Vous arrivez en 1968 à Genève suite aux évènements du Printemps de Prague. En gardez-vous des souvenirs ?
Martina Chyba - Je
suis arrivée à Genève en 1968 avec mes parents. J'étais une réfugiée.
D'ailleurs, quand mon fils a vu les migrants suite à la guerre en
Ukraine, il m'a dit "Maman, en fait toi aussi tu étais une migrante".
Et c'est ce que j'étais. Je suis arrivée en 1968 à pieds par la
frontière avec un doudou. C'est la seule chose que je possédais de mon
enfance. J'ai quelque flashs, de bébé, de ma vie à Prague, mais vraiment
des flashs de bébé. La baignoire, la cuisine, des choses comme ça. Mais
je n'ai aucun souvenir de l'exil, du chemin, de l'arrivée en Suisse.
C'est un trou noir dans mon cerveau et dans ma vie. Les souvenirs que
j'ai sont déjà des souvenirs d'école à 4/5 ans autour de Genève. Et là,
j'ai longtemps pensé que c'était la source de cauchemars récurrents que
je faisais. Des cauchemars où je n'arrive pas. Quelque-part je dois
prendre l'avion, je n'y arrive pas, je dois prendre le bus, je n'y
arrive pas, etc... Donc, on m'a vivement conseillé de faire soit une
psychothérapie, soit une EMDR qui aide à gérer les traumas. Peut-être que
je vais le faire.. mais pour le moment je vis avec ces cauchemars et ce
trouble dans ma vie. Je n'en ai aucun souvenir.
Comment s'est passé votre jeunesse à Genève ?
Martina Chyba - Ma
jeunesse a Genève, je m'y suis intégrée par...bien que je n'aime pas
utiliser ce mot... par l'excellence ! Mes parents me disaient "On est
arrivé à Genève et on ne parle pas un mot de français.." ils avaient
fait des études. Mon père était économiste et ma mère a fait des études
d'ingénieur. Ils ont trouvé du travail et nous, les enfants, il fallait
être bons à l'école mais aussi en sport car les tchèques aiment le
sport. C'est une religion là là-bas. En fait il fallait être bon en
tout. Je me suis donc intégrée par la langue française que j'ai adorée.
J'ai d'ailleurs laissé de côté ma langue maternelle qui était le tchèque
que je parle extrêmement mal et j'ai adoré le français. J'ai été une
bonne élève. J'aimais beaucoup l'école et j'ai fais du sport. Il y a
beaucoup de Martina qui font du tennis ! (Rires)
Et j'ai fais du tennis, comme ça, par opportunisme. Parce qu'a ce moment
là ma mère avait perdu son job dans un des chocs pétroliers et, du
coup, avait repris la buvette au tennis club. Donc j'ai joué au tennis.
Et voilà, j'ai eu une enfance et une adolescence assez sage, assez
studieuse, assez cadrée, sur l'école, le sport, etc.. et c'est un peu
plus tard lorsque j'ai intégré l'université que je me suis dit que la
vie pouvait être un peu plus marrante que ça, au delà des bonnes notes,
de la discipline. Donc j'ai eu une enfance et une adolescence un peu
torturées parce que je suis un peu névrosée. Mais je me suis sentie très
"Genevoise" et me suis vraiment bien intégrée. On habitait dans un
quartier très populaire mais dont je garde un souvenir assez vivant et
finalement assez sympa même si mon grand rêve, quand j'étais enfant et
ensuite ado, c'était de me dire qu'un jour j'habiterais au bord du lac
Léman pas loin du jet d'eau et j'ai réussi ça, en tout cas. J'ai
accompli ce rêve et j'ai habité pendant plus de 20 ans tout près du jet
d'eau.
Après des études de lettres, vous entrez à la Télévision suisse en 1989 comme journaliste : qu'est-ce qui vous a amenée vers ce milieu ?
Martina Chyba - A
l'âge de 14 ans j'ai trouvé dans la bibliothèque de ma grand-mère, car
j'avais une grand-mère tchèque qui était venue avec nous comme réfugiée
en Suisse, qui parlait plusieurs langues et qui avait appris le
français. Elle avait pas mal de bouquins et j'ai trouvé un Zola qui
s'appelait "Pot-Bouille" dans sa bibliothèque. J'ai été happée par ce
bouquin. Du coup j'ai acheté toute l’œuvre de Zola que j'ai relu 4 ou 5
fois. J'ai vraiment été fascinée par cet auteur, par ce qu'il écrivait
et je suis entrée en littérature un peu comme ça. Avant, j'aimais bien
lire ce qu'on lisait à notre âge, "le club des cinq", "Fantômette", la
bibliothèque rose ou verte mais là, vraiment, Zola ça m'a fait entrer en
littérature. Et donc ç'a m'a poussé à faire des études de lettres.
