A Shooting Idols, on aime Pat O'May. Pascal Beaumont l'avait déjà rencontré il y a 2 ans pour un échange riche et sincère, à l'image de cet artiste de grand talent. Aujourd'hui, pour la sortie de son nouvel album, et de son concert le 22 septembre au Café de la Danse, nous revoici face à lui pour vous faire partager nos bavardages, toujours passionnés, toujours passionnants.
Bonne lecture à vous.
Pour la sortie de ce 11ème album "Welcome to New World", peux-tu nous raconter comment tu as découvert la musique ?
PAT Je suis né dans une famille ou ça chantait tout le temps, y a des origines irlandaises qui viennent de mon arrière-grand-père. Du coup j’ai chanté très tôt, à l’époque c'était "Les chevaliers du ciel" de Johnny Hallyday. Y avait un intérêt pour la musique, personne n’était réellement musicien, juste on chantait. Puis mon premier choc musical ca a été Osmond Brothers avec le titre "Crazy Horse", d’ailleurs je l’ai repris sur l’album live des 23 ans de carrière. ça a été vraiment mon 1er choc. Et après il y a eu "Machine Head" de Deep Purple, et à partir de là je me suis dit que je voulais une guitare et c’est ça que je veux faire. Et depuis je fais ça péniblement (rire).
Peux-tu nous parler de tes premières influences musicales ?
PAT Deep Purple forcément, y a eu Jeff Beck, Al Di Meola, Ange, Trust etc. Tout ce qui se présentait à moi à l’époque qui était rock metal enfin quoique le mot metal n’existait même pas. Au début des années 80, Led Zep, Pink Floyd, il y a eu tellement de sources d'inspiration à ce moment-là c’était un feu d'artifice.
A quel âge as-tu commencé à jouer de la guitare, et de quel autre instrument joues-tu ?
PAT J’ai commencé la guitare assez tard en fait. Je fais partie d’une génération en France où on commençait la guitare assez tard. J’ai dû avoir ma première guitare vers 15 ans. Et puis du coup j’ai usé tous les vinyles possibles et imaginables pour travailler la guitare. J’ai appris en autodidacte, à l’époque y avait pas de vidéo pédagogique. Il y avait très peu de profs de guitare. Quelques annonces dans des magasins de musique... Pour la petite histoire, pour bosser tout "In Rock" tout "Machine Head" j’avais trouvé un caillou que je mettais sur le disque pour le ralentir et ça ralentissait carrément d'un ton et demi. Ce qui me permettait d'entendre et d’apprendre les notes beaucoup mieux et de les repomper (rires). J’ai tellement ruiné le tourne disque que je pense que je n’ai jamais entendu ces morceaux-là à la bonne vitesse ! Et au bout de 3 ans je bossais 8 heures par jour en fait. A l’époque je ne faisais que ça. Un jour, un copain me dit "tiens y a un prof de guitare à la MJC, la maison des jeunes et de la culture hein (rires), qui s’appelle Patrick Duplan"... ça s'invente pas. Il me dit "va le voir" et donc je suis allé voir ce mec-là, et j’ai dû prendre 4 cours avec lui... Et le mec il m’a vu arriver, j’avais déjà tellement bossé la technique, il s’est dit "je vais lui ouvrir son horizon musical"... Du coup il m’a fait bosser du Blues, du Jazz, du classique, de la bossa nova, enfin tu vois un peu tout quoi... Mais pour moi c’est le meilleur prof du monde, ce mec m’a fait gagner 10 ans... Parce qu’il m’a tellement ouvert l’esprit... Je pense que je devais avoir ça en moi .Et il m’a fait révéler cette envie de mélanger tous ces différents univers. Ça m’a fait avancer très vite.
A 14 ans avec le groupe de Marienthal tu joues dans le monde entier, quels souvenirs gardes-tu de ces années-là ?
PAT Ah, on était jeunes, on croyait qu’on était des rock stars. T’imagines, t’a 18 balais, t’as la chance d’aller jouer un peu partout. T’as des fans qui te suivent, ça y est tu crois que c’est ça quoi... (rire) ça a été très formateur et ça m’a permis de relativiser tout ça ... La vie, elle n’est pas là, ce n’est pas que dans l’image, elle est surtout dans le contenu de ce que tu as envie de faire. Et ce groupe est mort de sa belle mort suite à des problèmes de maison de disques, de management, enfin voilà... Une vie de groupe quoi. Ça a été mes premières expériences professionnelles.
Quand J’ai enregistré l’album live, ça a été l’occasion de dire à tous les gars de Marienthal "venez sur scène avec moi on va jouer un morceau". C’était super parce qu’on n’avait pas rejoué ce morceau-là depuis plus de 30 ans. C’était énorme de pouvoir faire découvrir ce 1er morceau aux gens qui ont la gentillesse de me suivre depuis si longtemps.
