mardi 4 mai 2021

SUPERDOWNHOME (Beppe Facchetti Batterie et Enrico Sauda Guitare) // Interview // HomeWork... 2 Mai 2021.

 
Avec ce mois d'avril les beaux jours reviennent et la musique nous offre de beaux moments et de belles rencontres.
L'annonce de la sortie de ce disque absolument démentiel "No Balls, No Blues Chips" chez DixieFrog nous a permis un bel échange avec ces deux Bluesman Italiens, des vrais fans de musique, et il nous a permis d'assister à un livestreaming vraiment exceptionnel que vous pouvez retrouver à travers nos pages.

Après ce flot de bonheur bien mérité, nous avons le plaisir de vous faire partager cette interview qui vous permettra d'en savoir un peu plus, en attendant de les voir cet été sur une scène chez nous.
Alors on vous laisse découvrir Beppe Facchetti et Enrico Sauda le cœur de SuperDownHome, le blues à l'italienne ça le fait bien...

 


Pour commencer cette interview avec vous deux Beppe et Enrico de SuperDownHome, aujourd'hui nous aimerions évoquer vos premières années. Vous êtes tous les deux originaires de Brescia en Lombardie. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Quels ont été les moments forts de votre jeunesse, à l'école, avec vos amis et la famille ?

Beppe Facchetti. Nous sommes de la même ville, vous avez raison… et c’est une petite ville… si petite que presque tous les musiciens se connaissent. Nous aussi. Les moments forts de ma jeunesse ont été le football et l'école. J'étais un assez bon footballeur, et j'ai obtenu mon diplôme en langues étrangères à l'université, principalement pour faire plaisir à mes parents. Je joue de la batterie depuis l’âge de 20 ans et j’enseigne l’anglais et le français dans divers collèges et lycées depuis 9 ans. Puis j'ai décidé que je voulais juste être batteur.

Enrico Sauda. Nous nous connaissons depuis longtemps mais nous n’avions jamais joué ensemble auparavant.
Nous avons commencé à répéter par hasard car un soir, Beppe a dit à un promoteur qu'il avait un duo acoustique pour participer à un festival. C’est ainsi que tout a commencé.
Je viens d'une famille de musiciens non professionnels mais passionnés de musique et j'ai eu une sorte d'éducation musicale «éclectique» comme la pop, le rock'n'roll, le blues et le jazz.
Mon grand-père a été le premier à me donner une guitare.
Au début, la guitare espagnole était ma passion.
J'ai commencé à l'étudier à l'âge de 10 ans, j'ai suivi un programme de 3 ans que j'ai arrêté pour continuer en autodidacte.
Au lycée, j'ai rencontré de nouveaux amis et j'ai fondé mon premier groupe en jouant des reprises de blues comme Eric Clapton, B.B.King, SRV et ainsi de suite.


Quelles ont été vos premières découvertes musicales, vos premières influences et vos idoles ?

Beppe Facchetti. Mon premier 45 tours était Staying Alive par les Bee Gees quand j'avais 13 ans, et mes premières vraies idoles musicales étaient Adam & The Ants (deux sets de batterie dans le groupe !!), suivi de Duran Duran quand j'avais 16 ans… Ensuite, petit à petit, j'ai commencé à écouter tout le reste. Avec mon premier groupe, nous n'avons joué que onze chansons de U2… War venait de sortir… Donc, je suppose que vous pouvez voir que beaucoup de choses ont changé dans ma vie musicale…

Enrico Sauda. Le premier était Stevie Ray Vaughan.
Quand je l'ai entendu pour la première fois, ce n'était qu'une vague d'émotions. Ce qui m'a choqué, c'est à quel point il était un instrumentiste puissant. J'ai épuisé tous ses albums!
Par la suite, Eric Clapton, Jimmie Vaughan, B.B. King, Ray Charles, Elmore James, Chuck Berry, Jimi Hendrix et Elvis dont chaque membre de ma famille est un fan dévoué.
J'aime également l’écriture de chansons. Comment ne pas mentionner des artistes comme Bob Dylan, J.J. Cale, Tom Petty, Anders Osborne, je pourrais continuer cette liste encore et encore... Tout cela a eu un impact énorme sur moi.
En plus de cela, j’ai toujours été curieux de connaître le style slide, les différents accords ouverts ou les différents instruments, tout change tellement avec les années !
D’autres artistes ont également changé ma perspective: Seasick Steve, Ry Cooder, David Lindley et Daniel Lanois.