Ensuite j'ai étudié André Gide au lycée que j'ai adoré puisque c'est une
langue qui est absolument prodigieuse. Et mon amour du français et de
l'allemand, car j'ai fais aussi de l'allemand à l'université, m'ont
poussé vers la littérature. Maintenant, j'ai toujours rêvé d'écrire des
choses. J'ai commencé, durant mes études, à enseigner le français et
écrire pour un journal Genevois, qui existe toujours et qui s'appelle
"La tribune de Genève " où je faisais des piges. A l'époque c'était payé
65 centimes la ligne et on vous enlevait la moitié des lignes. C'est
dire si on ne gagnait pas sa vie mais c'était un peu une entrée dans le
journalisme. Et au moment où j'ai fait mes dix examens finaux de
lettres, j'ai vu une annonce dans la "Tribune" précisément car à
l'époque les annonces emplois c'était dans le journal. Ils cherchaient
des stagiaires à la télévision Suisse Romande qui s'appelait TSR à
l'époque. J'ai participé à ce concours en même temps que mes examens et
j'ai été prise. J'ai donc enchaîné les examens, la fin des études et en
septembre 1989 l'entrée à la télévision. Je ne connaissais rien à
l'image. C'était pas du tout comme aujourd'hui où il faut savoir filmer,
monter. Moi je savais un peu écrire mais à l'époque on apprenait
pendant le stage. J'ai fait mon stage à la télévision à ce moment là et
cela fait 33 ans que j'y suis. je ne me suis jamais ennuyée car j'ai pu
faire plein de choses différentes.
Votre premier roman, "2 Femmes 2 Hommes 4 Nevroses" date de 2006, pourquoi cette orientation tardive ?
Martina Chyba - Comme
je l'ai dit précédemment, la télévision c'était un monde nouveau pour
moi. J'ai été happée par le monde de l'image. J'ai créé des magazines,
j'ai travaillé un peu dans la fiction, dans le divertissement. J'ai fait
beaucoup de choses. Accessoirement, j'ai fait deux enfants ce qui prend
un peu de temps surtout quand on travaille à plein temps. Et puis 2006,
j'avais 41 ans. Ça sent la crise de la quarantaine où on se dit il
faudrait que je revienne à mes passions de jeunesse. Il faudrait pas que
j'oublie qui j'étais à ce moment là et ce que j'avais envie de faire.
Je pense que ça correspondait aussi à une quinzaine d'années de vie
professionnelle dans l'image. J'avais envie de revenir à l'écrit. Donc,
j'ai sorti ce livre qui est assez rigolo, assez technique qui est moins
une histoire suivie. Ce sont des espèces de portraits un peu impressionnistes de personnages. Je me suis bien éclatée au niveau de la
langue. Il avait d'ailleurs assez bien marché. Et là je me suis dit
qu'il fallait que je renoue avec quelque chose qui était profond chez
moi quand j'étais enfant et que j'avais simplement pas eu le temps,
l'occasion, la discipline, l'énergie de faire. Et puis pour écrire, il y
a des gens qui écrivent super bien depuis l'âge de 14/15 ans, pour
écrire il faut avoir vécu des choses, avoir des choses à raconter. Chez
moi ça a pris un peu plus de temps et j'ai dû assumer aussi que pour une
lettreuse qui a fait son mémoire sur "Les Faux-monnayeurs" d'André Gide
dans un langage extrêmement académique, universitaire, il fallait que
je trouve mon écriture. Mon écriture est un peu particulière quand même
puisqu'elle est très directe, très parlée et parfois grossière. J'adore
la langue française. J'adore jouer avec et il fallait que j'assume ça,
cette forme d'écriture là. Et mon premier livre m'a aidé à l'assumer.
Il se passe souvent plusieurs années entre vos publications : est-ce un choix délibéré ?
Martina Chyba - En
fait c'est un choix et un non choix. Quand on est à plein temps dans un
média, qu'on élève deux enfants, qu'on essaie de faire un peu de sport
et qu’accessoirement il faut tenir une maison, un foyer et avoir une vie
amoureuse à côté, il reste pas beaucoup d'heures dans la journée. Il
reste la nuit. Alors je dors hyper mal, ça c'est vrai mais
voilà.L'écriture de livres c'est quand même une grosse discipline. Les
chroniques c'est autre chose. J'en fait beaucoup, avec plaisir, et
j'arrive à les faire assez rapidement. Mais un livre, il faut s'y mettre
tous les jours, il faut revenir sur de la matière, il faut sortir 200
pages qui se tiennent. Il faut se renseigner, il faut vérifier des
choses, il faut que ce soit bien torché, qu'on en soit content, que ça
sorte des tripes et du cœur. Donc il faut un peu de temps. Il faut
passer du temps sur son clavier car je n'écris plus que sur ordinateur.