Au milieu des années 90, tu commences une carrière solo avec en 1995 ton 1er album "Bob Up" suivi de "Kids and the War" en 1996. Après 11 albums, comment a évolué ta façon de travailler en studio ?
PAT Alors il y beaucoup de choses qui ont changé. Le fait de partir, de prendre l'option d'une carrière solo. Ça a été pour moi une façon d’acheter ma liberté musicale. Quand tu joues dans un groupe, même si tu aimes ce que tu fais, tu crées l’univers musical d’un groupe. Et si tu as envie d’aller ailleurs c'est mort. Donc moi je ne voulais pas de limite, c'est pour ça que je suis parti en solo. Puis j’ai pris des façons différentes de travailler, je voulais absolument tout maitriser, de la composition à l'arrangement, à l'enregistrement. J’ai toujours été intéressé par le son, c'est fondamental pour moi. C'est aussi ça qui fait que ma façon d'écrire a changé avec le temps. Dans les années 70, on écrivait les morceaux d’une manière mais aujourd’hui le son fait partie intégrante de la composition du morceau. Ça a commencé au début des années 80, je pense à U2 "New Year’s Day", sans ce son c'est plus le même morceau. Donc j’ai travaillé vraiment sur ça, et ce qui m’a amené à travailler sur la production et à faire des musiques un peu plus longues, avec des humeurs différentes. Grâce à "Kids and the war", j’ai pu travailler avec Thalassa par exemple. L'écriture de Thalassa m’a appris à travailler dans l'urgence, quand j’avais un 6 minutes à faire j’avais 3 jours... Trouver l’idée, enregistrer... Faut aller super vite. Toute cette expérience m’a appris à me mettre dans cet état d'urgence, ce qui fait que maintenant quand j’ai besoin de composer je me laisse porter, et dès que j’ai une idée, je fonce je vais dessus pour la triturer, essayer plein de choses, mon processus de création il est plus comme ça. C’est un peu comme quand le matin tu vas bosser, t’es chez toi au petit déjeuner, tu prends ta voiture et tu commences à te mettre dans l’état d’esprit que tu arrives au boulot, et quand tu y arrives t’es opérationnel. Pour la musique je pratique comme ça.
Tu as joué avec des gens comme Ron Thal, Martin Barre, Alan Stivell, Dan Ar Braz, Pat Mc Manus, Barclay James Harvest, Alan Parson, Tri Yann et beaucoup d'autres, quels souvenirs as-tu conservé de ces rencontres ?
PAT Forcément, chaque expérience que tu vis avec des gens, musicalement c'est encore plus intense. Jouer avec Ron (Thal, Guns n’Roses) m’a appris beaucoup de choses, j’ai vu comment il bossait et j’avais envie de travailler comme ça. C'est pas pour essayer de l’imiter, j’en ai pas les moyens, mais Ron c'est tellement un extraterrestre… Pour moi la guitare c'est un outil, pas une finalité, elle est là pour permettre de raconter des histoires. Plus je vais avoir d'outils à ma disposition en technique mieux c’est. Ron fait partie de ces gens-là. Martin Barre, Patrick Rondat, Pat Mc Manus, en gros tous les gens avec qui j’ai travaillé m’ont influencé d’une façon ou d’une autre. Et même au-delà de la musique, les gens que je rencontre, les gens que j’écoute des fois dans des interviews ou autres, tout est source pour moi d'inspiration et d’évolution. Aller se balader en montagne pendant 4 ou 5 heures va me donner beaucoup plus de source d'inspiration que d'écouter le dernier album de machin ou de machin.
Comment crées-tu tes compositions, y a-t-il un déclencheur, un moment propice, ou une idée ?
PAT Comme je te disais, je joue très souvent, je peux envoyer une ligne de batterie sur l'ordi et puis je jam un peu dessus, et tiens y a ça qui arrive, et puis je tire le fil. Très rarement, il m’est arrivé de prendre ma guitare et de me dire allez tiens je dois raconter ça.
Donc tu y va plutôt au feeling ?
PAT Oui, je suis un peu comme ça, spectateur de qui arrive en fait.
Raconte-nous l'enregistrement de "Welcome to New World" ?
