Aujourd'hui, c'est avec une grande fierté que nous vous proposons cet échange avec l'immense et cultissime Jean-Pierre Kalfon, qui sort son album solo "Mefistofélange" du haut de ses 83 printemps. Nous avons eu la chance de passer un moment avec lui au fond d'un bar parisien, et de pouvoir revenir sur ses vies d'acteur, de rockeur, et de légende d'une époque où Paris était synonyme de liberté et d'insouciance. Régalez-vous !
Vous êtes né à Paris en 1938 comment s'est passée votre jeunesse, et quels souvenirs gardez-vous de ces premières années ?
Jean-Pierre KALFON - Les
souvenirs de mon enfance, c'est un peu perturbé car mes parents
n'avaient pas trop le temps de s'occuper de moi. Ils m'envoyaient au
patronage le jeudi car il n'y avait pas classe. C'était pas encore le
mercredi, comme aujourd'hui. Le samedi et le dimanche ils m'envoyaient à
la messe et les grandes vacances, je les passais chez une tante. Il
fallait qu'ils s'occupent d'eux et n'avaient pas beaucoup de moyens. Et
puis, ils ne savaient pas trop comment s'occuper des enfants non plus.
Alors, il y a eu ma grand-mère que j'adorais mais elle est décédée
lorsque j'avais 5 ans. Donc je n'ai pas beaucoup de souvenirs de tout
ça. Mon adolescence, un peu plus. Elle a été marquée par ma fugue de
chez mes parents. Car je voulais faire de la musique et je n’emmerdais
chez moi.
Mes parents ne voulaient pas. Ils préféraient que je grimpe
dans l'échelle sociale. Que je fasse médecin ou avocat car c'était des
gens modestes. Et ils ont dû être déçus car je ne voulais pas faire ça.
Du coup, à l'école, j'ai pas été aidé et je n'avais pas l'esprit à ça ni
à étudier. Donc j'ai fugué de chez mes parents à 15 ans. J'étais dos au
mur et j'ai été obligé de faire les choses par moi-même. Je suis parti
en Belgique et j'ai mis une frontière entre mes parents et moi. Et puis
là-bas, j'ai fait des conneries. J'ai été arrêté par les flics et on m'a
mis en taule à Bruges puis on m'a ramené en France et on m'a mis dans
un centre de délinquants.
Après, petit à petit, je me suis débrouillé.
Je suis passé d'un truc à un autre et, je ne sais pas pourquoi, je n'ai
pas pu faire de la musique. Et puis j'avais un copain qui prenait des
cours de théâtre et je l'ai suivi. Mais moi je n'en prenais pas car je
n'avais pas d'argent pour m'en payer. J'y allais donc en auditeur libre.
Et là, il y a un danseur qui est venu chercher des acteurs pour un
spectacle. J'ai suivi ce danseur et j'ai pris des cours de danse. J'ai
trouvé que c'était bon pour le corps. J'ai pris ces cours durant un bon
moment et j'ai terminé cette carrière de danseur aux Folies Bergère.
Quelles ont été vos premières découvertes cinématographiques et musicales ?
Jean-Pierre KALFON - Mes
premières découvertes cinématographiques, c'est mes parents qui
m'emmenaient au cinéma voir les dessins animés de Walt Disney.
Pinocchio, Dumbo...et aussi quelques films. "Qu'elle était verte ma
vallée" avec Walter Pidgeon, "Monsieur Fabre" avec Pierre Fresnay... Ça,
c'est vraiment mes premiers souvenirs de cinéma. Après, c'est avec les
copains. J'avais un ami qui aimait beaucoup le cinéma et qui m'a emmené à
la cinémathèque et dans les cinémas d'art et d'essai voir tous les
grands films américains en noir et blanc des années 40, les polars et
aussi les films français avec Jules Berry, Louis Jouvet, Michel Simon... Tout ça m'a
imprimé même si l'on ne comprenait pas très bien de quoi il s'agissait.
On était bercés par une sorte de qualité culturelle, nous qui n'avions
pas de culture. Quant à la musique, il n'y en avait pas chez nous. On
avait pas de tourne-disques. Il y avait juste la radio. Et elle devenait
intéressante quand mes parents sortaient le soir. J'allais chercher les
stations qui diffusaient de la musique. Et c'est comme ça que j'ai
découvert le blues, le boogie, le jazz New-Orléans, le jazz moderne. Et
puis par les copains qui vous font écouter des disques, qui vous
orientent, qui ne cherchent pas à vous imposer quoi que ce soit mais qui
vous font découvrir des choses qui vous marquent. Et, sans tous les
citer je découvre, Duke Ellington, Sidney Bechet et puis le Blues.