Il y a des périodes où j'arrive à avoir cette discipline personnelle et
puis il y a des périodes où cette discipline personnelle passe dans
autre chose. Je fais de la course à pied et, ça aussi, ça à pris du
temps après le tennis que j'ai complètement arrêté. Je n'ai jamais
retouché une raquette de ma vie comme quoi ce n'était pas vraiment mon
sport. J'ai recommencé la course à pied vers 2010, donc très tard à 45
ans et ça m'a pris, aussi, un peu d'énergie à faire ça, d'arriver
jusqu'au marathon, de m'entraîner, de me dire que malgré l'arthrose et
le fait que ça grince dans tous les coins on peut encore faire quelque
chose. Des fois il faut choisir ses combats et il y a parfois une
urgence d'écrire. Et puis, parfois, il y a une urgence à vivre, à faire
autre chose. Ça explique certains trous. En l'occurrence j'ai publié un
livre en 2022. Je n'avais rien publié depuis près de 10 ans. Ça
correspondait à une période de ma vie qui est en partie racontée dans le
dernier roman où, effectivement, il y a eu deuils, divorce, mes
premiers soucis de santé. Un certain nombre de choses où, parfois, il
faut faire passer son énergie là dedans. Et je n'avais pas eu la force
de me mettre sur un bouquin avant l'année passée.
Comment passe-t-on de journaliste à écrivain ?
Martina Chyba - Alors c'est une grosse question. Parce qu'en tant que journaliste vous vous appuyez sur quelque chose qui existe que ce soit l'actualité, le témoignage des gens, les chiffres, les datas. Quand on est devant un roman ou une chronique, vous êtes devant une page blanche et vous devez raconter une histoire aux gens. Dans un reportage, on essaie de raconter une histoire avec un début, un milieu, une fin avec des codes journalistiques mais on s'exprime pour un média pour lequel on travaille. Lorsque je suis au travail je m'exprime pour les journaux pour lesquels je travaille. Par exemple, je travaille pour un magazine qui s'appelle "Générations" et qui est destiné aux plus de 50 ans. Donc là, c'est un certain code. Mais aussi pour "PME magazine" qui est un magazine économique. Là c'est d'autres codes. Et je travaille pour le service public à la télévision Romande et là c'est encore un autre code. Mais quand vous êtes devant ce qui va devenir un roman, et bien il n'y a que vôtre nom. Ça n'engage finalement que vous et évidemment la maison d'édition. Ça veut dire que vous pouvez faire ce que vous voulez. C'est une liberté qui est vertigineuse que vous n'avez pas, bien sûr, en tant que journaliste. Et là je me dis, j'ai une feuille et je peux raconter ce que je veux. Je peux raconter n'importe quoi. Et c'est là où c'est extrêmement différent. Et vous avez aussi une liberté de ton, de vocabulaire qui est totale. Donc c'est un autre travail. La deuxième chose c'est que sortir 200 pages c'est pas faire un reportage de 5, 10, ou même 52 minutes ou une chronique de 3000 signes ou 6000 signes. C'est autre chose. Les gens vont prendre ce livre, ils vont le lire au lit, en voyage, sur la plage. C'est quelque chose sur leur canapé, quelque chose d'intime. Ils vont le poser puis le reprendre et donc vous devez leur raconter quelque chose qui va les toucher. Et ce qui est assez nouveau pour moi depuis quelques temps, en tout cas avec le dernier livre que j'ai sorti, ce qui m'a fait plaisir c'est que le gens me disent vous avez vos formules, celles qu'on aime. J'ai un langage qui peut être ironique, sarcastique, très "envoyé" comme on dit, mais vous nous avez fait pleurer. Ça c'est quelque chose de très nouveau pour moi. Et quand j'ai fait des reportages pour la télévision, les gens qui faisaient pleurer étaient ceux qui témoignaient. Et là, pouvoir faire pleurer les gens avec des histoires que vous leur racontez avec vos propres mots, je trouve que c'est très touchant. C'est un exercice qu'on peut faire et c'est un effet qu'on peut atteindre par le roman, par l'autobiographie, peu importe mais on peut toucher les gens par cette écriture littéraire et ça c'est assez nouveau pour moi. C'est quelque chose que j'apprécie beaucoup dans mon évolution, d'être capable de pouvoir faire ça. Parce que si vous ne suscitez pas d'émotions c'est peut-être que le sens du travail n'est pas tout à fait compris. Donc voilà c'est un peu les différences par rapport aux deux.
Martina Chyba - J'avais
emmagasiné beaucoup de choses dans ma vie personnelle et puis
parallèlement à tout ce qu'on dit quand on a 50 ans, c'est un âge fantastique,
il faut quand même le dire. Il y a des interviews de comédiennes qui
disent "ah, je n'ai jamais été aussi épanouie qu'à 50 ans. Autour de
moi, dans ma vie, c'est un peu différent. Parce que vous avez vos
enfants qui grandissent et c'est pas simple, vos parents qui
vieillissent et qui meurent et c'est pas simple, vous-même qui
vieillissez avec les premiers pépins de santé et vous pouvez faire tout
ce que vous voulez, il y a un jour où ça arrive, vous avez le boulot où
l'on vous dit gentiment que vous êtes sénior, bientôt vétéran et bon
pour la casse et c'est pas simple, vous avez votre retraite où l'on
vous dit "Oh là, ça va pas se présenter très bien. Il faudrait quand
même mettre un peu d'argent de côté". Et puis à côté de tout ça, vous
êtes censée avoir une vie amoureuse, épanouie. Comme on est un sur les
deux à être divorcés, c'est pas facile. Et donc, voilà, j'ai pris tout
ça comme tous les quinquagénaires. Je ne parle même pas de la ménopause
des femmes, des problèmes de démon de midi et autre andropause pour les
hommes parce qu'on est tous en crise, n'est-ce pas ! Donc j'ai vécu ça,
j'ai digéré ça, j'ai absorbé ça. Et je me suis dit, au fond, ce sont des
choses banales mais qui peuvent faire de la bonne matière littéraire.