PAT L'album je l’ai composé en novembre décembre 2019 et janvier 2020, juste avant le COVID. En général je m'enferme trois mois dans un gite isolé, je perds la parole. Histoire d’être complément concentré sur le projet, et pouvoir travailler à n’importe quelle heure sans faire chier qui que ce soit. Ya toute cette première phase d'écriture, et après on a répété avec les gars à qui j’ai envoyé les maquettes les arrangements etc... Puis on répète avec le groupe, on retrouve ce son qu’on a sur scène, cette énergie qu'on a en concert, pour moi c’est primordial. On a enregistré à l'ancienne, simplement. Je n’avais pas fait ça depuis très longtemps. De mémoire, ça remonte à mon 1er album, évidemment sans parler des live. Après on a rajouté quelques trucs, j’ai redoublé les guitares, mais toute l’ossature a été enregistrée live, avec plusieurs prises mais voilà. Et c’était un bonheur.
J’aime bien faire la prod de mes albums, les enregistrer, les mixer etc. Dès le début quand je commence à projeter un album, je me demande ce que je veux et comment je vais l’obtenir. Et après avec l’expérience (rire), avec mes vieux os, maintenant il y a des choses que je sais faire et d’autres non. Mais en gros je vois ce que je vais obtenir, ce que j’ai en tête, après tout le boulot c'est d’en sortir le mieux possible.
Y a-t-il un morceau que tu aimes plus qu'un autre ?
PAT Non, ils ont chacun une saveur différente. Après je pourrais peut-être te dire ça plus dans quelque mois. Par rapport à la scène, tu vois, ce morceau là on s’éclate plus que celui-là je ne sais pas, c'est possible. Aujourd’hui je lâche le bébé il ne m’appartient plus. L'idée c’est juste les morceaux qui sont dessus vont vivre leur vie. Bizarrement, c’est des fois les titres les titres les moins chargés qui sont les plus compliqués à écrire. Ce n’est pas une nouveauté, il y a beaucoup de gens quand je lis d’autres interviews qui disent ça. Par exemple, le premier morceau il y a énormément de chose dedans, plein de climats, on passe de l'électrique à l'acoustique on change des tempos. Enfin ce n’est pas forcément celui qui m’a pris le plus de temps, pourtant il fait 8 minutes. Je ne vais pas dire qu’il ne m’a pris que 8 minutes, mais bon (rires).
Tu as toujours aimé le mélange de la musique et de l’image, tu as collaboré entre autres sur des projets comme Thalassa pour une centaine d'émissions ? Comment travailles-tu dans ce moment-là ?
PAT C'est pas du tout le même exercice, quand tu fais de la musique de film, tu réponds à une commande. Avec Thalassa, l’avantage comme j’ai bossé presque 25 ans toujours avec le même real Yannick Charles, on se connait tellement, lui me pousse dans mes retranchements et moi je lui propose des choses qu’il n’aurait pas forcement mises. Ensuite, sur d’autres films, ce sont très souvent des commandes. Genre une fois c'était pour un scénario, "je voudrais un truc genre Pirates des Caraïbes"... "et c’est pour quand (rire) ", "pour la fin du mois"... "on va dans quel studio... avec quel orchestre symphonique on va enregistrer"... "Ya pas de budget" (rires). Après, on peut contourner les trucs, faire avec des instruments fake, avec les logiciels maintenant ça marche bien, mais au final c’est pas du tout un orchestre symphonique (rires). Sur mon album "Behind The Pics" j’ai travaillé avec l’orchestre symphonique de Sofia, et là on n’est pas avec des trucs en plastique c’est sûr. Les images peuvent être inspirantes et en même temps te limiter, parce qu’il ne faut jamais que la musique prenne le pas sur l’image. Il ne faut pas que le public commence à écouter plus la musique que de regarder ce qui se passe. On dit souvent une musique réussie c'est une musique que l’on n’entend pas... Et en même temps si on l’entend pas pourquoi en mettre (rire), quand je dis ça je veux dire il ne faut pas que la musique dérange le visionnage en fait. C'est une technique, au débit tu en fous partout, et puis petit à petit tu te rends compte qu’effectivement le real a raison, il y a trop de notes et ça sert à rien, tu es juste là pour compléter histoire qu’on raconte. A contrario, sur notre nouveau spectacle que l’on va faire, là il y a de l’image et ça sera le contraire, il ne faut pas que l'image prenne le pas sur la musique. C’est un exercice que j’aime beaucoup, trifouiller, faire le montage vidéo, tout ça ça m’éclate.
Est-ce que l’on peut penser un jour voir tout ton travail sur ces bandes son voir le jour en CD ?