Memphis Slim, Lightnin' Hopkins, John Lee Hooker et les grandes
chanteuses, Billie Holiday, Bessie Smith...les négro-spirituals avec
Mahalia Jackson. Le best en la matière. C'est d'ailleurs après que j'ai
su que Mahalia Jackson avait chanté avec Elvis Presley. Et je crois
qu'il a tout appris à travers elle. Elvis a chanté beaucoup de Gospels.
J'ai d'ailleurs un disque de lui où il chante des Gospels. Il allait à
la messe avec ses parents dans les églises baptistes à Tupelo, là où il
est né. Et il a quand même tout révolutionné, lui aussi.
Comment êtes-vous venu au cinéma en 1959 avec votre 1er film "Le 7ème jour de Saint Malo" ?
Jean-Pierre KALFON - C'est
tout simple. J'étais à Saint Malo dans un festival de théâtre. Marcel Lupovici
avait monté "Othello" et une pièce de Michel de Ghelderode "Barabas". Le metteur en scène
Jacques Ledran était venu nous voir et moi je jouais le Christ dans "Barabas". Il
s'est dit, il est capable de jouer le Christ, il pourra bien jouer un
curé. Et il m'a fait jouer un curé dans son film. C'était mon premier
rôle. Je n'ai pas fait de casting, ça s'est trouvé comme ça. Il avait
besoin de quelqu'un. J'étais là et je l'ai fait.
Vous abandonnez les études et quittez le domicile familial, à l'adolescence vous enchaînez les petits boulots racontez-nous tout ça ?
Jean-Pierre KALFON - J'ai
fais manutentionnaire, je chargeais et déchargeais les camions. C'était
pour me faire un peu de sous. J'ai travaillé aussi pour une pharmacie.
Je rangeais les médicaments dans les boîtes avec les modes d'emploi. Et
une fois que mes parents m'avaient récupéré, avant que je me lance dans
mes activités au cinéma, j'ai été dans une école de dessin et j'ai
appris à dessiner. J'ai même gagné un concours d'affiches. Et on a vu
mon affiche dans tout Paris, alors que je débutais. Malheureusement,
j'ai laissé tomber au bout d'un moment. J'aurais pu faire une carrière
là dedans mais non ne peut pas être partout. Il se trouve que je faisais
beaucoup de choses. Dessiner à la craie, par terre. Ça rapportait bien
mais c'était salissant. Et puis avec un copain on allait chanter dans
les cours d'immeubles et les gens nous jetaient des pièces. C'était des
trucs simples. Et comme on avait pas d'argent, moi je n'ai jamais eu
d'argent et de poche, si on voulait s'acheter des cigarettes, il fallait
trouver des petits boulots. J'aurais d'ailleurs mieux fait de ne pas
commencer car j'ai fumé pendant longtemps. Aujourd'hui, j'ai arrêté.
Mais n'empêche qu'il fallait gagner des sous pour manger. Mes parents
m'ont foutu la paix et m'ont laissé libre mais si je voulais manger chez
eux, il fallait que j'y sois à l'heure sinon je ne mangeais pas.
Vous avez étudié l'art dramatique au Cours Dullin...
Jean-Pierre KALFON - Disons
que j'étais aux cours Dullin. Je peux pas dire que j'y ai appris
grand-chose. La seule chose que j'ai appris c'est de monter sur une
scène et jouer devant les gens. Mais seulement, n'ayant pas de culture
ni une bonne éducation, lorsque l'on me donnait une scène à jouer, je
lisais pas la pièce. Donc je ne savais pas d'où venait le personnage ni
où il allait. C'était pas du boulot. Mais petit à petit, j'ai vu et
entendu des scènes. J'ai vu des gens passer. Et j'ai entendu une scène
d'une pièce qui m'a plu. J'ai demandé ce que c'était et j'ai dis tiens,
cette scène me plaît et je vais essayer de monter la pièce avec des
élèves du cours. Et c'est ce que j'ai fait. Mais là j'ai lu la pièce en
entier, évidemment, parce qu'il fallait bien. J'ai pris des élèves du
cours et j'ai monté la pièce dans les jardins du centre américain qui
est devenu, aujourd'hui, la fondation Cartier. J'ai eu tous les costumes
de la pièce par le costumier qui avait fait ceux de "Othello" de Marcel Lupovici .
