomanie et s'avère être l'aboutissement de leur plus grand rêve créatif.
Un entretien sympathique avec un guitariste sur de lui et très fier d'avoir enfin pu venir à bout de cette œuvre titanesque qui fera date dans l'histoire de BLIND GUARDIAN à n'en pas douter ! Magnéto André c'est à toi !
 



Quel souvenir gardes tu de votre dernier concerts au Hellfest le 19 Juin 2016 ?
André Olbrich. Évidemment, le Hellfest est toujours quelque chose de spécial.
C’est incroyable de constater que ce festival s’est si bien perfectionné et est devenu le premier festival au monde.
J’ai vraiment pris du plaisir à jouer.
La vue de la scène est incroyable.
Je n’oublierai jamais ce moment.

Vous avez aussi fait aussi une tournée européenne en 2016-2017 ?
André Olbrich. Ce fut une tournée spécialement réussie.
Parmi tous les festivals, Wacken a été une très bonne expérience.
Le point culminant est de voir se rassembler soixante-dix mille fans.
Nous avons adoré la tournée.
Il y a eu beaucoup de concerts à travers le monde.
Nous avons joué dans plus de soixante pays et avons donné cent cinquante concerts ensemble.
Je suis content que tout se termine, de tous ces voyages et d’être enfin de retour à la maison.
C’est aussi une joie.

Le groupe n'a plus donné de concerts depuis deux ans. Est ce que le fait de ne plus jouer sur scène t'as manqué ?
André Olbrich. Oui d’un coté tu adores rester à la maison, être cool et créatif.
En revanche l’ambiance sur la scène te manque.
Durant les périodes d’écritures j’assiste à des festivals et des spectacles dont je suis réellement fan.
Comme ça je peux faire les deux. [Rires]

Est-ce qu’il y a un concert qui t’as impressionné ?
André Olbrich. Oui. J’adore revoir SLAYER lorsqu’ ils ont annoncé leur tournée d’adieu.
Je les ai vus deux fois.
L’année dernière j’ai assisté au dernier concert d’Ozzy Osbourne en Allemagne.
C’était aussi très impressionnant avec Zakk Wild qui est un de mes guitaristes préférés.
J’ai vu tellement de show.
Egalement impressionné par SHINEDOWN que j’ai vu au Japon et à Cologne.
Très bon groupe, une performance sur scène exceptionnelle.
Pour cette année il y a eu SLIPNOT qui a fait un concert énorme au niveau des lumières.
J’ai vu tellement de concerts. Pas loin d’une centaine. [Rires]

Le nouvel album s’intitule «  Legacy Of The Dark Lands ». Est que tu te rappelles du moment où l'idée de ce concept est née ?
André Olbrich. Oui c’était en 1996. Nous enregistrions l’album « Nightfall in Middle-Earth » avec Hansi.
Nous avions dans l’idée de faire quelque chose à la Tolkien comme le seigneur des anneaux.
Je voulais connecter notre musique à ce monde fantastique.
J’ai commencé les instruments orchestraux et immédiatement cela se rapprochait d’une bande sonore.
Je l’ai adressé à Hansi et son chant n’avait rien à voir avec celui de BLIND GUARDIAN.
Nous savions que nous avions accouché d’un magnifique concept.
Hansi chantait avec différentes voix incarnant des personnages et mes compositions étaient plus centrales.
C’était tellement bien que nous avons réalisé que ce serait dommage de n’avoir qu’un seul titre.
Nous devions écrire plus de titres brillants comme celui-ci pour faire un album.
Depuis cet instant nous nous sommes mis à l’écriture des chansons et aussi de rassembler plus de matériels. 