Rencontrer un mec qu'on a jamais vu sur les marches du Sacré-Cœur, il
faut quand même y aller après 20 ans de mariage. Un mariage qui se
casse, il faut tout reconstruire. Ce ne sont pas des choses simples. Se
dire qu'on va se racheter un appartement sur le tard alors que tout le
monde vous dit qu'il ne faut pas le faire, qu'est-ce que je fais avec la
sale gueule que je trouve le matin devant la glace. Est-ce que, oui ou
non, je me fais opérer des yeux. Plein de questions. Et je me suis dit
que ça pouvait faire une trame, une histoire. Et parallèlement à ça je
réfléchissais depuis longtemps à la relation aux œuvres d'arts, car je
suis passionnée par les beaux-arts depuis longtemps. Ça m'aide à vivre.
J'ai des tableaux qui m'aident à vivre. Et je me disait "il y a un truc à
trouver, là". Et j'ai vu qu'au Canada et en Belgique, on commençait à
prescrire des œuvres d'arts comme de la muséothérapie. On peut lui
donner le nom qu'on veut mais ça correspondait tellement à ce que je
ressentais que j'avais dit à mon éditrice qu'on pourrait faire un truc
autour de ça. J'avais trouvé mes deux fils. C'est à dire qu'il y avait
le fil de l'histoire d'amour qui commençait sur les marches du
Sacré-Cœur avec toutes les réjouissances qui vont avec et puis il y
avait le fil de cette femme qui vit ces histoires et qui va les déposer
chez une psy qui prescrit des œuvres d'arts. Et une fois que j'avais
trouvé ça, cette structure, je me suis dit "Là je peux me lancer dans
quelque chose". J'avais à l'époque un poste de haut management au sein
de la RTS, la télévision suisse. Mais avec le covid c'était devenu un
poste de fou que j'ai quitté le 31 décembre 2021 ce qui a libéré de
l'espace mental dans ma tête pour pouvoir écrire. Voilà comment ça s'est
fait.
C'est un roman humoristique, un mélange d'autobiographie et de fiction : dans quelles proportions ?
Martina Chyba - On
est entre nous, n'est-ce pas !? En fait j'ai décidé d'assumer que
c'était ce qu'on appelle de l'auto-fiction, c'est à dire qu'il y a une
part d'autobiographie, bien sûr, et il y a une part qui est inventée. Je
vais dire 75% d'auto et 25% de fiction. Il y a beaucoup de choses qui
se sont réellement passées dans ma vie et une partie qui a été inventée.
Par exemple, je n'ai jamais fait de thérapie moi-même. Je devrais
peut-être, ça ne serait pas une mauvaise idée. Le fameux psy qui
prescrit des œuvres d'arts n'existe pas, je l'ai inventé. C'est une
projection fantasmatique personnelle parce qu'évidemment il est très
beau, il est intelligent, il vous percute dans la seconde, il arrive à
tirer tout ce qui faut et a vous prescrire les tableaux qui vous repare. Et ce qui
est extrêmement drôle c'est que j'ai fait beaucoup de séances de
dédicaces en Suisse au mois de décembre et il y a des gens qui se
penchaient vers moi et qui me disaient "Donc le psy, il existe ? Si
jamais vous pouvez me filer son numéro de téléphone, pas aux autres mais
à moi"... Donc les gens sont très clients de ce psy et je suis obligée
de leur répondre que c'est unes des rares choses, dans le livre, qui à
été inventée. Donc voilà, c'est 75/25. Et j'assume complètement que
certains épisodes ont été vécus. D'ailleurs, il y a eu un moment très
drôle avec un de mes collègues à la radio qui m'a dit "Ok, Martina, on
va faire un petit jeu. Je vais vous citer tel ou tel épisode du livre et
vous me dites si, oui ou non, vous l'avez vécu" et il m'a bien envoyé
dans les cordes. Il m'a dit "Le monsieur sur les marches, vous l'avez
vécu ? Euh oui.. Vous êtes vraiment montée chez lui le premier soir ?
Euh oui.. Vous vous êtes vraiment fait refaire les paupières ? Euh oui..
Vous êtes vraiment allée dans un restaurant un peu échangiste ? Euh
oui....!! C'était vraiment un moment très marrant. Un moment où il faut
s'assumer. Et ça c'est un des privilèges de l'âge. Il faut bien qu'il y
en aient.
La thérapie par l'art, en allant ressentir les émotions des toiles de maitre : pourquoi ce choix, et pas à travers la musique, le cinéma ?