Donc c'était à peu près à la même époque. Donc, j'avais les costumes,
j'avais tout et on a joué la pièce en plein air au centre américain car
la salle de théâtre était prise. C'est comme ça! On déboule, on fait des
rencontres et on avance.
Aux côtés de Bulle Ogier ou Pierre Clémenti en 1966 à l'affiche du spectacle-culte "Les Idoles", vous avez vécu l’âge d’or de la fin des années 60 quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
Jean-Pierre KALFON - Le
souvenir d'avoir fait de belles rencontres. Pierre Clémenti, c'est moi
qui l'ai fait monter sur une scène la première fois de sa vie dans une pièce qui s’appelait "Procès aux Templiers". Et
ensuite, lui et ses copains m'ont emmené chez Marc'O où l'on a joué les Bargases
ensemble. La première pièce c'était les Bargases
et la deuxième, "Les idoles" où
en plus on chantait et je retrouvais le rock que j'aimais, enfin des
créations. C'était pas le rock que j'avais entendu. Les créations
étaient de Stéphane Vilar le fils de Jean Vilar. Vous voyez, toutes ces
choses là s'enchaînent.
Pierre Clémenti, Valérie Lagrange, Bulle Ogier Marc'O, pouvez-vous nous raconter ces années passées ensemble ?
Jean-Pierre KALFON - Je
n'ai pas gardé de contact avec Valérie Lagrange qui a été ma compagne
pendant six ans. On s'est séparés et chacun a pris sa direction. Bulle
Ogier, en revanche, je lui ai parlé hier. Je lui ai envoyé mon album et
aussi les interviews parce que je sais qu'elle aime bien être au courant
de ce qui se passe. Mais voilà, ce sont des gens avec lesquels j'ai
créé une espèce de troupe. Pierre Clémenti, Bulle Ogier, Valérie
Lagrange, Michele Moretti, Philippe Bruneau. Tous ces gens là étaient mes amis, des amis
très chers et très proches. Mais malheureusement, beaucoup sont décédés.
Valérie vit avec un autre homme. Je ne la vois pas beaucoup. D'ailleurs
elle ne vit plus à Paris. Les autres sont quasiment tous décédés. Et
puis j'ai eu de nouveaux amis. Paul Ives qui était un grand chanteur
anglais et qui, lui aussi, a disparu. Il avait composé beaucoup de
musiques de mes chansons et j'ai beaucoup travaillé avec sa fille
Georgia.
Jean-Pierre KALFON - Elle a fait beaucoup de chœurs sur les chansons de son père et de moi aussi. Et on a fait deux chansons ensemble. C'est très important pour moi. Elle est jeune, juste une vingtaine d'années c'est une filiation entre elle et moi et c'est un peu comme si c'était ma filleule. Elle a un groupe qui s'appelle Maybe Merlin et qui connait un beau succès. Ils sont en train d'enregistrer un album. Et à chaque fois qu'on peut on se réunit parce qu'à travers elle, il y a quelque chose de son papa. Il était mon ami, presque un frère pour moi comme Pierre Clémenti. Didier Léon était aussi un ami très proche. Mais il s'est tiré une balle dans la tête. C'était des grands artistes mais des gens très fragiles. Soit ils sont morts de maladie, soit ils se sont flingués. Patrick Dewaere était quelqu'un de très sensible et de très attachant mais il n'a pas résisté. Pendant le concert, je rend un hommage à Amy Winehouse. Elle aussi n'a pas tenu. Trop sensible. A 27 ans elle a dégagé alors qu'elle avait apporté quelque chose d'absolument génial.
Vous avez été proche de Patrick Dewaere...
Jean-Pierre KALFON - On a bien travaillé ensemble sur le film d'Henri Verneuil. Je l'avais connu, avant, chez Coluche rue Gazan. Il avait une piscine et on se baignait ensemble. C'était quelqu'un qui était de bonne humeur mais je percevais chez lui une espèce de nervosité, de fragilité et de fébrilité. Il était à vif. Même à l'écran, on ressentait chez lui une sorte d'inquiétude qu'il n'arrivait pas à contrôler. Ça été difficile pour lui et, malheureusement, ça s'est terminé comme on sait.. Et pourtant je peux vous assurer qu'on s'est bien marrés. Mais voilà, il rentre chez lui, un coup de blues et il se fait sauter le cerveau. C'est moche car c'était quelqu'un de formidable, d'une grande sensibilité. Lui aussi avait envie de chanter. Il a d'ailleurs fait un disque. Mais voilà on a perdu quelqu'un de très sensible, très émotif et à la fois très fort.