Comment te sens-tu maintenant que le projet est terminé ? Le rêve se réalise.
André Olbrich. Oui, le rêve devient réalité.
Je me sens soulagé parce qu’il y avait beaucoup de risque que ce projet ne voit pas le jour.
Heureusement tout à fonctionné.
Maintenant j’aimerais avoir le ressenti, le retour d’informations des fans.
J’étais curieux à l’idée de les présenter à quelqu’un et de savoir s’ils aiment, s’ils accrochent.
Quand tu réalises ce genre de projet à première vue tu le fais pour toi.
Tu n’as aucun moyen d’avoir la réaction de tes fans.
Finalement on va pouvoir avoir leurs réactions sur les réseaux sociaux.

Est ce que tu penses toucher un plus large public autre que les fans habituels de BLIND GUARDIAN ?
André Olbrich. Je ne crois pas que l’on va atteindre tous les fans de métal.
La raison en est que certains fans ne sont pas du tout impliqués dans la musique classique.
Je suis un joueur de fantastique : un geek.
Cette musique s’y prête complètement ainsi que pour les fans de livres fantastiques.
Hansi a toujours été un fan.
Il lisait des livres tous les jours.
Pour tous ceux qui aiment le fantastique c’est peut-être le genre de musiques probablement recherché.
C’est la musique parfaite pour les fans de fantastiques et il y en a tellement comme la série "Game of Thrones".
Cette série a énormément de followers ou encore le seigneurs des anneaux de Tolkien.
Je joue à des jeux comme "World of Warcraft" ou "Final Fantasy".
Donc il y a plein de gens qui ont pour décor le fantastique. Nous leur fournissons la musique.

Est-ce que tu penses que «  Legacy Of The Dark Lands ». pourrait devenir la bande son d'un film ?
André Olbrich. Je crois qu’il y a une possibilité.
La musique sans les chants est formidable comme musique potentielle de film.
On peut aussi penser à des corporations comme les films ou un jeu.
C’est tout à fait probable. Notre but est de jouer cette musique sur scène.
Nous pensons sérieusement à des producteurs.
Un endroit spécial pour créer un grand événement, et amener un orchestre au complet sur scène.

Il y a douze titres et douze interludes. Comment as-tu travaillé sur ces partitions ?
André Olbrich. Lorsque j’ai commencé à travailler, j’ai tout programmé sur l’ordinateur en utilisant des échantillons de chansons et des bibliothèques de sons.
C’était un grand défi d’apporter les partitions que tout l’orchestre allait pouvoir jouer.
Nous avons trouvé un gars super, Matthias Ulmer (Ndr : Le claviériste du groupe de Rock Progressif ANYONE'S DAUGHTER) qui a travaillé avec nous sur ce projet.
Le plus grand défi est d’avoir un vrai joueur de talent.
Quelqu’un de magique et nous ne voulions pas perdre cela.
Le son codé est très difficile à reproduire par un orchestre humain.
Nous devions travailler très prudemment sur le programme pour créer les mêmes sensations et garder le même esprit que nous trouvions dans la composition originale.
Nous avons travaillé très dur.
Il y avait aussi le chef d’orchestre (Ndr : Adam Klemens) qui vérifiait le programme et jusqu’où pouvait aller ses musiciens pour jouer.
Nous sommes allés très loin dans le détail pour obtenir ce résultat.

Pour la composition, tu n’écrivais pas les chansons sur papier, tout était dans ta tête.
André Olbrich. Oui c’est vrai. Je n’ai pas étudié l’orchestration et n’ai rien écrit sur papier.
Pour moi c’est plus simple de le faire en enregistrant mes compositions.
J’ai un studio et mon ordinateur. Je joue soit sur l’un soit sur l’autre.
Je joue aussi mes mélodies à la guitare, je programme de la batterie ou des instruments d’orchestre.
Je programme les sons dont j’ai besoin pour créer une chanson.
Plus tard je peux tout réarranger dans mon système.
Dès que la chanson est finie Hansi chante et la rejoue pour répéter.

As-tu enregistré beaucoup plus de chansons que les douze titres ?
André Olbrich. Nous avons enregistré plus de chansons.
Nous avons trois ou quatre morceaux qui ne sont pas sortie.
La semaine dernière, j’en ai écrite une autre.
Peut être à l’avenir nous continuerons à travailler avec du matériel d’orchestre.
Nous avons l’option de continuer le side project et de faire un nouvel album.