Martina Chyba - La
thérapie par l'art, je n'essaie pas de dire que c'est ça qu'il faut
faire. Il y a des gens qui trouveront ce même type de thérapie, par
exemple, dans la nature en regardant des plantes ou des fleurs.
D'autres avec la musique, le cinéma, la littérature. Le message que je
voulais porter c'était de dire que l'art n'est pas juste quelque chose pour briller dans les salons car on vous dit l'art est inaccessible, c'est
pour briller dans les salons, les gens n'y comprennent rien. Il faut
juste se mettre dans l'idée que l'art est la première chose que, depuis
la nuit des temps, les humains ont fait pour raconter qui ils sont, ce
qu'ils sont et ce qu'ils font. C'est de jeter contre des murs des
dessins, des images, des signes qui nous émeuvent encore aujourd'hui
énormément. Quand on voit les peintures rupestres dans les grottes de
Lascaux ou la grotte Chauvet ils avaient déjà ce besoin de dire quelque
chose, de dessiner. Et donc c'est quelque chose d'extrêmement profond
chez chacun. On a tous dessiné, on a tous fait une petite sculpture,
moche la plupart du temps, mais on a tous fabriqué quelque chose pour
exprimer quelque chose. C'est comme ça qu'il faut voir l'art. Pas comme
la petite étiquette que vous voyez à côté d'un tableau où c'est marqué
"Peint en 1888" puis ça s'appelle comme ça. Je ne suis pas historienne
de l'art mais j'ai voulu sortir de ça et dire, finalement c'est
peut-être pas si important de savoir qui a peint, en quelle année, dans
quel courant pictural, avec quelle matière, avec quelle technique,
etc... Ce qui est important c'est que quelqu'un a jeté ça sur une toile,
sur un mur, sur un morceau de marbre. Il a jeté son sang, sa sueur, ses
tripes, son cœur, ses couilles, tout ce que vous voulez. Ses larmes,
ses joies, ses rires. C'est ça qu'il faut essayer d'aller chercher quand
vous êtes devant. C'est ce que dit le psy dans le livre. Il dit
"Qu'est-ce que ça peut me donner comme force, qu'est-ce qu'il y a là
dedans qui peut m'aider". Dans le livre on essaie de faire des chapitres
qui ne sont pas trop longs, qui sont ses consultations avec les
tableaux et j'ai beaucoup insisté pour que les tableaux y figurent et
qu'ils soient en couleurs. L'éditeur a d'ailleurs fait un joli travail
sur la couleur pour que les gens puissent vraiment voir les tableaux et
voir de quelle manière on va chercher quelque chose qui soit très
accessible et qui peut nous donner de l'énergie. Et chez chaque personne
il y a dans l'art quelque chose qui va toucher un nerf, vous savez
comme chez le dentiste. Alors il y a des peintres, des sculpteurs ou des
artistes qui ne vous toucheront pas et d'autres qui vous toucheront à
l'infini. Et en allant vers ceux-là, en allant chercher ce qui vous
touche, il est prouvé que ça active des neurotransmetteurs dans le
cerveau, que ça sécrète des hormones comme la dopamine ou l'ocytocine,
des choses qui font du bien. Et même que ça peut vous modifier certains
circuits. Ça s'est vraiment démontré. Et donc je trouvais que c'était
peu traité, en tout cas sous cette forme-là et que c'était intéressant.
D'ailleurs, je vis dans un salon depuis plus de trente ans avec des
immenses posters de nus de Egon Schiele. Je vous raconte pas quand mes enfants
étaient petits, que leurs copains venaient et qu'ils disaient "Oh, c'est
un peu bizarre chez les parents..." Mais je me sens bien, ce sont mes
doudous, des choses qui m'accompagnent. Et j'ai demandé à mes enfants de
m'enterrer avec, enfin de m'incinérer avec, de les mettre avec moi.
Donc je pense que chacun peut trouver quelque chose qui le touche, qui
lui plaît et ce que je dis aux gens, allez au musée mais pas en se
disant il faut que je vois tout, que je me ballade comme ça en regardant
les petites étiquettes. Réfléchissez à ce que vous voulez voir avant. A
la limite renseignez-vous un petit peu. Et lorsque vous êtes devant la
matière, vivez-là, ressentez-là, posez-vous ce type de questions et puis
après vous allez chercher le meilleur café autour du musée, vous allez à
la boutique et vous achetez une carte postale. Moi, j'achète les
petites boites où il y a plein de bonbons puis après j'y mets des boules
quies et des chewing-gums. Et vous aurez passé un moment pour vous
aussi. On peut y aller seul ou avec quelqu'un avec lequel on débriefe
après. Et franchement, ce sont des moments qui sont très beaux et qui
sont à terme, je pense, réparateurs.
Quel conseil donneriez-vous à cette génération de femmes "quinquas" qui se retrouve souvent un peu en décalage entre leurs ressentis et la place qu'on leur fait dans la société ?