En 1976, vous fondez "Kalfon Rock chaud", et vous jouez au premier festival punk de Mont-de-Marsan, quel souvenir gardez-vous de cette époque ?
Jean-Pierre KALFON - J'ai
tourné un film au Brésil et j'ai connu, là-bas, à Rio un américain qui
jouait également dans le film. Il jouait de l'harmonica et moi de la
guitare et on jouait ensemble. Le film s'est terminé, il est rentré aux
États-Unis et moi en France. Quelques temps après, il m'a appelé pour
faire un film au Chili. Je n'ai jamais vraiment su pourquoi là-bas. Il
devait avoir des accointances dans ce pays. Il m'a envoyé des billets
d'avion et je suis parti à New-York avec un copain. Et un jour, je dîne
avec cet américain que j'avais connu au Brésil et il me dit qu'il
s'occupe d'un chanteur qui s'appelle Bob Marley et qu'il fait du reggae.
Pour moi ça ne me disait rien du tout. Et il m'annonce que ce chanteur
va nous rejoindre. Et il arrive avec sa casquette de Kids qui cachait ses dreadlocks. On a bu un coup et l'américain nous dit qu'il connait un studio
tout près de là et que si on le souhaite on peut aller jouer. Et on est
parti jouer tous les trois avec ce qu'il fallait pour pouvoir tenir la
nuit. De la poudre d'escampette et le reste... Et on a joué toute la
nuit. J'ai joué du reggae sans le savoir. J'ai suivi à la basse, Bob
jouait de la guitare et le copain jouait de la percussion et de
l'harmonica et on a improvisé, comme ça, toute la nuit. Je n'ai jamais
revu Bob Marley. Il a fait un concert au Palace à Paris et j'ai voulu
aller le voir en coulisses après mais la sécurité m'a empêché de passer.
Ceci dit, c'est quelqu'un que je n'ai connu qu'une nuit, rien de plus.
C'était un pur hasard. Et ça ne s'est finalement pas produit que l'on
puisse se retrouver. J'étais très ami, à l'époque, avec les New York
Dolls et suis toujours ami, aujourd'hui, avec le seul membre qui est
encore en vie, David Johansen, le chanteur. Tous les autres sont morts.
Une vraie hécatombe. La première fois je les ai vus en 1973 et on joué
dans un endroit qui s'appelait le Mercer Arts Center C'est un des derniers concerts
qu'il y a eu dans cet endroit car, après, l'immeuble s'est écroulé. Je
sais pas si c'est parce qu'ils ont joué trop fort (rires).
En 2003, vous êtes à l'affiche de la pièce "La cuisine d'Elvis" au théâtre de poche à Montparnasse. Vous portez même l'un de ses célèbres Jumpsuits. Qu'est-ce qui vous a conduit à ce rôle ?
Jean-Pierre KALFON - On
m'a casté pour ce rôle. Le metteur en scène savait que je chantais du
rock. Et, là, il y a une chose qui a été formidable pour moi, c'est que
ça m'a donné l'occasion de chanter des chansons d'Elvis en anglais et de
rentrer un peu dans ses baskets. J'ai demandé à mon ami Paul Ives de
m'aider pour le phrasé et pour la respiration. J'ai pu faire cinq
chansons d'Elvis tous les soirs pendant 2/3 mois. Ça été quand même une
très bonne école. Je suis un grand fan d'Elvis et j'ai eu la chance de
m'emboiter dans ses pas pendant un petit moment sans chercher à l'égaler
car c'était un Dieu quand il chantait. Il a inventé un style et
possédait tout, le physique, la façon de bouger....
Vous tournez moins au cinéma. Les scénarios sont-ils moins excitants qu'auparavant, êtes-vous toujours aussi sollicité ?