PAT On en a parlé un moment, quand il avait "Les Côtes d'Europe vues du ciel" qui a été un vrai succès pour Thalassa, vendu dans 80 pays dans le monde. Un truc de dingue. Mais à l’époque ça ne s’est pas fait. Mais c'est quelque chose auquel je pense. Peut-être un jour sortir un truc genre "THALASSA YEARS". Je ne sais pas, mais pour moi en tout cas ça me faisait plaisir de les voir sortir. Après, quand tu fais de l’illustration musicale, c'est souvent pas des morceaux de 3 minutes, des fois c'est juste des passages très court, 1 minute 30. Alors comment faut faire on verra dans l'avenir qui sait. Why Not.
Comment as-tu vécu cette année de confinement ?
PAT Comme tout le monde, je pense que personne ne s'est senti bien durant cette période. Nous ça a été très très brutal parce qu’on était au début de la tournée des "Trois Pat" avec Pat Mc Manus Patrick Rondat et moi. On était à trois quart d'heure de la salle du Forum à Vauréal en partant de Bretagne, on savait que c'était mort pour la tournée mais on pensait faire au moins vendredi samedi et le dimanche quoi. A l’approche de la salle, coup de téléphone, le couperet tombe "vous ne jouez pas ce soir voilà". Heureusement on a quand même dormi sur place le soir, l’équipe du Forum de Vauréal est absolument géniale, on était tous dans le même bateau, je me rappelle de Sally la manageuse et la compagne de Pat Mac Manus en train de prendre le téléphone "est ce qu’on va pouvoir aller tourner en Irlande... On en est où..." Je me rappelle de James "je vais perdre ma maison je peux plus bosser c'est fini", voilà les débuts ont été assez durs. Ça a été très violent, je me rappelle d'un retour très silencieux. Après moi je me suis mis dans le truc, on va pas laisser tomber on va y aller on avance on avance. Et on pensait surtout qu’on partait pour trois mois quoi. Et que l’été ça allait repartir... et ce n’est pas reparti. Je me rappelle de Michèle, ma manageuse qui avait travaillé tellement pour monter cette tournée, on sait tous que c’est hyper compliqué. Et voir tout ce travail s'effondrer, ça a été vraiment difficile à vivre. Et petit à petit, j’ai senti que ça virait à la léthargie, moi qui d’habitude arrive à gérer 2 3 projets, le stage de guitares que j’organise, un album, des musiques de film… Là je n’ai plus fait aucune musique de film pendant ce temps-là simplement parce que je travaille avec des mecs qui filment à l'étranger, et comme plus rien ne pouvait sortir... Après c’est revenu, et fort heureusement tout ça et derrière maintenant, mais oui ça a été assez compliqué, je connais des musiciens qui ont tout arrêté, et encore on est en France ! Je me rappelle au téléphone avec Martin Barre, voilà Roger est devenu peintre en bâtiment parce que voilà le mec tourne dans le monde entier et la stop tout s’arrête. Ça a été une vraie catastrophe pour tout le monde. On n’en est pas totalement sorti ça s’ouvre un peu, on espère que les gens ne vont pas trop hésiter à venir sur les concerts, je crois qu’on a tous envie de se retrouver c'est ça le plus important.
Si tu devais te définir quelle serait la phrase ou une devise ?
PAT Waouh prend ta tête et voyage... J’ai fait une fac de philo ça aide (rires) j’étais pas dans les meilleurs mais bon (rire)
Y va-t-il un artiste ou un groupe avec lequel tu aurais rêvé de jouer ?
PAT J’aurai rêvé enfin j’ai rêvé faire une jam avec Gary Moore, ça a failli se faire grâce à Martin Barre car ils étaient amis. A l’époque, je jouais avec Martin, malheureusement Gary est parti et ça s'est pas fait. Il y avait une soirée remise de Grammy, il y avait une jam prévue après, et Martin me dit "allez vient on y va" et pour finir hélas ça s'est pas fait.
Pour finir, si tu ne devais conserver que 3 choses : un disque, un film, et un 3ème choix ? Quelle serait ta sélection et pourquoi ?
PAT Un disque, probablement "Dark Side Of The Moon" de Pink Floyd, parce qu’il y a vraiment tout dedans, il y a dans ce disque des fondements de tout ce que la musique est devenue après. Par rapport au son notamment ce qu’on disait tout à heure. Après un autre jour ça serait un autre album mais là tout de suite c’est celui-là (rires). Un bouquin "La mort est mon Métier" de Robert Merle, qui est un roman sur un boucher d’Auschwitz, comment il est arrivé à se laisser entrainer dans le Nazisme, son père autoritaire, son parcours, c'est très bien écrit, ça explique comment le mec se laisse glisser dans un truc et n’a jamais l’impression d’être dans le mal. C'est assez intéressant et puis à la fin il y a la libération et là tout lui revient en tête "Je n’ai pas fait ça quand même"... Le 3ème, trouver un moyen pour decovider la planète, c'est bien ça...