Martina Chyba - Je
ne sais pas si j'ai des conseils à donner car j'ai tout pris en pleine
figure aussi. Mais si j'ai qu'un conseil à donner c'est quoi qu'il
arrive dans la vie, et il va arriver des merdes c'est obligatoire. Il
faut pas croire qu'a un moment donné le ciel va être bleu et qu'il le
sera tout le temps. Le conseil que j'aurais à donner c'est de ne pas
mettre le clignotant pour aller au garage ou au parking en attendant la
casse. C'est de se dire je suis vivante, et vivant car ça vaut aussi
pour les hommes, je suis vivante, je suis vibrante et j'ai encore le
droit de l'être. Et peu importe ce que les gens disent, un des grands
privilèges c'est de s'en foutre. Franchement. Et de se dire, oui j'ai
des balises dans ma vie. Je dois gagner ma vie, je dois gérer mon foyer,
m'occuper de mes parents âgés, m'occuper de mes enfants qui
grandissent, faire mon boulot, etc.. mais il y a un certain nombre de
choses, franchement je pense qu'on peut dire ça c'est mon coin Le regard des gens.
Si j'ai envie d'aller au Sex-shop, je vais au Sex-shop et je me fiche
éperdument de ce que les gens peuvent dire. J'ai le droit d'avoir une
sexualité si j'ai envie d'avoir une sexualité. J'ai le droit de faire un
certain nombre de choses mais ne pas se couper les ailes soi-même et ne
pas croire que le match est terminé.
Qu'aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas ?
Martina Chyba - Oh,
mais plein de choses ! J'ai beaucoup de plaisirs solitaires si j'ose
dire. Lire, écrire, courir. Je pourrais passer ma vie à ça. Depuis
quelques temps j'ai un appartement avec un petit jardin et c'est très
nouveau pour moi qui était une vraie citadine, amoureuse du béton et du
gasoil car j'ai été élevée là dedans. Et donc, tout à coup, ça a pris
une petite place dans ma vie, de me dire "oh, mais quand on plante
quelque chose, il y a quelque chose qui pousse". J'ai des oiseaux, une
maison à écureuils, j'ai un hérisson qui vient, donc c'est assez nouveau
dans ma vie, ça occupe un peu de place. Je vais voir des musées,
j'adore voyager même si avec le covid c'est un peu compliqué. Mais c'est
vrai que si je pouvais je partirais, facilement trois mois quelque part
pour découvrir un pays. J'ai beaucoup voyagé mais il y a encore plein
de choses que j'ai envie de voir. C'est un peu compliqué en ce moment
mais j'espère que ça reviendra. Et puis, j'ai une passion pour les
gâteaux. C'est un peu inattendu, on dirait pas mais j'aime bien la
décoration des gâteaux. Et donc, lorsque je serais à la retraite et si
j'ai des
petits enfants je ferais des cours de Cake design. J'adorerais
faire ce genre de choses.
Quels sont vos goûts en matière de musique, cinéma, littérature ?
Martina Chyba - Pour
la musique, c'est peu de dire que je n'ai pas l'oreille absolue. J'ai
fais sept ans de conservatoire de piano et c'est un désastre. Mais en
bonne Austro-hongroise, j'ai eu une éducation à la musique classique.
J'aime beaucoup l'opéra, les symphonies, de Mahler, les impromptus de
Schubert, Mozart.. Donc j'ai cette partie en moi qui existe. Tout ça, me
porte et me touche. L'Aïda de Verdi que j'ai découvert lorsque je
devais avoir 14 ans, je le met, parfois, dans mes écouteurs quand je
cours et le chœur des trompettes me fait du bien. Donc c'est une partie
classique que j'apprécie encore et que j'essaie de cultiver, pas assez
malheureusement. Et à côté de ça, j'avoue que je suis restée une enfant
des années 80 car j'étais adolescente à cette époque là. Je m'habillais
essentiellement en noir comme les Cure. On était très New Wave. Et il y a
deux personnes que je vénérais à l'époque, c'est Nina Hagen et Klaus
Nomi. C'est marrant parce que ce sont des gens avec des looks
extrêmement particuliers et des voix très spéciales. Donc c'est aussi
cette mouvance un peu punk mais avec ces voix qui sont des voix d'opéra.
Et ce sont des gens qui m'accompagnent toujours aujourd'hui. D'ailleurs
Nina Hagen vient de sortir un album qui s'appelle "Unity". Punk is not
dead ! Et je regrette énormément de n'avoir jamais vu klaus Nomi en
concert car lorsque je l'ai découvert je devais avoir 16 ou 17 ans et il
est décédé l'année d'après. Ça c'est une autre partie qui me porte.