Jean-Pierre KALFON - J'ai
fais de beaux
court-métrages avec un garçon qui s'appelle Stéphane Castan et qui vient de réaliser
son premier long-métrage. Je vais en tourner un en janvier/février. Et
puis, j'espère qu'un jour quelqu'un va me proposer, encore, un beau rôle
car j'aime beaucoup être acteur. J'ai fais acteur par accoues puisque
je voulais faire chanteur, faire de la musique. Donc j'ai fais acteur
par hasard et j'ai aimé ça. Ça m'a permis de sortir de l'anonymat. Les
gens m'ont aimé comme acteur. J'ai fais du théâtre, du cinéma et ç'a m'a
cultivé en plus. C'était très intéressant de faire tout ça et
d'emprunter ce chemin. Ça m'a également permis de gagner de l'argent et
d'acheter des instruments de musique et de me mettre à la musique. Donc
je remercie le métier d'acteur et je me remercie d'avoir pu aller au
bout de mon envie de chanter et de jouer de la musique. J'ai joué avec
Jacques Higelin pendant six mois, en 1975, où je l'accompagnais à la
guitare. C'est un chemin désordonné mais en même temps tout ça c'est de
la scène. Le goût des plateaux de cinéma. Dans tous les cas, c'est
jouer! On joue quand on est acteur, on joue quand on chante et qu'on
fait de la musique. Ça a un côté enfantin tout ça. On va jouer on fait Joujou ... On se redonne une
sorte d'adolescence...
Aujourd’hui en 2022, vous nous offrez un album "Méfistofélange" : pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Jean-Pierre KALFON - J'aurais
préféré ne pas attendre aussi longtemps mais d'un autre côté il fallait
que je fasse mon chemin là dedans parce qu'on se dit, bon je veux
chanter ou je veux faire de la musique, de la guitare. D'accord, mais
après ? Comment fait-on ? Pour aller où ? Et surtout, comme moi, quand
on est amoureux des grandes voix et des grands chanteurs, Otis Redding,
Elvis, Wilson Pickett, Bob Dylan, Mick Jagger, Jim Morisson, Aretha
Franklin, Tina Turner. Vous entendez tous ces gens et vous vous dites,
il faudrait bien que je me fasse un petit chemin au milieu de tout ça.
Je ne vais pas les imiter mais je vais essayer de trouver ma voie, ma
façon de faire. Et si on veut trouver cette façon de faire il faut
s'exercer, il faut y aller, il faut se casser la gueule, il faut se
taper la tête contre les murs, il faut rater. Alors, soit vous ratez et
vous abandonnez ou si vous souhaitez continuer, finalement il y a
quelque chose qui se passe. Vous évoluez et petit à petit ce que vous
faîtes commence à ressembler à quelque chose. Et c'est en effet ce qui
s'est passé lorsque j'ai sorti mon premier album "Black Minestrone" en
1993. Il y avait de superbes chansons, et d'excellents musiciens mais je
ne chantais pas très bien. J'ai continué à travailler chez moi sur mes
bandes et des musiques et, petit à petit, je me suis appris ce que je
voulais faire. Chanter c'est quelque chose qu'on va chercher au fond de
soi. Quelque chose à exprimer, de fort. C'est pas le cas de tout le
monde. Parfois c'est juste un produit commercial. Mais moi c'est pas ce
qui m'intéressait. C'était comment transposer quelque chose de l'âme et
du cœur. Alors c'est ce que j'ai tenté de faire. Je ne sais pas si ça
se ressent dans le disque mais c'est ce que j'essaie. En tout cas, c'est
le but.
Hormis l'album "Les Idoles" vous avez fait beaucoup de 45t différents, sans album ?
Jean-Pierre KALFON - C'était
pas chanté pour moi, c'était plutôt braillé, plutôt punk. J'ai fais un
45t 4 titres chez CBS en 1965 où j'ai écris ma première chanson. La
chanson hebdomadaire. C'est comme ça. Petit à petit, une pierre après
l'autre. Des fois le mur s'écroulait et il fallait recommencer. Il
fallait repartir dans une autre direction. En fait, c'est le blues qui
m'a guidé. Le blues, ça vient du gospel. C'est une musique qui porte en
elle une force vitale, une sensibilité. C'est une musique qui permet de
vous exprimer avec sensibilité et de toucher le cœur des gens. Pour ma
part, j'ai été touché par cette musique et c'est ce que j'essaie de
transmettre. Alors, je ne sais pas si j'y suis arrivé mais je m'y
emploie.
Qu’est-ce que vous faites lorsque vous ne travaillez pas ?
Jean-Pierre KALFON - J'aime
bien aller au cinéma et au théâtre. Mais aussi organiser des réunions
avec les copains. J'écris aussi. D'ailleurs, actuellement, j'écris une
pièce de théâtre. J'espère pouvoir la monter prochainement. En fait, mes
passions sont limitées à tout ce qui touche à l'artistique. C'est ce
qui m'a sauvé du néant car je suis parti de rien. J'ai pas été aidé. Pas
plus par mes parents qui ne voulaient pas que je fasse ce métier. J'ai
du me débrouiller tout seul. Ce métier est avant tout une grande passion
et, à travers elle, il faut essayer de ressentir les choses. Ce métier,
c'est avant tout, ressentir, ressentir ! ...