Espérons que tu ne vas pas le sortir dans vingt ans. Rires !
André Olbrich. Rires ! Non. Pas dans vingt ans car nous avons appris à le faire. Nous avons l’équipe de production et le bon orchestre.
On peut le faire beaucoup plus vite. [Rires]
Nos fans n’ont pas à avoir peur d’attendre le prochain album.
 

Markus Heitz est un auteur de livres de fantasy, horreur et science-fiction allemand comment l’as-tu découvert ?
André Olbrich. Au début nous voulions travailler avec comme base Tolkien( Ndr : J. R. R. Tolkien, est un écrivain, poète, philologue, essayiste et professeur d’université britannique auteur du Le Seigneur des anneaux ), mais vu le succès incommensurable du film et du merchandising nous ne voulions pas que nos fans croient que c’était une occasion supplémentaire de faire du business et générer du profit. Nous avons pensé que notre musique se suffisait à elle-même.
Alors nous avons pensé que ce serait encore mieux de trouver un nouvel auteur qui puisse travailler pour nous.
Hansi a cherché et trouvé Markus qui avait la plus belle écriture. Hansi l’a contacté.
Il nous a révélé que c’était un grand fan de BLIND GUARDIAN depuis ses débuts.
Nous l’avons invité dans notre studio, présenté les démos qu’il a apprécié.
Il a dit qu’il écrirait un autre livre pour nous.
A partir de là Hansi et Markus ont travaillé ensemble en regardant l’histoire de près.
La musique était déjà prête.
Nous avions besoin d’éléments d’histoire qui conviendraient à l’émotion et au dramatique en termes de construction des chansons.
Hansi lui a expliqué par exemple ce qu’il attendait d’un morceau lié à un chant de bataille ou à des émotions à un certain moment devant apparaître dans la narration.
Il a donc créé ce superbe roman qui est le préquelle de cet univers.
Hansi a construit les paroles où le livre se termine. C’est le concept de l’histoire.

Comment Hansi as t’il travaillé au niveau de l'enregistrement de l’album ? Etait ce différent de BLIND GUARDIAN ?
André Olbrich. Oui ce fut un défi pour lui et lui a ouvert une nouvelle dimension en tant que chanteur.
Il a tellement appris en travaillant avec l’orchestre et a découvert l’éventail de ses possibilités.
Il peut chanter dans une plus large gamme que dans un groupe de métal.
Dans ce type de formation tu as les guitares qui sont toujours dans la même dynamique.
Hansi doit toujours chanter plus fort que les guitares.
Dans un orchestre symphonique les possibilités sont plus grandes.
Il peut chanter très bas, dans toutes les gammes de fréquence jusqu’à entendre tous les petits détails.
Il doit améliorer sa propre qualité vocale pour s’entendre avec l’orchestre.
Ce qu’il a fait est brillant parce que de mon point de vue c’est la meilleure performance qu’il n’est jamais faite.


Est ce que cela aura une influence sur le prochain album de BLIND GUARDIAN ?
André Olbrich. Oui, il y a déjà une influence sur BLIND GUARDIAN avec toutes ces expérimentations et l’orchestre. J’étais capable d’écrire en fonction de l’orchestre.
C’était réalisable car nous avions déjà l'expérience d'avoir travailler avec un orchestre.
Donc on pouvait travailler en fusion avec notre groupe de métal.
Cette expérience sera bénéfique pour BLIND GUARDIAN.
Les voix et les arrangements sont devenus plus complexes et plus intéressants depuis toutes ces années.
J’ai beaucoup appris ainsi qu’Hansi.