Maintenant, des années 80, j'ai gardé toutes les niaiseries qui sont
sorties. Je trouve que c'est une époque où l'on pouvait faire n'importe
quoi, où l'on se marrait bien. Et on a le droit d'écouter ces musiques
là car elles font du bien. Après j'ai aussi tout un pan de chansons
françaises que j'aime beaucoup. Je ne suis pas très Brassens. Je préfère
Brel ou Barbara et puis Polnareff que j'adore. J'étais dans le carré or
lorsqu'il est passé à Bercy et je l'ai vu plusieurs fois en concert. Et
il y a des choses plus contemporaines que je suis. J'ai un fils qui
n'écoute que du rap. Moi, j'écoute d'une oreille car dans le rap je ne
suis jamais vraiment sortie d'Eminem qui est plutôt quelqu'un de notre
génération et quelqu'un de notre âge. J'ai une fille qui est très
comédies musicales donc je suis un petit peu avec elle. Je suis
d'ailleurs allée voir "Starmania". Mais la musique n'est pas l'art qui
me porte le plus. Maintenant pour le cinéma, je ne suis pas non plus une
grande cinéphile et, il y a quelques années, j'ai opéré un virage très
séries. Les séries, aujourd'hui, apportent plus que le cinéma.
Maintenant, oui, j'ai vu beaucoup de cinéma classique, beaucoup de films
en noir et blanc. J'aime bien les vieux films français. Je peux me
laisser porter par un cinéma très français, un peu bavard sur le mari,
la femme et l'amant où on est au bistrot et où l'on se parle de nos
vies. Je ne regarde pas les Marvel, des choses comme ça alors que j'ai
un fils à qui j'ai dit "Tu vas y aller tout seul parce que ça ne me
touche pas assez". En revanche ce qui me touche énormément c'est un film
comme "le seigneur des anneaux" que j'ai dû voir une dizaine de fois.
Autant "Star Wars" ne m'attire pas, autant la fantasy peut me toucher.
Un monde qui est à la fois médiéval, pas très défini dans le temps,
rempli d'elfes, de nains et de dragons. Cette histoire est déjà un livre
absolument incroyable et un monument de la littérature mondiale. A
chaque fois que je le vois, je découvre des choses nouvelles. C'est
vraiment le bien et le mal. Rien n'est noir, rien n'est blanc. C'est
extrêmement intéressant, bouleversant. Un film sur le courage. Il y a de
la guerre, de l'amour. Il n'y a pas de personnage féminin. Mais c'est
un film qui me bouleverse toujours et qui me fait du bien à chaque fois
que je le vois. Et puis, je dois ajouter que mon acteur fétiche est
Daniel Day-Lewis qui est un acteur anglais que j'adore. Je crois
d'ailleurs qu'il ne tourne plus car c'est quelqu'un de torturé. Et
j'avoue que le théâtre anglais, le cinéma anglais et l'humour anglais,
d'ailleurs mes enfants sont anglais par leur père, les séries anglaises,
les émissions de TV anglaises, ce sont des choses qui me plaisent.
Y a-t-il des rencontres qui vous ont particulièrement marquée ?
Martina Chyba - Sur
33 ans, ça va être compliqué ! Ce que je garderais comme souvenir, ce
sont les trois années où j'ai travaillé pour une émission de
consommateurs. Alors, ça peut paraître un peu nunuche quand on dit ça,
mais c'était vraiment de l'enquête et j'en garde un excellent souvenir
parce qu'on avait le droit de faire des enquêtes sur les marques, sur
des entreprises et de donner les résultats à l'antenne. Il y avait une
liberté éditoriale que seul le service public peut offrir. Parfois, il y
avait un bloc de pubs avant l'émission dans lequel était cité une
marque. Et bien, nous, on la démontait quelques minutes après. Alors on a
eu des tas de procès qu'on a toujours gagnés et ça été vraiment un
plaisir de pouvoir faire ça. Après, j'ai presque envie de dire que les
moments les plus forts que j'ai vécus c'était avec des anonymes, avec
des gens qui acceptaient de donner de leur temps, de témoigner. Dans nos
émissions, j'ai fait pas mal de choses autour du sport, sur le dopage
dans les années 80, Et il fallait venir parler du dopage à l'antenne !