Aujourd'hui, quels sont vos groupes préférés ? Sont-ils les mêmes qu'avant ? Quel genre de musique préfèrez-vous écouter ?
Jean-Pierre KALFON - J'aime
bien écouter les artistes qui sont dans la création. Moi, je suis
toujours dans le blues. J'aime David Bowie, Iggy Pop, Lou Reed, des gens
comme ça. Et puis il y a eu Amy Winehouse qui, pour moi, est la
dernière grande créatrice. J'essaie d'aller au bout de ce que ces gens
m'ont apporté. De leur rendre hommage.
Comment s'est passé l'enregistrement de l'album "Méfistofélange" ?
Jean-Pierre KALFON - Ça
s'est passé très simplement. Un musicien a rencontré quelqu'un et ils
se sont mis à parler de moi. Cette personne lui a répondu qu'elle
connaissait une autre personne qui aimerait bien me produire et m'a
dirigé chez Déviation Records. J'ai envoyé des maquettes, ça a marché et ils
m'ont dit oui. J'ai réuni des musiciens que je connaissais bien puisque
j'avais déjà travaillé avec eux pour des concerts. J'avais de nouvelles
chansons, écris de nouveaux titres. On a monté tout ça et j'ai réuni
tout le monde. Le batteur François Causse possédait un studio et avait un très bon
ingénieur du son. On a donc enregistré chez lui avec les musiciens qui
sont tous des amis. Des gens avec lesquels j'avais déjà joué. Ce n'était
pas des requins de studio que j'étais allé chercher au dernier moment.
J'ai carrément regroupé des amis, des gens qui aiment la même musique
que moi. J'ai écris tous les textes des 14 chansons et composé 2
musiques. Et on a enregistré tout ça dans l'enthousiasme. Puis on a
peaufiné, mixé, masterisé. J'ai refais des voix. Ce travail en studio
nous a vraiment permis d'affiner le tir.
Reste-t-il quelques titres bonus ?
Jean-Pierre KALFON - Oh là oui ! J'en ai plein d'avance que j'aimerais sortir mais il faudrait déjà que cet album marche. Et pour qu'il marche, il faudrait faire des concerts. Je viens d'en faire un en acoustique avec juste deux guitaristes. Mais il faudrait en faire d'autres avec tout le groupe. J'ai envoyé une chanson à l'un de mes deux guitaristes. Je lui ai proposé un texte et lui ai demandé ce qu'il en pensait, si ça l'intéressait et surtout si ça lui plaisait. Parce qu'une fois que j'écris un texte si on me met de la musique, ça rechange encore. J'affine le tir. Au départ il y a du remplissage et avec la musique, je me dis qu'il faut virer çi ou il faut remettre ça. Où même changer. Par exemple la chanson "Noire la nuit" au départ elle ne parlait pas du tout de ce qui se passe aujourd'hui. Elle évoquait la mort des nuits parisiennes. Aujourd'hui, il n'y a plus le Palace, les Bains Douches. Une époque révolue. Et puis est arrivé la guerre en Ukraine. J'ai écris une chanson sur le sujet. Les bombes et les tombes. C'est comme ça. La vie apporte elle-même les sujets.
Si vous deviez vous définir, quelle serait votre phrase ou votre devise ?
Jean-Pierre KALFON - le
"Gourmand de la vie". Je suis comme un gosse devant la vitrine d'une
pâtisserie qui voudrait goûter tous les gâteaux. Et bien la vie c'est un
peu ça. Il y a la musique, le cinéma, le théâtre, l'écriture. Je suis
un friand de tout ça.
Pour finir, si vous deviez vous rendre sur une île déserte et ne garder que 3 choses : un disque, un film et un troisième choix, quelle serait votre sélection et pourquoi ?
Jean-Pierre KALFON - C'est
épouvantable ce choix. Heureusement que je ne suis pas dans cette
situation là. Heureusement pour moi. Sinon, j'emmènerais un disque de
Blues en espérant qu'il contienne du gospel et du rock. Un livre..Je
sais pas..peut-être Shakespeare et la troisième chose...Une belle fille!
(rires)
Quelque chose à rajouter ?
Thierry CATTIER
Photo DR et Th CATTIER / SHOOTING IDOLS
William CHOPIN ( Retranscription)
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