Quel a été ton rôle en tant que guitariste sur un album sans guitare ?
André Olbrich. Facile, car je voulais que cet album soit uniquement constitué d’un orchestre brut.
Bien sur il y avait des idées de jouer des parties de guitares mais j’ai refusé.
Cet album doit être fait avec orchestre brut. Nous l’avons déjà fait dans BLIND GUARDIAN car nous sommes un groupe de rock et ce n’est pas nouveau.
Nous avions aussi fait des titres épiques comme « Wheel of Time » et « And Then There Was Silence » avec des guitares Heavy mais jusque là rien de neuf.
Avec des guitares lourdes et la batterie on ne sait pas ce qu’aurait été le résultat final.
Nous gardons cela pur et c’est ce qui fait toute la différence.
C’est pour cette raison que la guitare ne m’a pas manqué.

J’ai lu que le mixage des pistes a été très compliqué. Plus de cinq cents pistes à mixer c'est énorme !
André Olbrich. En fait je ne sais absolument pas combien de pistes ont été nécessaires.
Charlie Bauerfeind est le superviseur de la mise en place et de la technique.
Nous nous trouvions dans une situation confortable où l’on pouvait faire tout ce qu’on voulait à coté de l’orchestre.
Enregistrer est ce que nous avons fait. Nous enregistrions dans notre propre studio.
Nous avions trouvé un bon système et Charlie fait toujours les choses dans l’état de l’art des techniques d’ingénieur du son.
Ce n’était pas un problème pour nous car nous n’étions pas concernés par ce genre de problème technique. Tu ne penses même pas aux pistes.
Les choses sont faites de la manière dont elles doivent être faites.
Si tu dois enregistrer l’orchestre et que cela te demande cinquante micros alors tu utilises les cinquante micros.
Tu ne te poses pas la question si c’est trop ou pas assez.
La question ne se pose pas en ces termes.
Le nombre de piste n’est pas à propos et c’est hors sujet.
Peu importe le nombre de micros, il y a un moment ou tu dois te dire que c’est bon.
Si tu penses qu’il faut monter le son tu le fais, c’est tout ce dont tu as besoin.

Pourquoi avoir choisi le premier single  « Point Of No Return », un titre qui dure sept minutes ?
André Olbrich. Toutes les chansons sont très longues. [Rires]
Il n’y a aucune chanson prévue pour la radio.
Nous avons choisi ce titre pour une entrée facile à écouter pour ceux qui sont habitués au Heavy Métal. Cette chanson n’est pas si épique et si difficile à écouter par rapport aux autres.
Certaines chansons sont plus exigeantes car il y a plus de choses qui se passent.
« Point Of No Return » est basé sur le rythme et sur une partie de refrain épique.
Nous pensions que c’était une bonne entrée en matière pour nos fans de commencer avec ce genre de musique. C’est pour cette raison que nous l’avons choisi.
«  Dark Cloud's Rising » est un morceau rock progressif. Est ce que vous aviez ce titre en tête ?
André Olbrich .Non c’est la seconde chanson que nous avions écrite.
Ce sont les émotions du monde de Tolkien.
Cette chanson je l’ai écrite en pensant à Hobbiton, le village Hobbit avec les petites maisons et les petites fenêtres.
C’est ce que j’avais en tête quand j’ai écrit la chanson.


 

Lorsque tu compose des morceaux est ce qu'il t'arrive de penser a un film ou une série ?
André Olbrich. Oui peut être. Plus comme une histoire. Quand je joue à mes jeux, j’imagine la musique que j’aimerais écouter, les décors de fantasy, les films ou les histoires. J’essaie d’aller profondément dans un monde aux circonstances qui pourraient être dangereuses ou confronter à des problèmes. Par exemple en traversant les bois ou  un monde magique apparaît ou tu verrais des elfes marcher autour. Je suis un nerd du fantastique.

Que souhaiterais tu dire de spécial à propos de cet album ?
André Olbrich. Je sais bien que nos fans sont des « metalleux ». J’espère que nos grands fans donneront à cet opus une chance. Il peut t’ouvrir un autre monde, une autre couleur vive dans un arc en ciel et t’apporter quelque chose de bon. Si tu essaies, j’espère que tu aimeras écouter cet album autant que nous avons aimé le créer.

 

Paris Novembre 2019.
Pascal Beaumont