Je me souviens d'un cycliste qui avait une grande cicatrice sur le
visage. Il m'a dit "Vous savez, Martina comment je me suis fait ça ?" Et
il a poursuivi "J'étais tellement dopé, j'ai pris tellement de produits
que j'ai accéléré et que je n'ai pas vu qu'il y avait une voiture
devant. Je suis rentré dedans à plus de 70 km/h et je me suis écrasé le
visage". Je me souviens aussi qu'à cette époque, quand je travaillais un
peu dans le sport, j'ai fait une interview de Carl Lewis qui était un
immense champion. J'avais fait un sitting devant son hôtel et j'étais
assise devant sa chambre en me disant qu'il allait bien en sortir mais
je ne savais pas s'il allait accepter ou pas. Et au moment où je me suis
dit, ça fait déjà trois heures que je suis assise devant la chambre de
ce monsieur et que je m'apprêtais à partir, on m'a dit "No, Mr Lewis is
here". Et je me suis retrouvée devant lui. Il à répondu à mes questions
et à ce moment là quelqu'un me faisait signe, car nous étions en direct
dans le journal de midi, pour me dire qu'il n'y avait pas de son. La
moitié de l'interview à donc eu lieu sans le son (Rires). Après, j'ai rencontré
plein d'artistes et j'ai pu créer pas mal d'émissions. Cela reste un
vrai grand souvenir avec parfois des interviews dures où il fallait
poser des questions compliquées. C'est quelque chose que j'ai bien aimé
faire. Et puis, il y a un moment de télévision que j'ai trouvé très
touchant pour moi. Je rêvais, vu mon rapport à l'âge, de voir
l'installation d'une grande collection. Et je faisais la scie auprès du
président directeur de la fondation d'art Leonard Gianadda qui est un personnage imposant
avec une certaine autorité et un gros caractère mais qui ne m'aimait pas
comme journaliste. Donc je partais du bas. Et en insistant, j'ai pu
assister à l'installation de la collection Phillips de Washington qui est une
des plus grandes collections d'art impressionniste. C'était
hallucinant. Elle est arrivée, comme vous pouvez l'imaginer, dans des
grandes boîtes en bois. Tous les tableaux avec les assureurs, les
experts, la sécurité étaient là. Et nous avons pu les filmer. Pour moi,
c'était Disneyland. C'était à chaque fois, Oh, un Van Gogh ! Oh, un
Lautrec ! Oh, un Renoir ! Je trouvais ça incroyable. Et il y avait dans
cette collection "Le déjeuner des canotiers", un Renoir extrêmement
imposant, un très grand tableau. Quand le bois est tombé et que le
tableau est apparu contre le mur de la fondation Leonard Gianadda, qui était cet
espèce de personnage à la voix de stentor, à qui personne n'osait jamais
rien dire, à commencé à pleurer, mais vraiment à sangloter devant le
tableau. Nous on filmait et cette séquence a fait l'ouverture du
reportage. C'est très certainement l'une des plus belles scènes que j'ai
pu filmer dans ma vie car je me suis dit, là, on voit quand même le
pouvoir d'un tableau sur l'émotion humaine et c'était chez nous, dans un
de nos cantons, avec un des tableaux les plus célèbres au monde et
avec l'une des personnalités fortes de chez nous. C'était un moment de
télévision extrêmement émouvant. Et d'ailleurs dans le livre
"Rendez-vous" la seule œuvre d'art qui est présentée et qui est en
Suisse, c'est à la fondation Leonard Gianadda. C'est une sculpture de Niki de Saint Phalle qui est
dans le jardin à Martigny de la fondation Gianadda. Et, depuis, je précise qu'on est
resté très amis avec Leonard Gianadda avec un respect mutuel très profond.
Donnez-nous en quelques mots l'envie de découvrir "Rendez vous" ?
Martina Chyba -
Je peux dire une seule chose sur "Rendez-vous". J'ai eu une fin
d'écriture, comme toujours, très difficile où on se dit finalement mes
petites histoires ça va intéresser qui ? Est-ce que vraiment, il faut
que je publie ça ? et puis j'ai senti dans les premières relectures et
dans les premières lectures aussi que les gens étaient touchés. J'ai pas
grand chose à dire puisque j'ai livré cette histoire qui est très
personnelle mais la plupart des gens, dans leurs retours, m'ont dit
"C'est un livre qui fait du bien". Et rien que ça, c'est un grand
bonheur. Ça m'a vraiment fait du bien d'entendre ça. Et si ce livre peut
aider à passer un moment sympathique, cool, à faire rire et à faire
pleurer les gens qui ont besoin de se recentrer sur eux-mêmes, vivre des
émotions dans une époque où, franchement, c'est pas facile tous les
jours, et bien je suis super contente. Et comme ce sont les retours que
j'ai, le conseil que je peux donner c'est espérer que ça vous fera
rire, que ça vous fera pleurer, que ça vous fera réfléchir un peu et
surtout que ça vous fera du bien. Il y a des gens qui sont venus aux
dédicaces et c'était vraiment très touchant. J'ai vu arriver un jeune
couple avec des enfants tout petits dans les bras et la femme me dit
"Vous savez, je n'ai pas dormi depuis trois ans, je n'ai rien lu mais
le vôtre je vais vous le prendre, je vais le lire sur mon canapé et ce
sera mon moment à moi". Il y a une mère qui est venue et qui m'a dit "Je
vais l'acheter pour mon fils car il fait une dépression. Il ne va pas
bien et j'aimerais lui donner quelque chose d'un peu joyeux". Et à la
dédicace suivante, dans un autre canton, le fils est arrivé avec des
fleurs et m'a dit "Merci, ça m'a fait du bien. Je pense que je vais
aller voir des tableaux dans les musées". Donc voilà, j'espère que ce
sera un moment pour vous. Un jour quelqu'un m'a dit, et c'est le plus
beau compliment qu'on m'a fait en 33 ans de carrière dans la presse. Il
m'a dit "Vous êtes comme le chocolat avec le café. C'est bien sans mais
c'est quand même mieux avec". J'ai trouvé ça tellement chou. Donc, si ce
livre peut être un peu le chocolat avec votre café, je suis super
contente.
Interview Thierry CATTIER
ReTranscription William Chopin
Photos Th CATTIER / SHOOTING IDOLS