Comment vous est venue l'envie d'apprendre à jouer d'un instrument, et pourquoi ce choix de la guitare / de la batterie ?

Beppe Facchetti. Après des années à taper mes mains un peu partout et à casser tous les cintres de la maison pour avoir mes baguettes, à 20 ans, j'ai demandé à mon père s'il pouvait m'acheter une batterie et me laisser deux ans sabbatiques afin de voir si je pourrais faire de la musique… Je n'aurais jamais imaginé à quel point cette décision allait changer ma vie pour toujours.
La raison pour laquelle j'ai fait cela, je suppose, était d'échapper à l'éducation quelque peu victorienne que mes parents m'avaient donnée.

Enrico Sauda. J'ai toujours vénéré profondément la musique, elle a toujours été un refuge, une sorte de moyen d'échapper à la réalité.
Quant à la raison pour laquelle j'ai choisi la guitare comme instrument, la réponse est peut-être une de mes photos d'enfant sur laquelle je joue de la guitare assis sur une chaise haute.
Le destin est une chose amusante.


D'où vient le nom de SuperDownHome ?

Beppe Facchetti. J'avais cela en tête depuis un certain temps. Le blues down-home est le blues rural… le blues des racines… donc, Super représente une sorte de vision 2.0 de la tradition rurale… notre idée est d'essayer et de rafraîchir quelques traits stylistiques du blues en respectant toujours la vision originale qui doit rester la pierre angulaire de tous nos efforts de composition.

Enrico Sauda. C'est une sorte de mise à jour du genre downhome

Vous êtes attachés à une musique très roots et traditionnelle, et tout le monde remarque votre look très soigné en costumes trois pièces : quel est le message particulier dans cette façon de vous habiller ?

Beppe Facchetti. Lorsque vous pensez aux vieux bluesmen, comme Robert Johnson, Muddy Waters, B.B.King, vous vous souvenez toujours d'une image élégante. C'était une manière de respecter leur public et aussi de faire croire à un statut qu'ils essayaient d'atteindre depuis des années. Pour notre part, c'est un autre hommage à la tradition du blues mais avec une touche un peu italienne / cockney.

Enrico Sauda. Après plusieurs tentatives, nous avons opté pour un hommage aux bluesmen traditionnels, habillés de neuf.
Leur look était un symbole de succès. Mais c’était aussi une sorte de fête pour monter sur scène devant un public et c’est la même chose pour nous.
Il est important d'honorer le moment, cette opportunité de pouvoir jouer votre musique.
C’est pourquoi nous sommes attentifs à notre look.

Aujourd'hui nous avons la chance en France de découvrir toutes les facettes de votre talent depuis vos débuts à travers cette compilation "No Balls, no Blues Chips" : comment avez-vous choisi les titres de cet album ?

Beppe Facchetti. Cela a été une collaboration approfondie avec toute l'équipe de Dixiefrog Records. Et à la fin nous nous sommes mis d'accord sur ces douze titres.

Enrico Sauda. Pour le titre du disque, nous nous sommes inspirés du dicton: «No balls, no blue Chips (pas de courage, pas de jeton)», qui est très similaire à «pas de tripes, pas de gloire». Sans prise de risques, pas de récompense… puis avec un petit jeu de mots, le résultat final est devenu: "No Balls, no Blues Chips".

Comment avez-vous notamment choisi les reprises qui figurent dans cet album ?

Beppe Facchetti. Nous aimons toutes nos chansons, n'importe quel choix aurait été le bon. Mais nous avons eu des invités vraiment spéciaux sur certains et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons choisi certaines reprises. Down In Mississippi et Kick Out The Jams étaient une proposition de Dixiefrog, et nous l'avons acceptée avec enthousiasme… ils connaissent bien mieux le marché français que nous.

Enrico Sauda. Ce sont les reprises les plus représentatives de notre son.
C'est un mélange de saveurs folk, pop, blues et punk que nous aimons beaucoup.

En janvier 2020, vous partez aux Etats-Unis pour l’IBC (International Blues Challenge) et vous participez au festival CBG, le Samantha Fish Cigar Box Festival de La Nouvelle-Orléans. Racontez-nous vos rencontres avec le public et les professionnels américains ?

Beppe Facchetti. C'était un événement incroyable, le public comme les promoteurs étaient vraiment enthousiastes. Nous sommes rentrés à la maison tellement excités que nous marchions sur une nuage. Nous avons commencé à tourner avec Nine Below Zero et avons collaboré avec eux sur un grand classique, "Homework", qui est également sur "No Balls, No Blues Chips". Malheureusement, la situation Covid a explosé et nous connaissons tous la suite de l'histoire… à part ça, nous avons profité du fait d'être à la Nouvelle-Orléans pendant une vingtaine de jours et avons enregistré de nouveaux trucs avec Anders Osborne qui nous dirigeait en studio.
C'était une autre aventure fascinante.

Enrico Sauda. C'était passionnant de profiter de quelques concerts dans la patrie de nos idoles. Encore plus pour l'enthousiasme avec lequel ils nous ont accueillis.
Nous ne l'oublierons jamais. Ce fut évidemment un grand succès. Nous aurions dû participer à la SFCBF pour la deuxième année consécutive début 2021, mais la situation COVID ne le permettait pas et nous avons participé virtuellement.



Vous avez tourné avec Popa Chubby, collaboré avec Nine Below Zero : que gardez-vous comme souvenir de ces rencontres ?

Beppe Facchetti. Faire des tournées avec Popa a toujours été une expérience énorme. Et les dix concerts consécutifs en Allemagne, en novembre 2019, ont été une excellente école et le public a été incroyablement généreux avec nous. Nous avions fait deux premières parties pour  Nine Below Zero, mais nous avons eu la chance de collaborer avec eux en studio. Ce sont de très bons professionnels. Et ils aiment tellement notre musique que cet été - si le Covid le permet - nous devrions tourner en quatuor avec Dennis et Mark, sur un projet vraiment spécial. Et nous attendons cela avec impatience !
 
Enrico Sauda. Grâce à notre ami et agent de réservation Giancarlo Trenti, nous avons eu de nombreuses opportunités d'être le groupe d'ouverture de nombreux artistes internationaux parmi lesquels Nine Below Zero. Après notre rencontre, nous sommes devenus amis et nous sommes allés en studio pour enregistrer notre version de Homework d'Otis Rush.
Nous sommes censés travailler à nouveau avec eux à l'avenir. Espérons que ce sera bientôt

Vous souvenez-vous du tout premier concert que vous avez donné ? De la ville et/ou de la salle ?

Beppe Facchetti. Je ne me souviens pas du premier concert que nous avons fait… mais je me souviens des premières fois où nous avons joué en live - je suppose quelque part dans notre ville natale - habillés comme de prétendus fermiers à col rond... De temps en temps, j'en rigole encore.

Enrico Sauda. Eh bien, c'était près de notre ville au Circolo Dei Lavoratori à Iseo. Ce fût la première occasion de réaliser que nous pouvions démarrer un projet sérieux.

Aujourd'hui, où puisez vous vos inspirations ? Plutôt dans vos vies personnelles, plutôt ensemble, en répétitions ? Comment procédez-vous pour écrire et composer vos chansons ?

Beppe Facchetti. Je m'inspire de tout ce qui m'entoure. (Je suis surtout créatif lorsque je fais du vélo, que je conduis ma camionnette ou que je marche dans les collines environnantes). Je travaille généralement sur des projets de textes d’Henry et je l’aide à façonner les chansons quand il les joue aux répétitions. Donc, je suis surtout l’arrangeur / producteur alors qu’il est la force créatrice du duo.

Enrico Sauda. Nous écoutons un tas de musique et nous trouvons facile de jouer de nouveaux riffs ou d'écrire quelques couplets à chaque instant de la journée.
Grâce au fait que nous répétons constamment deux fois par semaine, nous avons la possibilité de continuer à développer nos nouvelles idées.

Comment se porte le marché de la musique en Italie ? Quelle est la place du Blues en particulier ?

Beppe Facchetti. principales radios diffusent la même musique encore et encore, et il reste très peu de place à ce qui n’est pas grand public. (Je suppose que la situation n'est pas si différente du reste du monde). La place du blues est dans un tout petit créneau où il y a comme trois / quatre paroisses qui se font concurrence. J'espère que cela va bientôt changer. Aujourd'hui, je pense qu'il y a un nouveau buzz et nous espérons vraiment que, si le Covid le permet, on pourra revenir à l'ancien temps, celui où nous avions de grands bluesmen sur scène.

Enrico Sauda. Il y a de nombreux festivals de blues en Italie.
Notre pays a toujours été un terrain fertile pour les artistes de blues depuis le début des années 80.
Cela dit, à mon avis, il n’existe pas de réelle scène blues comme dans d’autres pays européens.

Aujourd'hui, quels sont vos groupes préférés ? Sont-ils les mêmes qu'avant ? Quel genre de musique préfèrez-vous écouter ? Y a-t-il une chanson ou un album qui restera pour toujours ?

Beppe Facchetti. J'écoute beaucoup de musique de presque toutes sortes, ce n'est pas si facile de faire une liste. Mes goûts musicaux ont beaucoup changé au fil des ans et j'en suis heureux. Disons que certaines de mes musiques préférées de nos jours sont Yelawolf, Delgres, Seasick Steve et The Preservation Hall Jazz Band. Mes trois chansons préférées sont Hotel California (The Eagles), While My Guitar Gently Weeps (The Beatles) et Waiting Around to Die (Townes Van Zandt). Trois choix évidents mais, bon, la perfection peut sembler plus évidente qu'elle ne l'est.

Enrico Sauda. Mes préférés sont Black Keys, ZZ Top, Delgres, North Mississippi All Stars. J'écoute principalement du blues et des trucs country.
L'album de ma vie ? «461 Ocean Boulevard» par Eric Clapton

Qu’est-ce que vous faites lorsque vous ne travaillez pas? Quels sont vos passions et vos passe-temps?

Beppe Facchetti. Quand je ne travaille pas (ce qui n'arrive presque jamais), mon hobby est de collectionner et de réparer des batteries anciennes. De cette façon, je peux apprendre les différences entre les marques et réaliser à quel point il y avait de l'artisanat à l'époque. Pour le reste, j'adore améliorer mon anglais (et mon français), faire du vélo, lire, regarder des films et j'aime vraiment m'occuper de mes deux filles.

Enrico Sauda. J'aime apprendre la pedal steel, et écouter beaucoup de musique.
Quel est mon passe-temps ? Je suis opticien !!!!

Pour finir, si vous deviez vous rendre sur une île déserte et ne garder que 3 choses : un disque, un film et un troisième choix, quelle serait cette sélection et pourquoi?

Beppe Facchetti. Le disque serait le seul vinyle que j'ai gardé (puisque j'ai vendu toute ma collection récemment), c'est le premier disque éponyme de Cruzados (j'adore l'écriture de la chanson de Tito Larriva et j'ai eu la chance d'ouvrir deux fois pour Tito & Tarantula. Radical !!). Le film serait Hollywood Sunrise. Le troisième choix serait une guitare Weissenborn. Je ne sais pas comment y jouer mais j’aime vraiment vraiment David Lindley et j’aimerais vraiment essayer d’apprendre. Ce son hawaïen me fait me sentir si bien !!!

Enrico Sauda. Le disque serait «The Prodigal Son» de Ry Cooder. C’est son dernier projet et il retrace toutes ses influences. C'est tellement riche en couleurs musicales que je ne peux m'empêcher de l'écouter régulièrement. Le film serait l’un des films de Totò (Principe de' Curtis). Je suis souvent anxieux et c’est une de mes façons naturelles de me détendre. Le troisième choix serait une guitare, bien sûr.


Th Cattier - Photos : Th. Cattier / Shooting Idols